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L’OR NOIR REFAIT PARLER DE LUI

par Akram Belkaid, Paris

La crise iranienne va-t-elle déboucher sur une nouvelle flambée des cours de pétrole comparable à celle de 2008 où le baril de brut avait atteint le record absolu de 147 dollars ? Cela semble bel et bien être le cas avec un prix moyen qui a déjà dépassé la barre des 120 dollars, soit le plus haut niveau depuis neuf mois. Pour tous les spécialistes, cette tendance haussière est liée au fait que le marché pétrolier est en train de « pricer », c’est-à-dire d’inclure dans ses prix, la perspective et les conséquences d’une attaque israélienne contre l’Iran. Une attaque qui pourrait déclencher des représailles iraniennes dans le Golfe avec notamment le blocage du détroit d’Ormuz par où transitent les quatre cinquièmes de la production pétrolière régionale.

RISQUE DE RECESSION ET PRESSIONS SUR WASHINGTON

La perspective d’un nouveau choc pétrolier est une très mauvaise nouvelle pour une économie mondiale à peine convalescente. De nombreux pays émergents, à commencer par la Chine, craignent, aujourd’hui, que la hausse du baril n’aggrave le coût déjà élevé de leur facture pétrolière. En Europe, on est encore plus inquiet car, contrairement à ce qui a souvent été le cas au cours des dix dernières années, le cours du pétrole augmente aussi quand il est libellé en euros. Résultat, dans une zone géographique où la croissance reste faible, le surenchérissement du brut accentue les risques de récession cela dans une conjoncture déjà marquée par les difficultés budgétaires des Etats.
Cette tension sur les prix du brut a aussi des conséquences aux Etats-Unis. On assiste ainsi à l’augmentation des pressions sur le gouvernement américain pour qu’il puise dans ses réserves stratégiques (Strategic petroleum reserve ou SPR) évaluées actuellement à 727 millions de barils soit l’équivalent de 37 jours de consommation (créés en 1975 au lendemain du choc pétrolier de 1973, les quatre centres principaux de stockage sont situés dans la région du golfe du Mexique dans d’anciennes mines de sel). Au printemps dernier, l’arrêt de la production libyenne avait déjà obligé Washington à puiser dans ces stocks. Une intervention qui avait permis de détendre les marchés pétroliers dès le mois de mai 2011 avec un repli des cours de près de 8%.
Il reste que le gouvernement des Etats-Unis n’est guère décidé d’avoir recours une nouvelle fois aux SPR préférant les conserver intacts dans la perspective d’une vraie interruption de l’approvisionnement pétrolier si jamais Israël attaque l’Iran. Pour Washington, la ligne de conduite a toujours été de n’utiliser les SPR que lorsque le pétrole vient à manquer sur le marché (ce fut le cas en 1991 lors de l’embrasement des puits du Koweït ou en 2005 après le passage de l’ouragan Katrina). Pour autant, de nombreux observateurs relèvent que la tension actuelle sur les prix est due au fait que plusieurs pays européens refusent aujourd’hui d’acheter du pétrole iranien, préférant s’approvisionner ailleurs. Du coup, ces sanctions contre le régime de Téhéran apparaissent comme l’équivalent d’une pénurie car rares sont les producteurs qui peuvent se substituer à l’Iran. C’est certes le cas de l’Arabie Saoudite dont le niveau de pompages est déjà supérieur de 30% à sa production habituelle mais le Royaume est bien le seul à pouvoir jouer le rôle de variable d’ajustement de l’offre mondiale de pétrole.
 
OBAMA JOUE SA REELECTION
 
En tout état de cause, le gouvernement américain va devoir agir très vite pour atténuer cette hausse. Outre le recours possible aux SPR, il peut aussi faire pression sur d’autres producteurs «amis» (Mexique, Emirats arabes unis, Koweït, Norvège) pour qu’ils augmentent leur production le temps que la crise iranienne soit réglée. Pour Barack Obama, il s’agit à la fois d’empêcher que la reprise actuelle de l’économie étasunienne soit handicapée, voire stoppée, et, surtout, que le prix de l’essence ne continue de grimper aux Etats-Unis (il était à 3,68 dollars le gallon en début de semaine, soit un niveau que la majorité des Américains jugent trop élevé). Ainsi, le pétrole pourrait bien coûter sa réélection au président américain…