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La flamme de la gaspille

par Mohammed Beghdad

«Le présent est l'enclume où se fait l'avenir.». Victor Hugo, écrivain et poète français (1802-1885)

Ces derniers temps, toutes les recettes sont bonnes pour les pouvoirs publics qui caressent l'espoir d'une mobilisation conséquente des électeurs dans l'objectif d'arracher un taux de participation le plus significatif possible aux prochaines élections législatives.

Raison de plus, le monde entier a déjà les yeux fixés sur cette échéance depuis son annonce jusqu'au jour crucial du scrutin. Le pays n'a pas le droit à l'erreur qui pourrait s'avérer fatale au moment des bilans.

Donc, au mois de mai prochain, malgré la concurrence dans le bassin méditerranéen des élections présidentielles françaises, les regards du monde entier seront braqués sur nous pour jauger l'état de l'avancement des choses sur le terrain au vu des bouleversements dans la région du monde arabe. Mais pour arriver aux résultats escomptés, tous les épisodes du passé comptent au final du décompte et dont il serait miraculeusement difficile de s'en séparer par un simple clic des doigts. Il y a une différence de taille entre le discours prôné là-haut et celui mené en bas. Il va falloir dorénavant serrer les lignes mais c'est le facteur temps qui ferait le plus défaut. Il y a beaucoup d'antagonistes qui s'y frottent déjà les mains dans l'espoir de voir le régime se tromper de panneaux.

La contestation dans le pays est restée au stade de récurrentes émeutes et si l'Algérie a été épargnée jusque-là par l'effet domino des «révolutions» arabes, cela est dû essentiellement à la fameuse décennie noire mais à un degré plus par la grâce des importations chroniques et en croissance exponentielle du commerce extérieur qui colmatent toutes les brèches par l'argent providentiel de la rente qui est dépensé sans compter dans une insouciance totale. L'essentiel est de parer au plus pressé. La grande majorité est occupée par cet argent profitable servi anarchiquement de manière aléatoire au lieu et place de politiques justes, équitables et durables. Pour ceux qui connaissent la combine, il n'y a pas mieux de fortuite période que ces dernières semaines qui nous séparent de l'échéance électorale pour la perpétuation du culte du faste de la dépense.

Malgré la cagnotte de ces 180 milliards de dollars qui engraisse le matelas financier, l'inquiétude est quasi-réelle pour des prochains jours sans lendemains en plus du tarissement des puits de légendaire Hassi Messaoud dont on annonce une fin vraisemblablement proche. On s'intéresse déjà à l'exploitation du gaz de schiste en dépit de la dangerosité des techniques très polluantes, d'ailleurs abandonnées sous d'autres cieux où la chose environnementale est prise au très sérieux.

LE PAYS EN LIGNE DE MIRE

La Libye, avec une production pétrolière un peu plus supérieure de la nôtre et une population six fois inférieure, est là pour nous rappeler le cauchemar. Elle est passée en quelques mois d'une stabilité hypothétique et préfabriquée à la politique du chaos à cause justement de l'exercice privé du pouvoir par les anciens maîtres du pays où le peuple n'était associé que de manière folklorique sur des décisions prises en haut-lieu par la sphère dirigeante. Les prédateurs qui ne lâchent aucune occasion offerte sur le plateau ont tendu l'appât et voilà le résultat brutal. D'un état indépendant, il se retrouve les mains et les pieds liés. Un pays décimé en peu de temps et où l'avenir est de plus en plus incertain. Pendant ce temps, les parrains n'ont pas perdu leur temps. Ils sont occupés à pomper abondamment les puits, récompensant eux-mêmes leurs efforts de la libération du dit-pays.

Attention quand-même, le copié-collé risque de se reproduire avec plus d'intensités toujours à l'avantage des anciens occupants qui guettent de revenir en messies par d'autres issues laissées ouvertes par la faute de politiques inadéquates et la fuite en avant des gouvernants autochtones. Notre salut ne pouvait venir qu'en lavant notre linge seuls en famille, en ouvrant le débat dans toute sa largeur à tous les fils du pays, sans aucune exception, qui seraient condamnés à s'entendre sur les principes généraux de sa construction où ce ne seraient que les urnes qui décideraient sur son sort.

