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Pour crédibiliser les résultats des examens, nous dit-on !

par Abdelkader Leklek

Il y a deux jours, le 29 mai 2012, se déroulaient les épreuves de l'examen d'entrée en première année moyenne. Elles annonçaient l'ouverture de la série, où le baccalauréat est prévu du 03 au 07 juin 2012, et le brevet de l'enseignement moyen pour les journées du 10 au 12 juin 2012.

Et à chaque fin d'année scolaire ses innovations, pour aborder les questions. Les fonctionnaires en charge de cette mission, qui au final engage l'Etat, rivalisent d'ingéniosité pour que tout, semble bien se passer. Mais l'est-il en réalité ? A chaque année ses parades pour la saison. Certains d'entre ces responsables du secteur en charge de l'éducation, osent annoncer parfois, même avant que les examens n'aient lieu, un taux de réussite. Sur quelles données ou bien selon quelles, études fiables se baseraient-ils ? Cette année scolaire 2011/2012, le décorum dévoilé pour cette fin de cycle ci, c'est l'augmentation des surveillants dans les salles d'examen, et le renforcement du nombre des observateurs. Il y aura trois surveillants dans chaque classe d'examen du baccalauréat, et 13 observateurs dans chaque centre.

Il y aura deux surveillants dans chaque classe d'examen au B E F, et deux observateurs par centre. Pour ceux qui avaient passé l'examen de passage en première année moyenne, ils y avaient deux à surveiller par salle et un observateur par centre. Sauf que l'invention du cru 2011/2012,pour ces gamins de 11 ans, c'est qu'ils vont être déplacés,et dépaysés pour affronter les questions de langue arabe, celles de français et enfin les pièges du problème de calcul. Aucun élève parmi ces mômes, ne passera l'examen dans son école, dans son quartier, dans son douar, ni dans l'école de sa déchra. Le but selon les adultes géniteurs de cette trouvaille, c'est de crédibiliser les résultats des examens. Pour la justification, il faut vraiment être hardi, mais aussi, il faut être brave pédagogue qui ne s'assume que moyennement. Ici, il s'agit de situer les responsabilités, quand il y a fraude.

C'est-à-dire, avant l'examen, en cas de fuite des sujets. Pendant, quand il y a copiage et triche, et après quand il y a favoritisme durant l'attribution des notes. Si l'organisation de cet examen pour les plus petits de nos enfants, permettait une quelconque fraude, ce n'est sûrement pas la faute aux élèves, mais aux adultes, qui n'accomplissent pas normalement, leur travail. En conséquence il n'échoit point à ces minots de subir une déstabilisation psychologique, le jour de l'examen d'entrée au collège, due aux insuffisances des adultes décideurs. Ils ont été 601 586 élèves, le 29 mai 2012, à endurer, en plus du stress de l'examen, l'épreuve de l'éloignement. 51,80%, pour les garçons, quand les filles représentaient 48,19%. Ils avaient été encadrés par 60 000 surveillants, et 3 365 observateurs répartis sur 3 221 centres d'examen. 12 000 correcteurs, seront chargés de contrôler leurs réponses, au niveau de 61 centres de correction à travers le pays. Tous les psy, et les psychopédagogues d'entre eux sont unanimes, quant à la stabilité psychologique, des élèves. Notamment, pour les plus vulnérables d'entre eux, pour cause de jeune age, au moment d'affronter les questions d'examens scolaires.

Avant, pendant et après les épreuves. Combien des gosses hésitent devant la feuille blanche, alors qu'ils auront parfaitement appris tout ce qui est prévu au programme de l'examen. La majorité d'entre eux dorment mal, la nuit de l'examen et se réveillent déjà fatigués, stressés et bien sûr déconcentrés. Combien d'entre eux, malheureusement, se sont suicidés ces dernières années, en Algérie pour cause, d échec, d'appréhension ou de doute par rapport aux examens ? A ce sujet quel organisme national, s'est-il chargé de comprendre le pourquoi de ces malheurs, afin qu'il n'y ait plus d'autres très jeunes victimes ? Est-ce la bonne décision de déplacer des mioches de 11 ans, avec tous les effets que cela puisse produire sur leurs facultés mentales, le jour « j », et sur leurs résultats, pour justifier et rendre crédibles les résultats de l'examen d'entrée au collège ? C'est une panacée pour nigauds.

