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TREVE ESPAGNOLE POUR UNE CRISE EUROPEENNE

par Akram Belkaid,Paris

L’Europe vient donc de se payer un peu de répit en accordant à l’Espagne une aide de 100 milliards de dollars pour la restructuration, ou pour être plus précis, pour le sauvetage de son secteur bancaire. Relevons d’abord que les difficultés viennent une nouvelle fois des banques. Les contribuables européens vont encore mettre la main à la poche alors que, dans le même temps, les gouvernements n’arrivent toujours pas, mais peut-être ne le veulent-ils pas, à se mettre d’accord sur une législation plus contraignante pour le secteur financier.

UNE VICTOIRE TACTIQUE ESPAGNOLE

Il faut ensuite noter que le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy a bien mené sa partie de poker menteur. Cela fait des mois que l’Espagne inquiète les Européens et que ces derniers la pressent de solliciter une aide financière. Jusque-là, Madrid avait refusé, arguant être capable de s’en sortir seul. Les déboires de la banque Bankia – aujourd’hui en passe d’être nationalisée – ont fragilisé cette position de fermeté mais Rajoy a tenu bon, obligeant ses partenaires européens à lui faire des propositions les plus avantageuses.
Contrairement à ce qui s’est passé pour la Grèce, qui est pratiquement mise sous tutelle par l’Union européenne (UE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI), l’aide accordée à l’Espagne n’est soumise à aucune conditionnalité, notamment en matière d’austérité. En clair, l’Allemagne a accepté de traiter le cas espagnol de manière moins sévère. Du coup, de nombreux Grecs, à commencer par les partis d’extrême-gauche, exigent que le plan de sauvetage de leur pays soit renégocié en des termes plus favorables. Les élections du 17 juin prochain en Grèce diront si le traitement de faveur dont a bénéficié l’Espagne va, d’une certaine manière, raviver la crise grecque.
L’autre question qui se pose concerne l’efficacité de l’intervention européenne. D’un côté, il faut saluer le fait que cette dernière a eu lieu en amont, avant que l’on n’assiste à des paniques bancaires en Espagne, lesquelles auraient contaminé tout le continent. De l’autre, personne n’est vraiment sûr que le montant de 100 milliards soit suffisant. Destiné aux banques, il ne servira pas à équilibrer les comptes espagnols ce que ne manqueront pas de relever les marchés. A ce jour, Madrid emprunte à plus de 6% pour pouvoir financer son déficit budgétaire. Si ce taux se maintient (ou augmente) au cours des prochains jours, cela voudra dire qu’un deuxième plan d’aide pourrait être nécessaire à plus ou moins brève échéance. Voilà pourquoi rien n’est encore réglé et pourquoi personne ne peut prétendre aujourd’hui que la monnaie unique européenne est sauvée. De fait, le vrai problème réside dans la manière dont la zone euro doit gérer aujourd’hui les montagnes de dettes publiques. Faut-il les mutualiser (ce que refuse l’Allemagne) ou prendre le risque d’un chacun pour soi qui pourrait signifier le glas de l’euro ? La question n’est toujours pas tranchée.

OU TROUVER L’ARGENT ?

Enfin, il reste à savoir comment l’Europe fera si l’Espagne se résout à demander une seconde aide pour son boucler son budget. Alors que l’actuel Fonds européen de stabilisation financière, ou FESF, ne dispose « que » de 240 milliards de dollars, le futur Mécanisme européen de stabilisation (MES) qui entre en vigueur en juillet disposera d’une enveloppe de 500 milliards d’euros. C’est un montant conséquent qui parie toutefois sur l’absence de crise majeure en Europe. A titre d’exemple, un défaut de l’Espagne et une aggravation de sa crise bancaire pourraient coûter entre 400 et 600 milliards d’euros. Et, pour l’heure, personne ne s’est encore risqué à calculer le coût d’une crise à la fois bancaire et budgétaire en Italie voire en France…