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L’EUROPE ET SON UNION BANCAIRE

par Akram Belkaid, Paris

A chacune des crises vécues par l’Union européenne (UE) – et l’actuelle en est peut-être la plus grave – un phénomène de sortie par le haut a presque toujours eu lieu avec des avancées notables sur le plan des institutions et des mécanismes communautaires. En clair, l’Europe progresse souvent dans l’adversité. Aujourd’hui, alors que des pays comme la Grèce, l’Espagne et Chypre sont au bord du gouffre, des perspectives d’amélioration sont d’ores et déjà proposées par les partisans d’un renforcement de l’UE et cela malgré la montée en puissance d’un fort sentiment europhobe.

VERS UNE SURVEILLANCE CENTRALISEE DES BANQUES ?

La mise en place d’une union bancaire européenne fait partie des ces pistes jugées prometteuses. De quoi s’agit-il ? Pour ses promoteurs, cette union s’appuierait sur trois grands axes. D’abord, la création d’une surveillance centralisée des banques en Europe. Ce serait une sorte de super-gendarme bancaire aux compétences étendues et qui prendrait le pas sur les organismes de contrôle nationaux. Ensuite, il y aurait la mise en place d’un mécanisme commun d’assurance des dépôts de clients.
Là aussi, ce dispositif se substituerait aux instances nationales et aurait pour avantage de gommer les disparités qui existent d’un pays à l’autre (aujourd’hui, en cas de faillite bancaire, mieux vaut être client français que grec ou espagnol). Enfin, cette union bancaire obligerait les membres de l’UE à adopter une législation commune de résolution des crises bancaires, l’un des buts majeurs étant de faire en sorte que l’Europe ne connaisse pas de mouvement de panique bancaire (retraits massifs).
Bien entendu, rien n’est encore fait et les obstacles demeurent nombreux. La mise en place d’une union bancaire-d’ores et déjà présentée comme un premier pas vers l’union budgétaire - signifierait une nouvelle perte de souveraineté, pour les pays membres et il n’est pas dit que cela soit accepté par des opinions publiques, de plus en plus persuadées que l’Europe est aussi responsable de leurs difficultés économiques. Plus important encore, il faudra que les Européens s’entendent sur le mode de fonctionnement de l’instance de surveillance centralisée.
S’il est facile de créer une structure, il sera plus difficile d’élaborer les règles et la philosophie de son fonctionnement. Quel droit adopter ? Faudra-t-il s’inspirer de la législation de pays comme la France ou l’Italie (jugés plus interventionnistes) ou de celles de leurs partenaires anglo-saxons, réputés plus « business friendly », c’est-à-dire un peu plus accommodant à l’égard des banques ?
Car, ce qu’il faut savoir, c’est que nombreux sont les secteurs économiques qui profitent des disparités de législation au sein même de l’Union européenne. C’est le cas des banques dont la présence aux quatre coins du continent n’est pas seulement due à des motifs de rentabilité. Parfois, c’est l’effet d’aubaine législatif qui prime comme par exemple le droit de mener certaines opérations ou activités interdites dans le pays d’origine. Une union bancaire signifierait une remise à plat voire la disparition des spécificités de chaque marché bancaire et, il n’est pas sûr que cela soit accueilli favorablement par les banques elles-mêmes mais aussi par les gouvernements.

UNE UNION, POUR QUELLE EFFICACITE ?

On peut aussi se demander si la centralisation de la surveillance serait la solution idéale face à tous les problèmes posés par les banques. Certes, cela renforcerait le pouvoir de la Banque centrale européenne (BCE) mais cette dernière s’est tout de même avérée incapable de voir venir la crise des subprimes et ses conséquences.
De plus, qui dit Europe dit lobbies et il est à craindre qu’un organisme européen de surveillance bancaire ne soit l’otage de leurs actions souterraines à Bruxelles. Enfin, il sera intéressant de voir comment la Grande-Bretagne, patrie de la City londonienne, va se positionner vis-à-vis de ce projet. Souvent décidés à jouer leur propre carte - comme en témoigne l’appel du gouvernement Cameron aux entreprises françaises à s’installer outre-manche - il est probable que les Britanniques s’opposent à cette union bancaire sauf à pouvoir la modeler selon leurs intérêts…