C'est un faux- fuyant disculpant, de pédagogues montrant des incapacités à gérer naturellement un examen. Ils sont missionnés par la collectivité nationale pour préparer tous ces gosses, allant au collège, sauf ceux que la nature aurait malencontreusement diminués, pour répondre correctement aux questions de l'épreuve d'arabe, de celle du calcul et enfin à celle de langue française. Et comme la perfection n'est pas de ce monde, comme dirait un sage, il se peut, qu'il y ait des échecs. Mais des insuccès commandés, et exécutés pour soit disant valider des résultats, cela interloque et cela désoriente. Et la frustration dont pâtiront ces enfants risque d'être lourde en séquelles, pour les concernés, leurs familles, et aussi pour le pays. Quand un gosse est en échec scolaire, il ne l'est pas uniquement, pour lui-même. Il l'est encore plus, quand ceux qui sont en charge de lui assurer la réussite, l'utlisent pour se dédouaner de leurs propres turpitudes. Et pareil état des lieux, ne peut laisser indifférent. L'avenir d'un gosse, ne peut servir, d'alibi, ni en aucun cas cautionner une diversion. En l'espèce, c'est de la rustine face à un réel problème : le copiage durant les examens, notamment celui du baccalauréat. Ces deux dernières années, plusieurs incidents eurent lieu, et avaient été rapportés par la presse, en relation avec ce problème.

Des perturbations avaient émaillé la session 2011, du baccalauréat. Il y avait eu l'agression d'enseignants surveillants, à tel point que le département de l'éducation s'était dit prêt à sanctionner sévèrement les candidats qui tenteraient de tricher. Comme il avait également annoncé être disposé à intenter des actions en justice contre tout candidat qui agresserait les enseignants ou le personnel administratif en charge de la surveillance. Le département ministèriel s'était, par ailleurs, à l'époque, déclaré en mesure de se constituer partie civile pour défendre les enseignants qui font l'objet d'agression de la part de tricheurs pris en flagrant délit de copiage. Cette fraude s'est tant banalisée, que certains surveillants rapportent, qu'il est devenu sans effets, voire risqué d'interpeller des élèves âgés de plus de 18 ans en classe d'examen du baccalauréat, pris en flagrant délit de triche. Et les techniques sont très variées pour ce faire. Cela va de l'astuce de recopier des leçons entières sur les murs, les chaises ou même sur les tables, à l'utilisation de toutes les applications communication, qu'offrent les téléphones portables, comme le bluetooth. Certaines filles de la classe de terminale, n'hésitent pas à se servir du kit mains libres, qu'elles dissimulent sous leurs foulards khimar, pour communiquer avec l'extérieur, et recevoir toutes les bonnes réponses à partir de la source, autant qu'elles veulent, sans grands risques de se faire prendre.        

Mais cela pourrait-il être le cas pour l'examen d'entrée au collège ? Sauf situation exceptionnelle, un enseignant adulte, peut sans grandes difficultés, parfaitement contrôler tous les faits et tous les gestes d'une classe d'examen de gosses de onze ans. La discipline est différemment perçue et observée, au primaire, qu'elle ne l'est au lycée. Cela va de soi. Alors, delà à déplacer des gosses pour crédibiliser les résultats d'examen, il y a vraiment loin de la coupe aux lèvres, sauf si, contre toute logique, on veut escamoter la vraie question, pour éviter d'y répondre. Mais est-ce moralement et éthiquement tolérable pour un secteur où des hommes et des femmes mandatées par la communauté nationale pour instruire, former, et cultiver, des générations de forces vives débutantes dans la vie et sur qui repose l'essor du pays, viennent à manquer à ce point, de solutions pédagogiques ? Oui généralement la communauté nationale, réserve le premier poste budgétaire de l'Etat algérien, à l'éducation nationale, les salaires des personnels de ce secteur, et les autres avantages y compris. Et selon la loi de finances pour l'exercice 2012,le secteur de l'éducation nationale occupe le troisième poste budgétaire, avec une enveloppe de 544 383 508 000,dinars algériens, soit 13,92%, d'un total de 3 910 595 317 000 D A, hors charges communes. D'un autre coté, un gosse à qui l'école apprend intelligemment que la seule voie de réussite et de promotion sociales est, et demeure, le travail, l'effort, l'excellence et le talent à l'école, ne peut-être, un tricheur copieur potentiel.          Un gosse prend ce qu'on lui donne, à fortiori, quand cela émane de la part d'adultes et à l'école primaire. Ce n'est pas pour faire de la psychologie de super marché, mais c'est ainsi. Cependant, si on lui explique avec des mots et de la persuasion d'adultes, également le contraire.        Alors les adultes sont en droit de le surveiller comme un galérien et de le transbahuter le jour de son premier examen de sa vie scolaire, comme ils veulent, pour se donner bonne conscience, toutefois au détriment des intérêts de l'enfant, et également de ceux du pays.