LE BUZZ DES SMS

Plus le pourcentage de participation serait important et plus les autorités seraient sans aucun doute soulagées comme on le laisse entendre tout azimut et que tout le monde l'ayant bien compris à travers le buzz des sms. S'ils insistent pour une forte participation, cela veut dire que les antécédentes élections ont été désagréables à tous points de vue. C'est une reconnaissance passive et dissimulée du passif qui a coûté beaucoup d'argent et d'efforts inestimables pour finalement aboutir à des institutions dont le handicap de la légitimité les eut privées de jouer pleinement leurs rôles et d'exercer entièrement leurs prérogatives.

Mais on constate fort malheureusement qu'à un peu plus près de deux mois de cet inéluctable coup de butoir, rien n'est fait dans ce sens pour attirer et rendre la confiance aux électeurs. On continue de fonctionner à l'ancienne avec les mêmes réflexes surtout localement où les discours sont interprétés comme dans l'ancien cycle. On tape à nos portes et on feint d'écouter jusqu'à ce qu'elles soient défoncées avec tout ce que cela suppose comme dégâts incommensurables.

RADIOS LOCALES: PUBLIQUES OU PRIVEES ?

Lorsqu'on écoute une radio locale d'une wilaya, on a l'impression de vivre dans un émirat où l'écho des citoyens ne résonne guère comme s'il devait l'être. Si l'objectif de la création de ces radios était de se rapprocher le plus près de ses habitants, on observe fort malheureusement que leurs voix n'atteignent que très rarement cette boîte hermétique qui est censée donner la parole à tout le monde et où l'on évoquerait sans tabou tous les dossiers locaux et sans la langue de bois à outrance qui plus on descend et plus elle enfle davantage.

Au sein de ces radios, on caresse du matin au soir les hautes autorités locales dans le sens du poil. L'heure est grave mais ici-bas, on ne se soucie guère. On ne sent surgir aucune menace. On persévère à fonctionner comme des fonctionnaires bureaucrates et irresponsables. C'est vrai que l'assistanat a fait des ravages illimités au point où l'on ne réfléchit plus, on n'innove point avec de pareilles têtes saturées de démagogie. Il ne faut pas s'attendre à des initiatives qui jailliraient de ces réseaux quoique la plèbe gémisse au plus profond d'elle-même.

Ce que vous entendez crier dans les rues n'a aucune chance d'être répandu dans les arcanes de ces radios. Les instructions sont toujours de rigueur. On persiste de faire du neuf avec un vieil esprit, avec les mêmes ingrédients qui ont relégué notre pays aux plus profonds des classements des institutions et des organisations mondiales qu'il est inutile de les rappeler ici et dont la presse en ressasse à longueur d'années.

GARE ROUTIERE OU AERODROME ?

Lorsqu'on envisage de construire un quelconque projet dans une commune, on consulte rarement la population qui est la plus concernée en premier lieu par la réalisation en question. En principe, la finalité est de soulager le citoyen de sa souffrance en lui facilitant ses besoins quotidiens. Dans les pays dits démocratiques, lorsqu'on le juge nécessaire, on organise des élections sous forme de référendums locaux ou des sondages ponctuels pour connaître l'avis fondamental sur un sujet particulier. On ne doit jamais s'engager contre la volonté populaire avec des décisions unilatérales.

N'a-t-on pas vu sortir brusquement du néant des projets faramineux, très onéreux dont les usagers n'ont jamais été consultés ? À l'image de la nouvelle gare routière d'une ville de l'ordre de 150000 habitants dont le hall ressemble gigantesquement à celui d'une aérogare qu'à celui d'une gare de sa taille et dont la superficie dépasse de très loin celle de la gare Kharrouba de la capitale Alger qui, à côté aurait l'air d'une gare de banlieue.

