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«Miracle espagnol» et cauchemar européen

par Abdelhak Benelhadj

Nous savions l'Espagne malade de l'Europe. Nous ignorions que des Espagnols - de plus en plus nombreux - à défaut de mourir de faim, vivaient des restes et des déchets. L'actualité est cruelle pour cette vieille nation. Elle est aussi cruelle pour l'utopie européenne jetée en pâture aux marchés financiers et aux Agences de notation. Du glorieux Empire de Charles Quint et de son fils Philippe II, d'où Colomb partit façonner un «Nouveau Monde», l'Espagne en un lent déclin a hérité- les réseaux de communication profondément transformés - d'une géographie exigüe, une Péninsule Ibère confinée dans un «cul-de-sac» au fin fond du continent européen, coincée entre Pyrénées, Océan Atlantique et royaumes maures. Les savants musulmans furent refoulés par le Saint Office (dont l'actuel «vicarius filii dei» assure la continuité) vers le Maghreb et les fortunes sépharades et réformées gagnèrent l'Europe septentrionale plus tolérante, chère à Descartes et à Spinoza, où le mercantilisme hanséatique allait naître et prospérer en attendant de s'étendre à tout l'?koumène.

Le capitalisme boutiquier - que la culture anglo-saxonne a définitivement redéfini - a ceci d'archaïque qu'il ne rend hommage qu'aux valeureux qui défendent becs et ongles leur Lebensraum et leur «frontières» et dédie le plus parfait mépris aux perdants qui renonce à la station droite. C'est sans doute pourquoi il démembre les empires du passé en marchandises exposées au British Museum ou au Salomon Guggenheim, et jette en pâture leurs restes à l'industrie hollywoodienne. Ce qui ravit les Bismarck en herbe (il en pousse par chez nous comme du chiendent) et scandalise les intellectuels mélancoliques et les moralistes à la petite semaine.

De Grenade transpire une nostalgie au goût de naphtaline, diffractée en produits pour les touristes et en illusions pour les Maghrébins orphelins de modèles. Grenade chut, il faudra définitivement s'y résoudre. Assurément, la facture de Byzance (1453) a été très exorbitante. De plus, elle a complètement transformé la géopolitique de la planète.

L'or des Incas et des Aztèques en transit par les royaumes éclairés de la Mer Baltique ira d'abord en Grande Bretagne (la City en conserve le souvenir, à peine) puis à Fort Knox où des processions de rentiers terrifiés fuyant l'Europe en guerre, firent s'accumuler 75% de l'or monétaire mondial en 1944, lorsque Américains et Britanniques forgèrent un Système Monétaire International, sous le régime duquel Jean Fourastié a conçu ses «Trente glorieuses». Depuis, les déficits US ont dispersé aux quatre vents une monnaie de singe indexée sur un métal qui a dépassé - et de loin - depuis Nixon la norme fixée à Bretton Woods (35$ l'once).

Le boom touristique qu'a connu l'économie espagnole, à la faveur de l'indépendance algérienne, profitant des capitaux pieds-noirs désertant l'ancienne colonie française, a infligé aux littoraux des façades en béton défigurant des paysages méditerranéens endémiques jetés en pâture à la spéculation immobilière (aujourd'hui bulle dégonflée) et une dynamique qui doit aussi beaucoup aux dévaluations compétitives de la peseta aujourd'hui impossibles. Tout au moins tant que Madrid (berceau de l'OMT) veuille rester (et s'en donne les moyens) dans l'Euroland...

Une précision à l'intention des laudateurs de l'Europe unie : Malgré ses difficultés, l'Espagne a une dette à peu près fidèle aux Traités de Maastricht et d'Amsterdam (60.1% de son PIB en 2010 et de 64% en 2011), alors que la France en est respectivement à 81.7% et à 87.6% (moyenne Euroland : 87.2) (1).

Après son entrée avec le Portugal dans l'Europe communautaire en 1986, l'Espagne avait été donnée en exemple d'une émancipation réussie, triomphant de la «dictature franquiste» et du «traditionalisme catholique rétrograde». Tout le mérite est revenu à l'Europe et peu de cas a été fait des efforts considérables fournis par les Espagnols. Le budget européen (pour une très large part affecté à l'Europe Verte) revient plus aux «grands» qu'aux «petits» pays. Le rappel insistant de la «charitable solidarité des Fonds Structurels à l'avantage des petits pays» ignore l'élémentaire équité et, pire, le respect des faits. Les ex-pays de la Mitteleuropa se souviennent des élargissements à budget constant. C'est sûrement pourquoi l'Amérique conserve aux yeux des Polonais, Baltes ou Hongrois l'image d'unique horizon. L'Europe n'était pour certains (le Groupe de Vilnius par exemple) qu'une marche vers l'OTAN.