Car un Etat c'est avant et après tout, la qualité de sa ressource humaine. Viennent ensuite toutes les autres richesses. Par ailleurs, ce qui demeure difficile à saisir, c'est cette volonté d'éloigner des gamins le jour de l'examen d'entrée au collège, de leurs écoles et surtout de leurs enseignants, qui sont, dit-on dans leur effrénée recherche de plaire et d'être à tors félicités, prêts à tout pour réaliser un important taux de réussite.

Cela ne pourrait être généralisé, car tous les enseignants, et loin s'en faut, ne sont pas fourbes, ni à ce point pervers. Beaucoup font leur métier avec les qualités appropriées pour ce faire. D'un autre coté si tel était le cas, en quoi des gosses de onze sont-ils responsables de ce malaise, et de cette ambiance faisandée et corrompue. En agissant ainsi les auteurs de cette façon de faire, n'apportent pas de solution au problème, car si les données évoquent la triche et le copiage, la réponse ne doit et ne peut résider dans le fait de se défausser de ses responsabilités, sur de jeunes élèves. Le remède et le traitement doivent être administrés ailleurs, là où se trouve la source de ce désordre.

Ces élèves de la cinquième année primaire apprennent en cours d'éducation civique, les règles du débat et de la discussion.Il leur est enseigné d'éviter au cours des débats, toutes les formes de violence, verbales ou physiques; d'écouter les autres débatteurs, de s'abstenir d'interrompre celui qui parle, d'accepter son argumentation sans excès de zèle particulier et enfin d'accepter de se soumettre aux décisions prises par la majorité. Cependant, aussi importante soit cette leçon de tolérance, et toutes les autres de même portée contenues dans les programmes scolaires, pour préparer les enfants à assumer leur vie citoyenne, elles risquent de rencontrer des écueils et produire le contraire de ce qu'il en est attendu.           Certains d'entre ceux qui sont chargés de transmettre ces valeurs n'y adhèrent pas eux-mêmes, et n'écoutent que leurs convictions propres, souvent hostiles à celles qu'ils sont tenus d'enseigner et payés pour le faire. Les enfants concernés par le déplacement, poseront certainement la question de savoir pourquoi, une telle mesure. Et ils auront la réponse des adultes leur expliquant toutes les raisons évoquées plus haut, dans cette chronique. Et ils concluront certainement ainsi. C'est quoi ces adultes qui nous font apprendre de bien nous comporter, mais font l'inverse, pour nous convaincre d'un bien fondé insaisissable pour nous, mais également antinomique pour eux.

Tous le pédopsychologues, vous diront, d'éviter les ambivalences, les doutes, les équivocités, et les agissements suspects d'adultes en direction de gosses de cet age là. Les gosses de onze ans, qui passent l'examen d'entrée au collège, ne sont plus à l'âge de la naïveté naturelle, pour croire au ghoul, à l'ogre, mais non plus, ils n'ont pas encore, atteint l'âge des polémiques et des controverses d'adultes, qu'elles soient philosophiques, politiques ou bien idéologiques. Une confiscation de la candeur, de la simplicité, au sens noble, c'est-à-dire, la sincérité, sans fard ni grimage. Et la spoliation de l'innocence juvénile, en la corrompant, par les contre vérités, ne produira que des dégâts, que ces gosses devenus adultes auront du mal à assumer. La confusion, le flou et les imprécisions, offrent peu de visibilité sur le cheminement d'une vie. Notre école publique nationale, assume-t-elle, son rôle de produire des citoyens, quand des adultes leur enseignent des valeurs et se comportent en totale contradiction avec ces aptitudes et ces qualités ? Doit-on, en tant qu'adultes continuer à berner nos enfants, de la sorte ? C'est un leurre d'adultes qui se dupent.