Ne s'agit-il pas ici d'une autre folie des grandeurs où l'on ne mesure même pas ce que cela va coûter au trésor public pour uniquement le lavage des immenses vitres et où le seul fait de gérer les toilettes publiques poserait un véritable problème de société ? A-t-on estimé combien de voyageurs va-t-elle accueillir cette gare gigantesque pour être délaissée par la suite le temps des premières ovations pour son inauguration pour être sous-utilisée ou abandonnée à son sort comme tant d'autres réalisations ? Cela nous rappelle malheureusement quelques aéroports construits à la va-vite à coups de milliards dans certaines villes pour être désertés quelques années après par le manque justement d'affluence des voyageurs.

Cette gare va aussi importuner les passagers qui pour la rejoindre, vont devoir prendre un taxi clandestin ou de ligne qui leur reviendrait le prix d'un aller-retour du trajet en car entre deux villes distantes d'une soixantaine de kilomètres. Est-ce ça la consultation de la population dont on veut aujourd'hui la mettre aujourd'hui la décorer au-devant de la scène ou c'est juste qu'elle serve de paravent ? Tant que les citoyens sont occultés de cette manière, cela jouerait indubitablement en faveur de l'abstention.

SIEGE DE WILAYA OU PALAIS DU GOUVERNEMENT ?

Encore que cette même ville, elle n'est pas unique en son genre dans le pays, va bientôt réceptionner son nouveau siège de wilaya qui ressemble fortement à un palais de gouvernement qui ne lui envie en rien alors que l'on vient de bâtir, il n'y a pas si longtemps, de nouveaux sièges de plusieurs directions de wilaya. On risque donc de se retrouver avec un nouveau siège sur les bras où l'entretien de la façade vitrée va coûter la tête des yeux au contribuable.

Et cette trémie qui fait couler beaucoup d'encre en ce moment ? En dépit de la dénonciation de quelques voix qui osent et en particulier celle de l'association de l'environnement par l'arrachage de nombreux arbres, le projet décidé sans l'avis des riverains ni des citoyens en général continue son bonhomme de chemin au grand mépris des résidents. Ce sont ce genre de pratiques qui font du citoyen un non-adulte et qui sont à bannir du vocabulaire local pour espérer en faire de lui un réel décideur sur tout ce qui touche à son quotidien. Ces exemples ne sont que des petits échantillons relevés d'un instantané au niveau de ces royaumes locaux qui se sont érigés ici et là en véritables pourvoyeurs des violences qui se sont installées un peu partout dans la république et qu'il est temps pour les pouvoirs publics d'agir avant que ce ne soit trop tard.

Les citoyens dans leur lamentation profonde et leur souffrance grave, commentent en sourdine sur la place publique ces anomalies de lapidation de l'argent public mais dont les portes des radios locales leur sont closes où les critiques sur la gouvernance des autorités locales sont presque prohibées sauf qu'à de très rares exceptions imprévisibles d'un direct-live. Tant que ces choses sont encore de vigueur, les vieilles méthodes auront de très longues années à survivre tandis que les appétits des pays occidentaux dont les intérêts sont grandissants pour notre pays vont aller crescendo en fonction de cette déliquescence.

ENNEMIS DE LA NATION !

S'il vous plait, que l'on arrête de traiter d'ennemis de la nation tous ceux qui dénoncent ces abus et annoncent ces vérités indéniables à qui veulent bien entendre leurs appels urgents. Les fossoyeurs sont à l'origine de la catastrophique gouvernance, de l'épouvantable gestion, par leur ignorance des problèmes et des libertés des citoyens et qui captivent les pays puissants dont l'ingérence est devenue un véritable droit de regard en ces périls moments.

Il leur suffit juste de se constituer en amis des citoyens d'un quelconque pays dans une conférence organisée sous les feux des projecteurs pour amasser des fonds et lancer l'assaut sur la cible à abattre. Soyons lucides et intelligents pour ne pas tomber dans leurs guets-apens en restituant la parole et les droits au peuple tout en lui rappelant évidemment ses devoirs.

Il ne suffit pas de remplir une salle de virtuels fervents qui applaudissent à tout rompre chaque envolée lyrique pour croire que l'Algérie profonde est derrière chaque mot ou phrase prononcée ici et là dans les radios ou les télévisions étatiques.