L'exploitation par les investissements (IDE allemands et français, principaux clients et principaux fournisseurs, entre autres) des conditions salariales et sociales espagnoles -posées comme avantages comparatifs pertinents- allait vite connaître ses limites. D'autres pays (émergents asiatiques et PECO notamment) offraient des opportunités plus attractives. L'Espagne, le Portugal, et autres PIIIGS, y compris la Tunisie et l'Egypte, en feront les frais, ce qui explique l'actualité tragique de cette année dont Bouazizi fut le malheureux détonateur.

La différence de potentiel espagnole est à l'évidence épuisée. Et l'ex-9ème puissance industrielle de la planète s'est muée en membre d'un «Club Med» dépenaillé (2). Ce n'est évidemment pas la qualité ou la quantité du travail des Espagnols qui est en cause, mais bel et bien les dérèglements du système économique et politique qui l'emploie.

Résultats : Avec un taux de 21,52% fin 2011, le chômage atteint les records (+7.9% en un an) (3). Et ce n'est qu'un début... L'Espagne traîne ces taux comme un boulet depuis les années 1990. Il est inévitable que l'absence durable d'emplois dégénère en rupture sociale gravissime en une cascade causalement bien articulée des crises, de l'économique au politique en passant par le financier et le social.

Selon les chiffres provisoires pour 2011 de l'Institut national de la Statistique, 21,8% de la population du pays vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 19,5% en 2009 et 20,7% en 2010.»Et la situation va empirer l'année prochaine», regrette Carlos Susías, président du réseau de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale en Espagne. (AFP, V. 30 décembre 2011, 09h46).

Comme il y a moins d'une décennie les Argentins, 1,5 million de familles Espagnoles survivent en récupérant des déchets pour se nourrir. «Les peuples des ordures», ordinairement, n'est-ce pas en Asie, en Afrique ou en Amérique Latine miséreuses qu'on les rencontre, précisément parce que, contrairement images du sens commun, c'est le Sud finance le Nord?

Ainsi en est-il des «miracles» mercatiques et fugaces, le temps d'un cycle, que se plaît à fabriquer et aussitôt à délaisser le capital international. Ainsi en fût-il du «miracle ivoirien», «argentin», «irlandais», du «miracle russe Eltsinien», «libanais», «thaïlandais»... qui ont ruiné les benêts, les petits porteurs et abusé des foules d'intellectuels inconsistants et éphémères, prompts à «surfer sur la vague».

«ETE COMME HIVER, C'EST TOUJOURS L'HIVER»

Les conservateurs succèdent aux socialistes qui succèdent aux conservateurs qui succèdent aux socialistes.... Felipe González (PSOE), cède la place en 1996 à José María Aznar (PP), ce dernier la cède en 2004 à son tour à José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE) lequel la restitue à Mariano Rajoy (PP) en décembre 2011. Emballage différent, mais même politique, mêmes résultats. Alternances sans alternatives, permutant droite conservatrice et «socialisme pragmatique à visage humain». De même en Grèce, les changements de pilotes consistent à quelques nuances près en une variation très peu variée sur le même thème: les Papandreou (enfants père et fils du PASOK) permutent avec les libéraux Tzannetákis, Mitsotákis, Karamanlís et cette année Loukás Papadímos succède à l'inoxydable et imperturbable Geórgios Papandréou (4).

QUE PROPOSE DONC LE NOUVEAU GOUVERNEMENT RAJOY?

Les premières mesures concernent les fonctionnaires, avec la poursuite en 2012 du gel de leurs salaires (après une baisse de 5% en 2010 puis un gel en 2011), mais aussi le non-remplacement des départs, sauf dans les secteurs considérés comme «essentiels» (santé, éducation, forces de l'ordre...) où un départ sur dix sera pourvu (un sur deux en France sarkozienne). Le nouvel exécutif a aussi annoncé des coupes dans les budgets des ministères de l'Equipement (1,6 Md euro en moins), de l'Industrie (1,1 Md euro) et de l'Economie (1,1 Md euro).

C'est «une nouvelle attaque contre les conditions de travail des employés publics», a réagi l'inaudible Centre syndical indépendant des fonctionnaires (CSI-F), majoritaire dans les administrations et minoritaire dans le reste du pays, comme la plupart des syndicats européens désertés dans des nations désindustrialisées prêtes au retour des hallucinations national-socialistes.

MONNAIE, EQUILIBRE BUDGETAIRE, DOGME ET DERAISON

Demain, promet-on à ces pays soumis à une sévère austérité, la politique de l'offre rendra les entreprises plus compétitives, plus innovantes, plus exportatrices, plus à même de recruter et de distribuer des revenus élevés à des collaborateurs mieux et continûment formés, plus adaptables, plus flexibles. La baisse de la pression fiscale sera favorisée par un moindre chômage, une création de richesses plus élevée, de ce fait les budgets seront plus équilibrés sans augmentation des taux de prélèvements obligatoires.

