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Terrorisme : Le Mujao menace d'exécuter un otage espagnol

par Yazid Alilat

Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un groupe islamiste armé dissident d'Al-Qaïda, a menacé hier mercredi de tuer un des trois otages européens (une Italienne et deux Espagnols dont une femme) qu'il avait kidnappés en octobre dernier dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf. Le Mujao, auteur de plusieurs enlèvements dans le Nord-Mali notamment, dont les sept diplomates algériens à Gao, mais également responsable de l'attentat à la bombe contre le groupement de gendarmerie de Tamanrasset, devient de plus en plus belliqueux.

Nouvel arrivé de la nébuleuse islamiste qui a trouvé dans les régions désertiques du Sahel un refuge idéal, le Mujao a menacé d'exécuter un des trois otages si les autorités espagnoles n'accèdent pas à ses revendications. «L'Espagne reporte chaque round des négociations pour répondre à nos demandes, et ça va rendre la vie de l'otage Enrico Gonyalons près de la fin», affirme le porte-parole du Mujao, Adnan Abu Walid Sahraoui, dans un message écrit adressé à un journaliste de l'AFP à Bamako. Selon des spécialistes, «rendre la vie d'un otage près de la fin» dans le mode d'expression des islamistes du Sahel, revient à annoncer qu'il pourrait être tué sans qu'un ultimatum soit lancé. Le Mujao, formé notamment de Mauritaniens et de Maliens, réclame pour la libération des trois humanitaires la libération de plusieurs de ses membres détenus notamment en Mauritanie - deux sont accusés d'avoir participé à l'enlèvement - ainsi qu'une somme de 30 millions d'euros. «Il faut que l'Espagne comprenne bien notre message. (...) L'Espagne portera toute la responsabilité» de ce que qui se passera, «parce que jusqu'à présent, aucun des prisonniers sahraouis n'est libéré en Mauritanie», poursuit son porte-parole.

Le rappel à l'ordre lancé par le groupe du Mujao à l'Espagne serait également et indirectement le même en direction de l'Algérie, qui négocie actuellement dans la plus grande discrétion la libération du consul algérien à Gao et ses collaborateurs. Les sept diplomates algériens ont été enlevés le 5 avril dernier à Gao, tombés aux mains des groupes armés d'Ansar Edine, du MNLA et des groupes armés affiliés à ces deux tendances touareg, la première d'obédience islamiste, la seconde laïque. Entre les deux mouvements touareg, le Mujao est venu s'incruster dans cette nébuleuse et tente de s'imposer parmi les groupes armés en prônant un islamisme pur et dur, plus radical en fait que les groupes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), avec une large zone de couverture, allant de la Mauritanie au Niger, en passant par les frontières sud de l'Algérie. Pour la libération des sept diplomates algériens, le Mujao réclame 15 millions d'euros, et avait vers la fin du mois d'avril dénoncé l'échec de négociations avec l'Algérie. Le 8 mai, il avait lancé un ultimatum de «moins de 30 jours» au gouvernement algérien pour satisfaire à ses revendications.

La débandade de l'armée malienne devant les deux factions de l'opposition touareg, dont l'une est soutenue par des groupes d'Aqmi, fin mars a provoqué une situation inédite dans cette partie du Sahel: Tombouctou, Gao et Kidal, villes du Nord-Mali, sont tombées aux mains de groupes armés, entre terroristes d'Al-Qaïda et rébellion touareg, et maintenant le Mujao. C'est en fait là une situation extrêmement difficile autant pour le pouvoir central à Bamako, à plus de 1000 km de là, et complètement dépassé par le cours des événements provoqués par le putsch militaire contre ATT (Amadou Toumani Touré), que pour les pays voisins, dont l'Algérie, qui gère au mieux de ses intérêts ces dangereux développements. Car au Nord-Mali, les groupes terroristes circulent en terrain conquis. Une assurance d'impunité qui semble être à l'origine de la surenchère du Mujao quant à la libération des otages qu'il détient.

Pour autant, les discussions sont toujours en cours pour la libération des otages algériens, d'autant que le chef touareg d'Ansar Edine, Ag Ghaly, avait la semaine dernière discuté avec un des responsables du Mujao à Gao et l'avait appelé à relâcher les otages algériens. «Nous avons rencontré Iyad Ag Ghaly dans la nuit de jeudi à vendredi au sujet des otages algériens. Il nous a demandé de voir comment on peut les libérer», avait déclaré Moustapha Ould Tahel, membre du Mujao. «Nous allons continuer les discussions», a-t-il poursuivi, sans autre détail. Iyad Ag Ghaly, un des plus influents et puissant chef touareg, qui est entré dans l'opposition à son retour de Libye, est actuellement très sollicité par les différents groupes terroristes qui écument cette région du Nord-Mali.