C'est pour cela que le président de la république a inversé la célèbre phrase par un : «vous ne m'avez pas compris !», lourde de sens et titrée à la une du quotidien d'Oran de ce samedi 25 février 2012 et qui résume à elle seule le désarroi dans lequel on est coincé et où il est gratuit d'acquiescer comme un perroquet mais la réflexion, la stratégie et les défis font actuellement parties de nos tares.

Tant que l'on continue à considérer l'opposant à la politique des actuels gouvernants comme presque des damnés, on peut estimer que l'on n'est pas encore sorti de l'auberge. Tant que certains continuent à croire être les exclusifs dépositaires du nationalisme, de la religion, de la culture ou de l'amour pour ce pays, on peut toujours dire adieu à toutes nouvelles idées qui puissent émerger et nous extirper de ce dilemme qui a causé d'immenses préjudices.

ELECTEUR : ADULTE OU MINEUR ?

Tantôt, on considère cet algérien lambda comme un mineur incapable de choisir entre les bonnes et les mauvaises options, tantôt, on le sollicite de toutes les forces, comme étonnamment ces dernières semaines où on le supplie pour venir en aide en le prenant pour le sauveur de la république de tous les rapaces qui se préparent derrière les rideaux en attendant d'assaillir, dans des scénarios inimaginables, la proie qui atteindrait l'âge mûr de la cueillette. On ne peut que se demander qui est-ce qui a pu nous mettre dans ce cul-de-sac après 50 années d'indépendance ? Où l'esprit de Novembre n'a été qu'un slogan vidé de ses sens et de toutes les aspirations du citoyen.

Ne faudrait-il pas faire le bilan de ces 50 années, comme il est suggéré par de nombreuses voix, avant de réfléchir à passer à une seconde république qui a trop tardé pour voir le jour malgré l'appel de plusieurs consciences au sein de ce peuple comme celle du regretté Abdelhamid Mehri ? On ne peut pas passer sans période transitoire d'une république à une autre sans avoir soumis auparavant une autocritique sérieuse en assumant pleinement ses responsabilités, sans tabous ni détours ou autres desseins pour ne plus revenir à ses premiers instincts à la moindre évasion. Tout le monde peut se tromper par des mauvais choix mais l'essentiel est de rectifier le tir à temps pour ne pas continuer à entretenir les illusions de tout un peuple.

Certes, en octobre 1988, l'Algérie a corrigé quelques erreurs du passé mais elle a persisté dans le même système et les mêmes formules de l'antécédent. Elle n'a pas su écouter son raisonnement, sa conscience profonde et sa mémoire vive, elle s'est retournée maladroitement à ses pulsions négatives ayant démontré expérimentalement ses limites.

BONJOUR ONCLE SAM !

Que c'est dur de voir pavaner en ce samedi 25 février 2012 la secrétaire d'état américaine lors de sa brève visite de quelques heures dans notre pays où tout le monde était collé à ses basques pour espérer un petit mot, un petit geste ou un sourire au coin de ses lèvres, spécifiques d'un soutien mitigé ou miraculé. Le fait qu'elle ait choisi de se faire photographier au milieu d'une société civile algérienne choisie et triée sur le volet par son ambassade et de plus inconnue au bataillon en dit long sur les perspectives de la politique future de l'oncle Sam.

Quelle revanche ! Nous sommes à des années lumières lorsque l'impérialisme américain était décrié du matin au soir sur nos ondes et dont l'attitude était dénoncée par des communiqués des communes des douars X et Y situées aux fins fonds du pays et lus à chaudes voix, s'il vous plait, à la une du journal télévisé de 20 heures ! Aujourd'hui paradoxalement, on regrette amèrement qu'elle n'ait pas prolongé son séjour d'une seule nuit en préférant décoller en fin de journée pour les oasis de Marrakech.

Effectivement, notre vue du monde s'est inversée, chose inimaginable il y a à peine un peu plus de 30 ans. Qu'est ce que nous serions dans les 50 années à venir ? C'est la question des Américains auxquels on se frotte déjà la tête pour de longues années encore à venir afin de tenter de deviner les bonnes réponses des scénaristes de l'oncle Sam.