Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

D'hier à demain

par Mourad Benachenhou



«La dissolution de la Syrie et de l'Irak plus tard, en régions ethniquement séparées comme au Liban, est la cible primaire d'Israël sur le front de l'Est à long terme, tandis que la dissolution du pouvoir militaire de ces Etats sert de cible à court terme. La Syrie s'effondrera, en conséquence de sa structure ethnique et religieuse, en plusieurs Etats comme dans le Liban actuel, si bien qu'il y aura un Etat alaouite le long de ses côtes ; un Etat sunnite dans la région d'Alep, un autre état sunnite à Damas ; hostile à son voisin du Nord, et les Druzes qui établiront un Etat, peut-être même sur notre Golan, et certainement dans le Hauran et au nord de la Jordanie.

Cette situation sera la garantie de la paix et de la sécurité dans la région à long terme et cet objectif est à notre portée aujourd'hui.» Oded Yinon-Directeur au ministère des Affaires étrangères d'Israël: une stratégie pour Israël

Peut-on, en quelques lignes, retracer l'Histoire de notre pays depuis qu'il a accédé à une indépendance durement acquise et largement méritée par les sacrifices consentis par le peuple algérien face à la cinquième puissance mondiale, et qui plus est, de la bombe atomique, l'arme de dissuasion parfaite ?

CINQUANTE ANS APRES

Il est, à la fois, présomptueux et impossible, de tenter de décrire et analyser, en quelques centaines de mots, la multitude des évènements, parfois heureux, parfois dramatiques, qui ont caractérisé ce demi-siècle et ont contribué à la formation de l'Algérie actuelle. On peut, cependant, sans risque d'être démenti, affirmer que l'Algérie de maintenant n'a que peu de choses à voir avec le pays et la nation au Cinq Juillet 1962, jour officiel de notre accès à l'indépendance.

On peut évaluer suivant une diversité de critères la situation de notre pays après cinquante années de liberté politique enfin acquise et d'accès à la reconnaissance politique internationale, après qu'il ait passé cent trente-deux années sous le joug colonial,

On peut, évidemment, mettre l'accent sur les aspects négatifs de cette période, souligner le caractère quelque peu chaotique, et parfois, violent, de l'évolution du système politique sous lequel a vécu l'Algérie entre 1962 et maintenant, par exemple, reprocher à la classe dirigeante, quelque que soit sa composition, d'avoir tardé à mettre en œuvre les réformes permettant l' émergence d'un Etat de droit moderne, fondé sur la séparation des pouvoirs et l'égalité de tous devant la loi.

On peut, également, se demander si l'idéologie égalitaire qui a sous-tendu le programme politique du FLN de la guerre de libération nationale, et dont on retrouve l'écho dans le titre officiel de notre pays, n'a pas été oubliée au profit d'un système économique qui met trop l'accent sur la poursuite individuelle débridée de l'enrichissement à tout prix, au détriment tant de l'indépendance nationale que de la nécessité de maintenir une disparité sociale acceptable pour toutes les couches de la population.

CULTURE ET MANIPULATION DE L'HISTOIRE

Les raisons d'insatisfaction ne manquent pas également même dans le domaine culturel, où le malaise lié à l'attachement à plusieurs langues de culture est rampant, et où les uns estiment être lésés à la fois économiquement et socialement et se sentent ghettoïsés, et où les autres se proclament détenteurs d'un message moderniste salvateur et source de progrès et de prospérité et d'ouverture sur un monde de plus en plus cosmopolite et où les valeurs ont tendance à s'universaliser, et où certains jouent aux victimes d'un système historique qui les empêche de faire valoir leurs propres particularismes, pourtant, selon eux, les plus authentiquement algériens .

Il est vrai aussi que la manipulation de l'histoire, à des fins strictement politiques, a fini par faire perdre aux Algériens le sens de la continuité entre le passé et le présent, et a donné lieu à des dérives qui ne font que reprendre les thèses coloniales forgées pour justifier l'occupation de l'Algérie et l'exploitation des Algériens, comme la déchéance à la fois morale, sociale, économique et politique à laquelle le système colonial les avait soumis pendant plus d'un siècle.