Pour cela, une médication unique: plus de marchés, plus de privatisations, moins d'Etat, moins de fonctionnaires, moins d'impôts progressifs (5), «contre l'économie administrée qui répartit les richesses qu'elle ne produit pas»... L'impératif est au contrôle de la masse monétaire et au retour à l'équilibre budgétaire par la réduction des dépenses qui rendra possible la réalisation de ces objectifs.

IL N'EST PAS INTERDIT DE REVER...

En vérité, les prescriptions devant précisément améliorer la situation de ces pays ne font qu'aggraver leur état et plonger leur économie dans la récession avec une forte hausse des taux d'intérêt, une baisse de la consommation et de l'investissement, un accroissement de l'endettement, des charges financières et du chômage, creusant des déficits qui rendent illusoire le retour à un quelconque équilibre budgétaire et financier.

En moins de 20 ans, l'Islande est passée de la pêche à la morue qui assurait la subsistance de sa population à un endettement qui l'a ruinée: 850% de son PIB, 225 000 euros par habitant, 5 fois la dette de la Grèce.

Ainsi en est-il des autres pays européens confrontés aux mêmes difficultés. Nous savons que, dans le règlement du cas grec, c'est pour une part le traitement des déficits français qui se jouait en filigrane dans l'opposition entre Paris et Berlin. Cela est clair, maintenant que les agences de notation se sont décidées à alerter les créanciers sur l'état de gravité réel des finances françaises, notoire depuis fort longtemps et désormais officiellement admis par Paris.

Les Européens, par dizaines de milliers quittent l'Europe comme au XIXème siècle. Et pas seulement l'Italie ou l'Irlande, terres anciennes de départ. Les Portugais ne se dirigent plus vers la France mais se dirigent désormais vers leurs anciennes colonies; le Brésil destination traditionnelle, mais aussi, vers... l'Angola (6). Déjà en mars 2007 ils se sont distingués, oubliant les «œillets» et le partage de l'utopie continentale retrouvée, en élisant Salazar comme «le plus grand des Portugais».

C'est dire combien l'Europe a perdu de son lustre au point qu'un peu partout l'opinion publique européenne ne tient plus la dissolution, sinon de l'Union du moins de l'Euroland, comme inconcevable. «La France ne peut recueillir toute la misère du monde» ce mot de Rocard a fait florès (7). Des peuples pauvres dans des pays riches, sort de nombreux pays dans le monde, il devient peu à peu celui de l'Europe qui retrouve des comportements oubliés depuis 1929, bien après Buster Keaton, Charlie Chaplin, Laurel et Hardy...: des mains tendus aux feux rouges, devant la porte des supermarchés et des établissements publics, des corps allongés la nuit sur les trottoirs... L'histoire bégaye et le paysage ressemble à s'y méprendre à celui des années trente, avec son cortège de chevaux qu'on ne consent pas à achever...

L'image de la Grèce n'est plus celle des Onassis. Abandonné par les Dieux de l'Olympe, pays appauvri et miséreux, bien que toujours digne et fier, il est aujourd'hui ballotté entre la BCE, le FMI et les marchés, comme naguère les pays sous-développés (l'Algérie par exemple) l'étaient sous perfusion, à coups de P.A.S. déflationnistes, son autonomie de décision (ne parlons plus d'indépendance ou de souveraineté, concepts désuets) devient pour le moins très abstraite.

Ni les électeurs Grecs, Italiens ou Irlandais... pas davantage Français ou Britanniques ne sont réellement consultés, en état de donner leur avis. Les tractations parlementaires très formelles et très consensuelles, qui rappellent les roublardises de l'IVème République en France, biaisent par un juridisme sophistiqué sinon la lettre du moins l'esprit des constitutions. Dans ces démocraties représentatives où l'on répète aux citoyens convaincus de leur liberté qu'»il n'y a plus aucun autre choix», on peut se demander qui au juste représente qui.

ON SE CONSOLERAIT DE CES STRATAGEMES SI AU MOINS ILS ETAIENT EFFICACES...

Il n'y a guère longtemps la partie grecque de l'Île de Chypre triomphait et utilisait son admission au sein de l'Union Européenne comme levier pour peser sur la partie turque de l'île et sur la Turquie qui continuent de piétiner au seuil de l'Europe (8). Aujourd'hui, la situation s'est inversée et c'est la partie chypriote turque qui propose son aide à Nicosie dans une très mauvaise passe économique (9). Posé comme modèle à imiter, Ankara de son côté connaît une santé économique et diplomatique au cœur du monde méditerranéen bouleversé par les soulèvements populaires partis de Tunisie et d'Egypte.

