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Syrie: 25 morts dans deux attentats à la voiture piégée

par Yazid Alilat

Au moins 25 morts et plus de 175 blessés ont été dénombrés, hier vendredi à Alep, une des principales villes de Syrie, après deux attentats à la voiture piégée, alors que partout dans le pays, les Syriens se préparaient à dénoncer le veto russe à l'ONU après la prière du vendredi. Le cycle de la violence semble s'être durablement installé dans le pays, presque une année après le début des manifestations populaires demandant le départ du régime alaouite et l'instauration de la démocratie. Les deux attentats ont visé le siège des renseignements militaires et le QG des forces de l'ordre, selon les autorités. «Vingt-cinq corps et 175 blessés ont été transportés jusqu'à présent dans les hôpitaux publics d'Alep après les deux explosions terroristes», a précisé le ministère de la Santé. »Un terroriste s'est fait exploser avec sa voiture à 100 mètres du portail» du siège des forces de l'ordre, a affirmé la télévision officielle en montrant le cratère occasionné par l'explosion. Elle a aussi montré des images des gravats sur le sol souillé de sang, des débris de voitures, près d'un bâtiment de cinq étages éventré, ainsi que des secouristes récupérant des corps sous les décombres. Les secouristes ramassaient des restes de membres humains, et l'un d'eux a sorti un bout de pied d'un sac en plastique noir. «C'est ça la liberté qu'ils revendiquent», a crié un autre en montrant un bras en lambeaux, en référence aux protestataires hostiles au régime. Pour autant, un groupe d'opposition, la Commission générale de la révolution syrienne (CGRS), a accusé les autorités des attentats parlant «d'une nouvelle mise en scène réalisée par le régime comme celle à Damas». «Ce régime criminel tue nos enfants à Homs et mène des attaques à Alep pour détourner l'attention de ce qu'il fait à Homs», a affirmé le colonel Maher Nouaïmi, porte-parole de l'ASL (Armée syrienne libre). Il a, par ailleurs, tenu à se démarquer de ces attaques: «Nous démentons catégoriquement tout lien avec cet attentat». La télévision d'Etat a évoqué des terroristes derrière cette attaque qui n'a toujours pas été revendiquée. Des attentats suicide avaient été perpétrés à Damas en décembre et janvier, faisant des dizaines de morts et de blessés, selon les autorités qui les avaient imputés aussi à des «groupes terroristes armés». Les deux attentats d'Alep se sont déroulés au moment où les militaires assiègent la ville de Homs, siège de la contestation contre le régime de Bachar Al-Assad, selon des ONG des droits de l'homme syriennes. A Homs, des chars ont pris d'assaut, avant l'aube, le quartier Inchaat où les soldats ratissaient le secteur maison par maison, a déclaré Rami Abdel Rahmane, chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Depuis le début, le 4 février, de l'assaut contre Homs, au moins 450 personnes ont péri, selon des militants. Les ONG ont dit craindre une crise humanitaire «majeure» dans cette ville où les communications téléphoniques et l'électricité sont coupées, les infrastructures détruites, les médicaments et la nourriture se font rares.

 Par ailleurs, le pouvoir syrien a fait sortir l'armée, hier vendredi, pour empêcher des manifestations de se tenir, que les organisateurs avaient prévues pour dénoncer la position de la Russie dans la crise syrienne, et plus particulièrement le soutien de Moscou au régime de Bachar Al-Assad. «La Russie tue nos enfants. Ses avions, ses chars et son veto aussi tuent nos enfants», est-il écrit sur la page Facebook de «Syrian Revolution 2011». Ainsi, d'importants déploiements militaires ont été massivement placés, hier, devant les mosquées à travers le pays, ouvrant le feu sur les fidèles dans certaines zones pour empêcher les manifestations prévues après la prière, selon des militants. «Il y a un déploiement massif des forces de sécurité devant les mosquées dans le sud de Banias», selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). «Les forces de sécurité sont plus nombreuses que les fidèles dans certaines mosquées», a ajouté l'OSDH, précisant que les troupes se sont également déployées en masse dans d'autres villes et localités, ouvrant le feu sur les fidèles à la sortie d'une mosquée dans un quartier de Homs. «Ils ont tiré sur les fidèles qui sortaient de la mosquée Rawda dans le quartier de Waer», a indiqué l'OSDH. «Des balles ont touché les murs de la mosquée.» L'OSDH ajoute que les forces de sécurité à Lattaquié avaient également ouvert le feu pour disperser une manifestation et s'étaient déployées en masse dans cette ville côtière. Une présence militaire importante a également été signalée à Darayya et Douma, dans les environs de la capitale Damas.

Sur le plan diplomatique, la bataille, aussi, fait rage entre le bloc occidental emmené par Paris, Washington et Londres contre Moscou et Pékin. Hier, après l'annonce des deux attentats d'Alep, le président américain, Barack Obama, avait dénoncé un «bain de sang atroce», alors que le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, s'est emporté contre un «massacre quotidien», et son homologue britannique, William Hague, appelait M. Assad à quitter «immédiatement» le pouvoir. La Turquie n'est pas en reste et son chef de la diplomatie, Ahmet Davutoglu, a dit que son pays ne pouvait «pas regarder les Syriens se faire tuer tous les jours» sans que la «communauté internationale» agisse. Et, si à Pékin des militants des droits de l'homme ont déclaré avoir été atterrés par le veto de la Chine à l'ONU contre une résolution condamnant le régime syrien et demandant des sanctions internationales, Moscou, par contre, campe sur ses positions. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a accusé l'Occident de s'être rendu complice de l'aggravation de la crise en soutenant les opposants, et dit que l'opposition serait désormais tenue pour responsable de la poursuite du bain de sang.

La crise syrienne est ainsi en passe de diviser le monde en deux grands blocs, alors que les pays arabes doivent se réunir dimanche au Caire pour actualiser leur politique sur ce dossier.