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Sommet européen : La France en meneur de jeu

par Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Le président français François Hollande a réussi, lors du Sommet européen de mercredi, à remettre au centre des débats la croissance et la confiance aux lieu et place de l'austérité et la méfiance. L'Allemagne n'est plus le seul décideur en Europe.

Le Sommet des chefs d'Etat et gouvernement, tenu mercredi à Bruxelles, peut être qualifié de Sommet du « redressement politique et économique » de l'UE. D'abord parce que l'option de la seule « austérité financière » défendue (et imposée) jusque-là par l'Allemagne, a cédé la place à celle de la « croissance » par l'investissement, remise à jour par la France et soutenue par la majorité des pays de l'Union. « Seuls 5 pays sur les 27 sont encore opposés à la volonté de l'UE de prôner une stratégie commune de croissance, à côté de la discipline budgétaire », a déclaré le Premier ministre belge, Elio Di Rupo. Nul doute que le nouveau président français vient de renverser la logique (et le diktat allemand), imposé depuis 2008 à toute l'UE. De quoi s'est-il agi lors de ce Sommet ? Grâce à l'initiative française, soutenue par une majorité de pays membres, ainsi que de la Commission et du Parlement européen, l'idée de mettre au centre des débats la croissance et l'investissement est, désormais, irréversible.

Comment et par quels moyens ? Une série de propositions ont été émises et seront sur la table des négociations lors du prochain sommet « officiel » des 28 et 29 juin prochains.

D'abord mutualiser en grande partie les dettes souveraines des 17 membres de la zone euro et permettre à la Banque centrale européenne (BCE) d'émettre des obligations d'Etat au nom de l'UE (des euros-bonds). Cette méthode permettra aux pays d'emprunter à moindre coût, sur les marchés financiers. Ce sera aussi un élément politique en faveur d'une option fédéraliste de l'Union, si chère par ailleurs, à l'Allemagne. A cet effet, le président français a déclaré que « pour l'Allemagne, les euros-bonds seront l'aboutissement d'une politique, alors que la France soutient qu'ils sont le début d'une politique.» (Fédérale s'entend). Ensuite, revoir le redéploiement des fonds structurels. En effet, près de 82 milliards d'euros destinés, notamment aux régions, sont inutilisés en raison d'une obligation réglementaire : les Etats membres qui font appel à ces fonds pour des projets doivent avancer 40 % de la valeur du projet sur des finances propres. Enfin, il a été proposé de renflouer le fonds de la Banque européenne d'investissement (BEI) de 10 milliards d'euros et de revoir le rôle du Fonds de solidarité européen (FSE) pour favoriser le volume des emprunts sur les marchés financiers. A titre d'exemple, 10 milliards d'euros de plus à la BEI lui permettront de lever plus de 60 autres millions à des taux très bas, avancent les experts. A côté de ces propositions concrètes de relance de la croissance, l'aspect politique n'a pas été des moindres : ne pas laisser le débat sur l'avenir de l'Union au sein du seul couple franco-allemand ou même entre les 17 pays de l'euro-zone.

On l'aura compris, cette nouvelle conception de la politique européenne, basée sur la solidarité des 27 Etats membres, implique de soi un soutien à la Grèce qui joue la faillite générale et la sortie de la zone euro. Ainsi, l'UE a réaffirmé sa volonté de garder la Grèce dans la zone euro, quitte à revoir un possible allégement des contraintes budgétaires qui lui sont imposées, comme les délais de remboursement des prêts, voire de ceux du service de la dette. Pour formel qu'a été le sommet de mercredi, il a jeté les bases d'une nouvelle approche de la crise et mis en chantier une série de propositions réalistes que ne manqueront pas d'examiner, avec plus d'intérêt, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, lors du prochain sommet prévu les 28 et 29 juin, à Bruxelles.