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L’AUSTERITE NE MENE PAS A LA CROISSANCE

par Akram Belkaid, Paris

Les semaines passent et les gouvernements européens persistent dans une erreur majeure qui dépasse l’entendement. En effet, face à la crise financière et face à la spéculation sur la dette publique et, d’une façon générale, contre l’existence même de la zone euro, il n’est question que d’austérité, de réduction des dépenses publiques, de cure d’amaigrissement sans oublier les incantations récurrentes à propos de réformes structurelles à mener, c’est-à-dire, pour être clair, un retrait accentué de l’Etat et une réduction accrue de ses prérogatives.

UN MAUVAIS CHOIX

Dans l’histoire économique moderne, ce qui se passe actuellement restera comme une première. En effet, c’est la première fois que des Etats, européens en l’occurrence, tentent de faire face à une grave crise économique et financière en pariant sur l’austérité plutôt que sur la croissance keynésienne (intervention de l’Etat pour faire repartir la machine économique). Pour mémoire, la crise de 1929 et ses conséquences avaient été surmontées, du moins en partie, grâce aux politiques actives de relance et d’implication de l’Etat dans la sphère économique. Tel n’est pas le cas aujourd’hui avec des gouvernements tétanisés à l’idée de subir les foudres des agences de notation et des marchés en finançant des programmes de relance.
Pourtant, de nombreuses pistes existent qui mériteraient d’être explorées. C’est le cas, par exemple, de la création d’un système bancaire et financier public qui, débarrassé des exigences de rentabilité annuelle à 15%, pourrait contribuer à financer l’économie et à relancer une activité grippée par l’atonie et la grande prudence du secteur bancaire privé. Ce dernier, bien que disposant d’un accès aux lignes ouvertes par la Banque centrale européenne (BCE), ne semble guère enclin à soutenir les acteurs économiques tels que les PME voire les TPE (très petites entreprises) et les artisans.
Bien entendu, il ne s’agit pas que de se substituer à la finance privée. La situation est d’une telle gravité qu’elle mérite la définition d’un nouveau paradigme économique. C’est en effet de nouveaux modèles de développement qui nécessitent d’être imaginés avec en tête un objectif majeur, celui de la croissance et une contrainte incontournable, celle du respect de l’environnement et de l’adaptation au réchauffement climatique. Jusqu’à présent, l’économie verte n’a été qu’un slogan parmi tant d’autres - on mesure cela en réalisant que nombre de producteurs européens de capteurs solaires sont en faillite - alors qu’il s’agit certainement de l’une des voies de sortie de la crise.

LE POIDS DES LOBBYS

Il faudrait encore que les Etats regagnent un peu du pouvoir qu’ils ont abandonné aux marchés mais aussi aux lobbys et à leurs représentants. Si la mutation de l’économie européenne tarde tant à se faire, à commencer dans le secteur des énergies renouvelables mais on pense aussi à la chimie et au bâtiment, c’est parce que de puissants intérêts financiers estiment que cela mettrait en danger leur rentabilité et donc la rémunération de leurs actionnaires. Dès lors, on est en droit de se demander jusqu’à quel point il faudra que la situation se dégrade pour que les gouvernements européens réalisent enfin que leurs solutions basées sur l’austérité, la dérégulation et la soumission aux marchés financiers appartiennent désormais au passé.