Car depuis l'avènement de la micro informatique, c'est-à-dire l'informatique sur micro-ordinateur, et sa relative socialisation, la terre est devenue un cyberespace. La prolifération d'ordinateurs personnels, a induit et continuera d'entraîner des transformations sociétales des façons de vivre. La mondialisation de l'économie, le transport et le traitement des informations. Les textes et les images d'évènements, sont reçus en temps «T», en temps réel. Et tous nos gosses, dans les régions les plus reculées, se rendent au cybercafé, car les écoles dans ces régions et d'ailleurs aussi à travers le pays, ne proposent pas au cycle primaire l'initiation à l'informatique.

A ces gamins rien n'échappe. Ils possèdent presque tous leur compte face book, et tous chatent entre eux. Ils sont informés, comme ils veulent, quand ils veulent.

Que chacun des adultes regarde un peu ce qui se passe autour de lui, dans ce milieu juvénile, et il s'apercevra vite, du décalage, qu'il y a entre eux et nous autres. Ils savent que des enfants de leur age qui habitent des régions reculées dans certains pays, ou bien résident sur des îles, reçoivent des cours par la radio, par des télés spécifiques, sinon par le biais d'Internet. Et quand ils passent les examens de contrôle, on ne les déplace pas. Ils répondent à partir de chez eux, et ne trichent pas. Alors en quoi nos gosses sont-ils différents de ces derniers, si nous adultes, nous ne leur inculquions pas des façons douteuses, louches et suspectes, d'affronter l'examen et de répondre à la question, à laquelle, normalement, notre école, les aurait préparés. Que l'examen ait lieu, dans leur établissement scolaire habituel ou bien ailleurs.

Déjà que nos écoles éprouvent, pour diverses raisons, des difficultés à apprendre, à nos petits, les trois savoirs fondamentaux, lire, écrire et compter normalement. De surcroît, on fait tout, pour développer en eux la suspicion dans ce qu'un pays doit avoir de plus sûr, de plus juste et de plus sincère. Son école. Et là je voudrais rapporter des faits qui se sont déroulés, il y a quelques années, mais révélateurs de dysfonctionnements à corriger. Des conditions imparfaites, rattrapables du reste, ont conduit 10 000 élèves de la classe de 6ème année primaire à ne pas pouvoir composer en épreuve de langue française à l'examen de passage en première année moyenne lors de session de juin 2007. Les raisons invoquées de ce ratage, étaient le manque d'enseignants de cette matière. Et là s'impose une interrogation.

Comment se fait-il qu'un pays qui naguère exportait de la langue française conquise de haute lutte, depuis plus d'un siècle, par ceux là même, rebelles à leur façon, Kateb Yacine, et Malek Haddad, qui, la considéraient comme butin de guerre, arrive-il à en priver ses enfants en 2007, pour de pareilles raisons ? Parmi ces 10 000 gosses, j'ai retenu ceux scolarisés dans des écoles des wilayas de Souk-ahras et de Djelfa, qui sont entrés cette année scolaire 2007/2008 en première année moyenne, en n'ayant pas appris malgré eux le français, avec des camarades de classe auxquels avait été enseigné le programme au complet, celui de la langue française y compris. Parce que le ministère en charge de l'éducation avait échoué à mettre le nombre suffisant d'enseignants de langue française dans toutes les écoles d'Algérie.

N'y a-t- il pas là, une inégalité des chances entre des enfants d'Algérie, à l'entame de la première année moyenne ? C'est même anticonstitutionnel, puisque la loi fondamentale du pays énonce dans son article 53 que le droit à l'enseignement est garanti et que l'Etat veille à l'égal accès de tous à l'enseignement, droits fondamentaux consacrés, dont des gosses ont été privés. Mais, ces enfants le savent-ils ? Lors de la version 2011/2012, de l'examen d'entrer en première de collège il a été décidé, pour crédibiliser les résultats de cet examen, de faire corriger les copies de contrôle, hors wilaya de déroulement de la composition. Cette mesure technique pouvait, comme démarche, valider les résultats, sans pour cela, recourir à déplacer des gosses, pour en réalité, entériner une décision d'adultes, et de fait, les libérer et les absoudre de leurs responsabilités. Je terminerais en faisant encore une fois dans ces colonnes, appel à la philosophe, Hannah Arendt qui disait : «Former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover». Oui mais rien ne s'oppose, à ce que désormais les adultes de mon pays en charge de la noble mission d'enseigner, les apprenants, fassent du travail sur eux-mêmes, pour dépasser, ces attitudes, au profit des seuls intérêts des gamins d'aujourd'hui, les hommes et les femmes de demain.