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Les nuits blanches de Nicolas Sarkozy

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Après avoir gouverné la France avec une logique d'affrontement, Nicolas Sarkozy devra faire face, en tant que citoyen, à un nombre de «casseroles» qui bruissent au son de Clearstream, Karachi, Bettencourt, Kadhafi, etc.

Et maintenant ? Que fera Nicolas Sarkozy ? s'interroge le monde politico-médiatique de France. «Avocat», répondent certaines sources bien informées. A vrai dire, il ne pouvait mieux choisir comme «métier», tant il devine ce qui l'attend: des procès en justice en série, parmi lesquels certains ont été manipulés par le clan Sarkozy pour neutraliser ses adversaires politiques au temps où il était ministre, puis président de la République. L'affaire dite «Clearstream» est à ce titre édifiante. Rappelons qu'il y a deux affaires «Clearstream», l'une traitée entre 2001-2003, qui révélait l'utilisation des comptes non publiés de la Chambre de compensation luxembourgeoise, Clearstream, pour le blanchiment d'argent par le milieu politique, et l'autre affaire apparue entre 2004 et 2007, qui mettait en évidence la manipulation de la justice par un ensemble d'industriels et d'hommes politiques pour remettre à jour le scandale des «frégates» vendues à l'Etat de Taiwan. Cette dernière affaire impliquait le monde de l'industrie de l'armement, de la finance et de la politique. Nicolas Sarkozy a été cité et mêlé dans les deux affaires. Usant de sa position de chef de l'Etat, il accusa Dominique de Villepin, 1er ministre entre 2005 et 2007, d'être derrière son implication dans l'affaire Clearstream. Alors que cette affaire est mise en veilleuse, éclate en juin 2010 et grâce à une enquête d'investigation du journal en ligne Mediapart, une deuxième affaire, celle dite «Bettencourt» où il est question de corruption et de financement illégal de la campagne électorale de Sarkozy. De sérieux soupçons et indices matériels mettent, directement, en cause le président Sarkozy. Il arrive, une nouvelle fois, a étouffer l'affaire en sacrifiant son ministre du Budget, Eric Voerth, poussé à la démission. Plus grave encore, parce qu'elle concerne des vies humaines, il y a l'affaire «Karachi» qui a coûté la vie à 11 employés français et pakistanais, suite à un attentat commis le 8 mai 2002. Ici aussi, il est question d'argent sale, de rétrocommissions et de chantage. Elle concerne la vente de frégates à l'Arabie Saoudite et de sous-marins au Pakistan en 1994, au temps où Nicolas Sarkozy était ministre du Budget du 1er ministre Edouard Balladur, puis son responsable financier dans la campagne électorale de 1995. Enfin, il y a la dernière affaire libyenne où il est reproché à Nicolas Sarkozy d'avoir accepté, en dessous-de-table, un chèque de 50 millions d'euros de l'ex-guide libyen, Mouammar Kadhafi, pour financer sa campagne électorale de 2007. D'autres scandales moins médiatisés ont laissé apparaître le nom du président Sarkozy: écoutes téléphoniques de journalistes; vols et fouilles d'appartements de personnalités politiques de premier plan, à l'exemple de celui de Mme Ségolène Royal, son adversaire à l'élection de 2007, etc. C'est dire combien le «règne» de Nicolas Sarkozy est parsemé d'intrigues, de procès en justice, de scandales? Jamais, un chef d'Etat français n'a suscité autant de controverses, de scandales et de «violence» politique. Ainsi, ce n'est pas par conviction ou libre choix que Nicolas Sarkozy a annoncé son désir de quitter l'avant-scène de la politique. Il sait, pertinemment, que le retour de manivelle lui serait fatal. Il a créé tant d'adversité et de haine dans le monde de la politique qu'il redoute les «vengeances» froides propres à ce milieu. Sa décision de revenir à son premier métier, celui d'avocat, n'est pas fortuite. Il prépare déjà sa défense. Quelle que sera l'issue des nombreux procès qui l'attendent, Nicolas Sarkozy est conscient que son avenir politique est fini. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il faut interpréter sa décision de ne pas mener, à la tête du rassemblement UMP, la campagne des élections législatives de juin. C'est, malgré les déclarations de regret de ses lieutenants, une bonne nouvelle pour eux, le temps des législatives seulement. Car, passé le mois de juin, la course au leadership du rassemblement de droite ne sera pas de tout repos pour les ténors du parti. Sarkozy a tellement joué sur les ambitions de ses lieutenants en gardant la «maison UMP» d'une main de fer, que l'affrontement des prétendants à sa succession sera brutal et sans merci. L'histoire retiendra que Nicolas Sarkozy aura laissé une France «abîmée» sur beaucoup de plans: politique, social, économique, culturel? Nicolas Sarkozy a gouverné avec une logique «d'affrontements», de clivages et de violence politique. Usant de son statut de Chef suprême d'un grand pays, il ne laissa aucun moyen de défense légitime à ses adversaires politiques. Il fut un dictateur à sa façon. Sans avenir comme tous les dictateurs.