UNE EVALUATION PESSIMISTE JUSTIFIEE ?

Aboutir à une évaluation pessimiste, frisant le désespoir, de ces cinquante années d'indépendance, pourrait donc apparaitre comme objectivement justifiée, ajoutée à la frustration causée par un système politique qui, jusqu'à il y peu de temps encore, considérait toute critique portée contre lui comme un acte de guerre déclaré qui méritait répression et riposte musclée.

Les dérives motivées par une vision quelque peu sombre du futur de l'Algérie ne manquent pas, à la lecture des medias, dont certains font un commerce lucratif de l'hypercritique qui n'épargne, à tort ou à raison, aucune des multiples failles de la gestion des affaires collectives.

Ces dérives sont foison et ne connaissent plus aucun limite, mettant à profit une interprétation de la liberté d'expression qui refuse toute limite et va jusqu'à accepter de scier la branche sans laquelle cette liberté n'existerait pas ou s'exercerait sur d'autres sujets que ceux de la bonne utilisation de l'indépendance politique.

UNE IGNORANCE INQUIETANTE ET PERILLEUSE DE L'HISTOIRE DE L'ALGERIE!

Ces dérives vont jusqu'à la négation de l'existence de la Nation algérienne, ou en contestent des composantes majeures, comme l'arabité et l'islamité; elles se fondent soit sur une méconnaissance de l'histoire complexe de notre pays, et n'hésitent pas à la falsifier pour les besoins d'une cause à la fois vague et tortueuse, mais néanmoins dangereuse.

Elles passent, par exemple, sous silence le fait historique avéré et reconnu même par les tenants de l'idéologie coloniale, que depuis le 8ème siècle le Maghreb en général, et l'Algérie en particulier, et jusqu'à l'instauration de la Régence d'Alger, à la demande expresse des Algériens, qui ne voulaient pas tomber sous la coupe des conquistadors espagnols, et l'intermède colonial, étaient dirigés par des dynasties locales, que ce soient les Aghlabides, les Almoravides, les Almohades, les Mérinides, les Zianides-Abdelwadites, les Hammadites, les Hafsides.

Toutes ces dynasties, malgré la diversité des conditions de leur accès au pouvoir et des interprétations de l'Islam qu'elles convoyaient, ont contribué à donner à l'Algérie le socle profond religieux, linguistique et culturel qu'on lui connait maintenant ; auquel est venu s'ajouter l'élément francophone.

Toutes ces dynasties, pourtant locales, ont décidé que l'unification politique, dans un système social dominé par les divisons tribales, ne pouvait s'effectuer que par la diffusion de l'Islam et l'adoption de l'arabe comme langue de culture.

PHENICIEN, LATIN ET GREC

Il faut souligner également que les rois numides,- Massinissa et Micipça- qui ont fait entrer le loup romain en Afrique du Nord, à partir de la fin du 3ème siècle avant Jésus Christ, en profitant des guerres puniques pour imposer, avec l'aide de Rome, leur pouvoir sur le centre et l'Est de l'Afrique du Nord, y compris la Libye, ont adopté la culture et les dieux romains, et se sont mis au Grec, qui était devenu la seconde langue de l'Empire romain, après la conquête de la Grèce au 2d siècle avant Jésus Christ. On passe sous silence les écrivains numides qui ont écrit soit en latin soit en grec, que ce soit les «pères chrétien» comme Cyprien et Tertullien, ou avant eux, les, païens comme Apulée, de Madaure, le trilingue, puisqu'il parlait aussi bien le berbère, le latin que le grec, mais a choisi d'écrire en latin, et le Roi Juba II, philosophe prolifique en langue grecque

Il ne tenait qu'à ces rois numides d'imposer la langue locale et le tifinagh, alphabet dérivé de l'alphabet punique. Il ne faut pas oublier également que le Phénicien s'est répandu, au contact des Carthaginois, dans l'Est de l'Algérie au point où Augustin, qui parlait et écrivait exclusivement romain (354-430) lorsqu'il était évêque d'Hippo Majus, a demandé à ses prêtres de prononcer leurs serments en cette langue, et au point où, dans cette région du pays, jusqu'au 11ème siècle de l'ère chrétienne, les pierres tombales des Chrétiens étaient écrites en caractères phéniciens.

