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Le constructeur français se fait désirer en Algérie et avertit Volkswagen: Le P-DG de Renault en a trop dit !

par Salem Ferdi

Sur le projet d'usine Renault en Algérie, Carlos Ghosn est moins enthousiaste que Benmeradi et Raffarin et c'est compréhensible : il s'agit d'une décision d'entreprise, pas d'une décision politique. Mais jeudi à Tanger, Carlos Ghosn est allé en terrain glissant en décrétant qu'il n'est pas question de «laisser qui que ce soit venir construire une usine en Algérie». Message à Volkswagen ! Un message de trop !

Après les propos optimistes de Mohamed Benmeradi (et de Jean-Pierre Raffarin aussi) indiquant que le projet d'usine Renault avait avancé et que l'on était dans une phase «où nous commençons à travailler sur des documents contractuels», le P-DG du constructeur automobile français, Carlos Ghosn, a rafraîchi les ardeurs jeudi, lors de l'inauguration de la nouvelle usine du groupe. Alors que certains croyaient que le feuilleton, interminable, du projet allait vers sa fin, le P-DG lui a donné une rallonge en indiquant qu'aucune décision n'a été prise sur le sujet. Certes, le P-DG de Renault s'est dit toujours «extrêmement intéressé» mais il semble indiquer que les négociations ne sont pas aussi avancées que le suggèrent les déclarations «politiques» de Benmeradi ou de J.-P. Raffarin.

«Je ne fais pas de secret que nous sommes en discussions avec les autorités algériennes sur un projet d'usine en Algérie. Les discussions sont en cours (...). Mais pour l'instant, c'est un projet, il n'y a pas de décision, pas d'aboutissement». Carlos Ghosn ne ferme certes pas le jeu. Son propos est cependant clairement en recul par rapport à ce qui s'est dit récemment sur le projet. Théoriquement, à la lecture des propos de Raffarin et de Benmeradi, des avancées substantielles avaient été faites avec l'identification de la zone franche de Bellara comme lieu d'implantation du projet, l'identification des PME locales pouvant assurer la sous-traitance et enfin un accord sur la répartition du capital avec 49% pour Renault, 16% pour la SNVI et 35% pour le FNI.

Carlos Ghosn continue peut-être de se faire désirer afin de peser encore sur les négociations en cours. Mais dans ses déclarations à Tanger, il a manifesté, en des termes plutôt surprenants, et autant le dire, «froissants» pour les Algériens, son inquiétude au sujet d'une éventuelle implantation d'une usine Volkswagen en Algérie.

«PAS QUESTION DE LAISSER QUI QUE CE SOIT VENIR CONSTRUIRE EN ALGERIE UNE USINE» !

«Renault est la première marque en Algérie, il n'est pas question de laisser qui que ce soit venir construire en Algérie une usine. Si le gouvernement algérien souhaite une usine en Algérie, nous préférons que ce soit une Renault», rapporte l'agence Reuters. L'AFP rapporte le propos sous une forme beaucoup «adoucie» : «Renault est la première marque en Algérie? Si le gouvernement algérien souhaite une usine en Algérie, nous préférons que ce soit une Renault». La phrase «il n'est pas question de laisser qui que ce soit venir construire en Algérie une usine» a été gommée par l'Agence France Presse, ses rédacteurs ayant, semble-t-il, compris l'aspect quelque peu choquant pour les Algériens. Carlos Ghosn ne peut normalement «empêcher» qu'un autre constructeur vienne s'installer en Algérie. D'autant que selon un article paru hier dans «Les échos», le constructeur français serait «beaucoup plus réservé» à l'idée de créer une usine, alors que «la partie algérienne s'enthousiasme à l'idée de signer bientôt». Les Echos affirme même que le projet pourrait ne pas aboutir car les «conditions imposées sont dures à avaler».

BELLARA «MICRO-PORT, COMPLETEMENT PAUME !»

Le journal cite, sans le nommer, un dirigeant de Renault qui rejette l'idée d'une implantation à Bellara en des termes plutôt désobligeants : «On ne va pas aller dans leur micro-port, complètement paumé. Mieux vaut être dans la région d'Alger, plus proche du marché local ». Le même dirigeant se plaint des conditions de l'investissement qui prévoient la constitution d'une société conjointe et du fait qu'il n'a pas les «multiples facilités» dont Renault vient de bénéficier au Maroc.

 Pourtant, il est clair qu'à la différence de l'usine du Maroc entièrement centrée sur l'export, un projet d'usine en Algérie est destiné en premier à satisfaire un marché local où Renault est en tête. Le message en forme de mise en garde en direction de Volkswagen n'en paraît que l'expression, outrancière, d'une volonté de préserver une chasse gardée. Il existe en effet un projet de fabrication de véhicules en Algérie en partenariat avec le constructeur allemand Volkswagen, qui serait, selon des déclarations récentes de M. Benmeradi, «en train d'avancer». Il intéresserait même un fonds d'investissement qatari. Il y a sans doute au moins une mise au point publique à faire par M. Benmeradi, qui pourrait paraphraser M. Ghosn en disant : Il n'est pas question de laisser Renault décréter qu'aucun autre constructeur ne peut venir en Algérie. C'est la formule polie. Mais Benmeradi pourrait être plus cassant? Ce qui ne serait pas plus mal !