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LA CHINE VOIT MOINS GRAND POUR 2012

par Akram Belkaid, Paris

Le thème de l’atterrissage en douceur de l’économie est de nouveau à la une en Chine. S’adressant à l’Assemblée nationale populaire, le Premier ministre, Wen Jiabao, a déclaré, lundi 5 mars, que son pays visait un objectif de 7,5% de croissance du Produit intérieur brut (PIB) pour l’année 2012. Un niveau bien inférieur à ce qui a été réalisé au cours des années précédentes lesquelles ont enregistré des taux de croissance de 10,3% en 2010 et de 9,2% en 2011. On peut, néanmoins, se demander si la cible de 7,5% ne sera pas dépassée comme c’est le cas chaque année puisque, in fine, les objectifs fixés par Pékin s’avèrent toujours inférieurs aux performances réalisées.

UN PILOTAGE DIFFICILE

Pour autant, la volonté des dirigeants chinois de ralentir la croissance ne relève pas de la seule rhétorique. Pour Wen Jiabao, elle s’inscrit dans une stratégie visant à rééquilibrer l’économie de son pays en la rendant moins dépendante des exportations et donc de la conjoncture internationale. Déjà, en janvier dernier, les ventes chinoises à l’étranger ont reculé de 0,5% et cette tendance baissière pourrait se maintenir en raison de la faiblesse de l’économie européenne et de la lente reprise aux Etats-Unis. Dans le même temps, le gouvernement chinois reste très vigilant à l’égard de l’inflation. En 2011, cette dernière a atteint des niveaux élevés avec un taux moyen de 5,4% (avec un pic de 6,5% en juillet). Pour 2012, Pékin vise une hausse des prix de 4%, ce qui passe par un nécessaire ralentissement de l’économie.
Mais ce volontarisme du gouvernement central ne doit pas masquer la difficulté qu’il éprouvera à organiser un atterrissage en douceur de l’économie. Comme chaque année, de nombreuses autorités locales vont l’entendre d’une autre oreille en privilégiant la hausse de l’activité économique ne serait-ce que pour s’assurer de la tranquillité sur le front social. Malgré les directives de Pékin, les provinces continuent de jouer la croissance et ont donc tendance à favoriser les projets économiques, notamment d’infrastructures, et tout ce qui peut contribuer à doper les exportations. Il faut dire que la Chine, comme ses concurrents, n’échappe pas à la centralité de la question de l’emploi, et une croissance inférieure à 8% est considérée par les économistes comme susceptible de provoquer l’aggravation du chômage et de tensions sociales déjà importantes.
Toute la question est donc de savoir si la Chine va être capable d’appuyer sur le frein sans provoquer de sortie de route. Cela fait d’ailleurs près de trente ans que cette question est posée de manière récurrente. On peut donc se demander pourquoi 2012 serait différente des années précédentes avec leurs taux de croissance impressionnants? En guise de réponse, et à ce stade, on peut juste se demander si les autorités chinoises n’ont pas une lecture très pessimiste de l’évolution de l’économie mondiale. En annonçant un objectif de croissance de 7,5%, le gouvernement chinois laisse peut-être entendre que les performances des autres zones, Etats-Unis et Europe en tête, seront plus mauvaises que prévu…

UN BUDGET DEFENSE TOUJOURS EN HAUSSE

La Chine a beau voir moins grand pour 2012, il n’en demeure pas moins qu’elle a décidé de prolonger son effort de modernisation de ses armées avec un budget défense qui progressera de 11,2% en 2012 à 110 milliards de dollars ( 12,7% en 2011). C’est la première fois que les dépenses militaires chinoises dépassent le seuil des 100 milliards de dollars même si l’on pense, qu’en réalité, ces dépenses sont déjà supérieures de 60% au chiffre officiel. Cette volonté de Pékin de renforcer son développement militaire, notamment sur le plan maritime, inquiète ses voisins et, bien entendu, les Etats-Unis. Du coup, Thaïlande, Vietnam, Malaisie, Australie, Philippines et Japon ont entrepris de se réarmer, ce qui va faire de l’Asie du sud-est et du Pacifique une zone hautement militarisée et sujette à des tensions récurrentes entre la Chine et ses voisins.