IL NE S'AGIT PAS D'UNE GUERRE MEMORIELLE !

Cette dérive antinationale ne peut nullement être liée à une simple guerre de mémoire, qui par, définition, implique un accord entre les protagonistes, sur un certains de faits historiques et des divergences quant à leur présentation.

 Par exemple, les historiens pro-coloniaux et anti coloniaux sont d'accord sur le fait que l'Algérie a été occupée militairement et sa population placée sous servage pendant 132 ans, mais divergent quant aux résultats de cette occupation.

Les uns et les autres reconnaissent que le mouvement nationaliste algérien s'est radicalisé au cours des temps et a fini par prendre une forme militaire, mais les tenants du colonialisme mettent l'accent sur les violences des nationalistes algériens et veulent prouver que les exactions de l'armée colonial étaient justifiées par ces violences, tandis que les pro-indépendantistes ripostent que la violence coloniale existait bien avant que les Algériens ne prennent les armes, et que ceux-ci n'ont fait que se défendre et que donc leur violence était plus légitime et plus juste que la violence coloniale.

Lorsque certains, dans leur logique destructive de rejet du système politique algérien instauré à l'indépendance, vont jusqu'à rejeter la nationalité algérien, ils sortent de la perspective de guerre des mémoires à une perspective de guerre d'anéantissement, puisqu'ils rejettent même l'existence de la Nation; Ils refusent toute mémoire historique partagée avec les Algériens qui sont convaincu que la Nation algérienne existe.

UN ECRIVAIN N'EST PAS AU-DESSUS DE TOUTE ATTACHE NATIONALE, HISTORIQUE ET SOCIALE !

Se prévaloir du statut d'écrivain pour écrire, raconter, falsifier l'histoire, transformer un fait divers se déroulant dans un village algérien perdu comme une prise de position idéologique en faveur d'un régime politique européen rejeté en bloc par tous les dirigeants nationalistes algériens et combattu, les armes à la main, par des centaines de milliers d'Algériens, ne constitue ni une défense, ni une justification de ce qui est un acte de trahison et on n'a pas besoin d'être un soutien du régime du parti unique; ni un de ses valet, pour affirmer que ce qualificatif de traitre s'applique sans nuance au cas en cause. Présenter son interprétation de l'Histoire de l'Algérie et de la conception de la Nation algérienne comme un simple différend de perspective historique, est à la fois erroné et teinté de duplicité.

Ajouter l'insulte aux coups en rendant visite et en acceptant les hommages d'un état fondé sur le génocide, l'apartheid, le fanatisme religieux et la falsification de l'Histoire-et Baruch Spinoza a amplement expliqué cela dès le 17ème siècle- ne peut que conforter le caractère objectif du qualificatif, surtout que ce pays en cause ne cache nullement ses intentions hostiles envers la Nation qu'il veut voir disloquée et à laquelle il applique la même grille d'analyse que cet écrivain.(voir la citation en tête de l'écrit dont tout le texte peut être retrouvé sur l'Internet)

Même un ancien dirigeant des services de renseignement de ce pays reconnait le caractère haineux du système politique qu'il a pourtant servi avec zèle:

«Les choses qu'un Palestinien doit endurer pour aller au travail le matin est un cauchemar long et continu qui inclue l'humiliation qui touche au désespoir. Nous avons à décider bientôt quel type de démocratie nous voulons ici. Le présent modèle intègre l'apartheid et n'est pas à la mesure du Judaïsme. Nous n'atteindrons jamais la sécurité sans une discussion en profondeur du problème.» (Amy Ayalon, ancien chef du Shin Beth)

QU'ON PASSE DONC EN REVUE L'HISTOIRE UNIVERSELLE !

