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Les Etats-Unis veulent tuer le secret bancaire

par Michel Fourriques

Alors que dans le cadre de la renégociation de la directive européenne sur la fiscalité de l'épargne, la Suisse essaie de préserver son secret bancaire, les Etats-Unis déroulent le «rouleau-compresseur» pour tuer le secret bancaire dans le monde entier.

LE CAS DE LA SUISSE : LES ACCORDS «RUBIK»

Après les accords avec l'Allemagne et le Royaume-Uni qui permettent à la Suisse d'acheter son secret bancaire contre une retenue à la source (RAS) reversé aux Etats concernés, l'Autriche a signé un accord le 13 avril dernier avec la Suisse qui lui permettra de taxer les avoirs de ses contribuables en Suisse, estimés à 20 milliards d'euros. Le taux d'imposition dans cet accord ira de 15 à 38 %, ce qui rapportera un milliard d'euros en 2013, puis 50 millions d'euros par an. Il devra entrer en vigueur au début 2013. L'Italie est en discussion avec la Suisse.

LA POLITIQUE DES ETATS-UNIS POUR LUTER CONTRE L'EVASION ET LA FRAUDE FISCALE, LE BRAS DE FER AVEC LA SUISSE OU COMMENT «MONTRER SES MUSCLES»

Après l'affaire UBS en 2009, les Etats-Unis exigent que la Suisse leur communique l'identité de tous les contribuables américains y ayant des avoirs bancaires ou alors réclame le «prélèvement d'un impôt punitif d'un montant prohibitif sur les revenus originaires des Etats-Unis». Ces derniers estiment entre 20 à 30 milliards les dépôts de dizaine de milliers de citoyens des Etats-Unis dans les banques suisses.

Concrètement onze banques suisses sont visées, et pour certaines d'entre elles, pour avoir récupéré, à partir de 2008, des milliers de clients qui quittaient précipitamment UBS. Sept banques sont inculpées pour avoir ouvert des comptes non déclarés à hauteur de 3 milliards de dollars.

En décembre 2011, le Département américain de la justice s'était directement adressé à ces onze établissements, en les sommant, avant le 31 décembre 2011, de livrer les données bancaires concernant leurs affaires avec des clients américains

L'ANTECEDENT DU CAS «UBS»

En 2008, «UBS» avait écopée d'une amende de 780 millions de dollars, et avaient été obligées de livrer les données bancaires de 4450 de ses clients américains. Cela représentait 18 milliards de dollars d'actifs détenus sur des comptes suisses.

Dans les faits, un ancien employé d'UBS aux Etats-Unis (de 2001 à 2005), qui pour éviter cinq ans de prison, a tout «déballé» à un procureur américain. UBS a alors accepté de livrer le détail des comptes suisses de 4450 ressortissants américains (le fis américain en réclamait 52000), sous la menace du fisc américain, pour éviter d'être accusée par la justice américaine de complicité de fraude fiscale, et donc de perdre son agrément aux Etats-Unis, pour avoir facilité l'évasion fiscale de contribuables américains.

Concrètement, elle risquait de devoir fermer sa filiale américaine, ce qui dans le contexte de l'époque aurait impliqué sa «mort» (20 milliards de pertes en 2008).

L'ACTUEL CONTENTIEUX AVEC LA SUISSE

Aujourd'hui, ils menacent de restrictions d'activité des banques sur le sol américain. Les Etats-Unis ont remporté un premier succès lorsque le parlement helvétique a approuvé le 5 mars dernier un amendement à la convention fiscale américano-suisse qui permet aux américains d'adresser des demandes groupées de renseignements sur ses ressortissants susceptibles d'avoir des comptes en Suisse, dans la mesure où «les autorités américaines indiquent dans leur requête le détail des méthodes d'évasion fiscale des groupes concernés».

Mais le 5 avril dernier, se basant sur ladite convention fiscale de 1996, qui n'accorde l'entraide administrative qu'en cas de fraude et non d'évasion fiscale (la nouvelle convention n'a pas été ratifiée par le sénat), les juges helvétiques ont admis la requête d'un client américain de Crédit Suisse qui s'opposait à la transmission de ses données aux Etats-Unis.

LE BRAS DE FER AVEC LE MONDE ENTIER : LE FOREIGN ACCOUNT TAX COMPLIANCE ACT (FATCA)

Ce texte extraterritorial, signé le 18 mars 2010 par le président Obama, et applicable à compter du 1er janvier 2013, instaure un nouveau système d'informations relatif aux comptes détenus directement ou non par des contribuables américains auprès d'institutions financières étrangères (ne sont concernés que les comptes supérieurs à 50 000 dollars). FACTA impose aux de fournir à l'administration fiscale américaine (IRS) des informations sur les revenus perçus à l'étranger par des américains. Les contribuables américains récalcitrants se verraient appliquer une RAS de 30 % au titre des paiements qui leurs sont destinés.

Les institutions financières étrangères (banque, secteur de la gestion d'actif, assurance) s'engagent formellement auprès de l'IRS à identifier leurs clients américains et à déclarer leurs avoirs chaque année. A défaut, une RAS de 30 % prélevée sur l'ensemble des paiements d'origine américaine sera appliquée aux institutions financières non coopératives, ainsi qu'aux clients récalcitrants.

C'est une véritable «révolution fiscale».

*Enseignant-chercheur à Sciences Po Aix (France) Professeur à l'ESAA (Algérie)