On est d'autant plus surpris par la dérive antinationaliste qu'elle provient d'un personnage qui se reconnait explicitement et implicitement membre de la Nation algérienne, du fait qu'il a accepté et a exercé de hautes fonctions dans des administrations centrales algériennes, a donc tiré personnellement profit de l'indépendance de l'Algérie, et donc des sacrifices consentis par tous les Algériens comme de la reconnaissance internationale de l'existence de la nation algérienne.

Puisque certains mettent en avant l'exemple de l'histoire du monde(en savent-ils autant sur elle pour comparer toutes les falsifications de l'histoire auxquels les politiciens ont recours, y compris dans des pays aussi avancés que la France, les USA, l'Inde, le Japon, etc.?) on peut leur rétorquer que quiconque va jusqu'à rejeter l'existence de la Nation à laquelle il appartient, est qualifié de traitre dans toutes les langues et dans tous les pays et dans toutes les civilisations du monde.

EN CONCLUSION

Reconnaitre la légitimité du sionisme et rejeter la légitimité du nationalisme algérien, remettre en cause l'existence de la Nation algérienne et accepter la fiction,- en deçà même du simple mythe fondateur et que rejettent tous les éléments connus et reconnus de l'Histoire- de l'existence d'une nation juive qui serait entièrement issue d'une diaspora entièrement originaire de la Palestine historique, alors qu'elle provient de conversions de différents peuples au Judaïsme au cours des siècles, ?mythe combattu même par des Juifs israéliens(voir Shlomo Sand professeur à l'université de Tel Aviv «Le Mythe du Peuple Juif » Editions Fayard 2008 voir http://www.monde-diplomatique. fr/2008/08/SAND/16205)- va au-delà de la simple provocation, tout en révélant une profonde haine pour son propre peuple et une méconnaissance totale de l'Histoire de l'Algérie, y compris de la région qu'on prétend représenter et dont on prétend défendre les particularités, si ce n'est le particularisme.

Et on ne saurait mettre ce rejet de l'existence de la Nation algérienne comme un simple problème de guerre mémorielle. Pratiquement l'auteur de cette dérive, qui se cache derrière la fausse justification de la liberté de penser, de créer et de s'exprimer, est visiblement mû par une haine viscérale envers les membres de son propre peuple et est disposé, sans qu'on ait à lui prêter des intentions qu'il pourrait ne pas avoir, puisqu'il s'est exprimé de manière claire et sans ambigüité, à prendre part à tous les aventurismes visant directement la Nation dont il fait, qu'il le veuille ou non, partie.

Se prévaloir de revendications linguistiques et culturelles légitimes et acceptées, se cacher derrière les noms des héros de la guerre de libération issus de la région, pour camoufler le rejet de leur combat pour la renaissance de la Nation algérienne sont des actes de duplicité supplémentaire, ce qui rend d'autant plus condamnable les prises de positions qui ne peuvent nullement trouver leur justification dans la nature du régime, politique algérien depuis 1962.

Car ce n'est pas ce régime qui, à travers ces prises de position extrémistes et destructives-est pris à partie- et il peut changer et il est en train d'évoluer lentement mais sûrement, et on peut même accepter certaines des critiques portées contre ce régime-mais toute la Nation algérienne elle-même.

L'immaturité politique et le manque de culture historique profonde que révèlent ces prises de positions d'un intellectuel qui veut se faire le porte-parole d'une élite frustrée, et qui a perdu ses racines aussi bien culturelles que sociales ,ne font que justifier le régime politique, plus qu'elles ne lui portent préjudice, dès lors que certains de ses opposants vont jusqu'à nier la légitimité de la Nation algérienne dont il assure, qu'on le veuille ou nom, la pérennité et la défense.

Dans cette période extrêmement dangereuse de notre Histoire, où se crée peu à peu une nouvelle réalité géopolitique dans la région, il y a simplement des positions que l'on ne peut que considérer comme irresponsables et qu'on ne saurait réduire à de simples vaticinations d'intellectuels rebelles à tout ordre établi à la recherche de la célébrité universelle , même au prix de la déchéance morale et de la trahison !