Pendant longtemps, l'on crut (ou l'on a fait croire) que ces révolutions ne concernaient que des pays mineurs et subalternes, des régimes qui ignorent la civilisation et la sublimation de la violence par la démocratie et l'Etat de droit. L'on voit que ce n'est pas le cas. Au reste, un peu partout dans le monde, bien au-delà de l'Europe des PIIIGS, comme aux Etats-Unis au pied de Wall Street, les mêmes mouvements d'»indignés» renvoient les marchés à leurs résultats et exigent (pour le moins) leur régulation.

Cette situation n'épargnera aucun pays, pas même les pays rigoureux et vertueux dans l'administration de leurs finances. Pas même l'Allemagne besogneuse, industrieuse et austère qui reste étroitement associée à cette immense Europe asymétrique avec laquelle elle dégage la majeure partie de ses excédents commerciaux.

Les malheurs relatifs de l'Espagne et de l'Europe ne devraient nullement faire oublier que les véritables causes de ces déséquilibres se tapissent dans les engrenages de l'économie marchande, dorénavant sans contrôle et sans frontières. Un jour on conviendra que la compétition darwinienne créatrice de richesse est une métaphore dispendieuse et tout compte fait infantile.

En vérité tous redoutent la véritable catastrophe : l'annonce de la faillite américaine qui, depuis des décennies, ruse avec les lois de l'économie et de la gravitation. L'explosion de la bombe du dollar et de ses déficits, tous les amis de l'Amérique la souhaite douce et graduelle (soft landing). Mais tous savent que l'hubris US, éduqué dans l'autoglorification de sa destinée, ignore la douceur. Les Empires vivent et meurent dans la tragédie et c'est dans l'entropie de leurs décombres qu'émergent peu à peu leurs successeurs.

GARE A LA CHUTE DES DIPLODOCUS!

La logique rationnelle et constructiviste proposée par l'Europe, depuis un demi siècle, a créé un espoir et a tracé le chemin à suivre au reste du monde : parvenir à forger une union régionale par contrat, sans procéder d'un Centre dominateur omnipotent, sans recourir à la force (tentatives mortifères du passé : de Napoléon à Hitler), tout en compensant par la sagesse des pères fondateurs le réflexe d'une pondération arithmétique darwinienne élémentaire qui auraient soumis les petites nations au bon vouloir des grandes.

Cette démarche est un refus des Empires, une rupture avec le mouvement du «décalage du ?centre' vers l'ouest», mythe décrit il y a longtemps par Mircéa Eliade et une ouverture raisonnable vers un monde multipolaire.

Les Européens qui se déchirent et substituent à la coopération entre eux placée comme clé de voûte de leur association, une féroce compétition interne (à coups de moins disant salarial, social et fiscal), débouchant sur des différences de potentiel périlleux, tout cela montre que ce n'était au fond qu'un rêve. Et il ne suffira pas de pointer du doigt la Perfide Albion, cheval de Troie atlantiste, qui s'est toujours défiée des pactes continentaux et n'a jamais consenti à une Union politique, militaire et diplomatique hors du giron nord-américain, pour atténuer le sentiment d'un gigantesque gâchis.

NOTES

1- Sources: Fiche pays Ubifrance (2010) et AFP (2011).

2- Selon les divagations désobligeantes d'un ministre allemand des finances.

3- Il est notoire que chômage (avec l'inflation, variable politique - et boursière - de première grandeur) est victime, ici comme ailleurs, de manipulations statistiques qui frisent l'escroquerie. Lié à l'indemnité de chômage qui ne concerne qu'une partie des personnes concernées, depuis longtemps, ce taux ne reflète plus l'état réel du marché de l'emploi: les demandeurs découragés et culpabilisés renoncent à se faire connaître ou sont d'autorité

4- Loukás Papadímos après des études brillantes au MIT (où il a forgé en 1975 avec Franco Modigliani un indicateur économique appelé NAIRU, Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment, taux de chômage n'accélérant pas l'inflation, étudié empiriquement par Philips)- a été l'ancien chef économiste à la banque de Grèce en 1985 et en devint gouverneur en 1994. Il sera l'un des acteurs du passage de la drachme à l'euro (obtenu par une falsification les comptes du pays avec la collaboration de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs), avant de devenir vice président de la Banque Centrale Européenne, de 2002 à 2010. Si la politique qu'il mène atteint ses objectifs, ce sera peut-être à lui que reviendra le privilège d'assurer en sens inverse la transition de l'euro vers la drachme.

5- Un gouvernement conservateur en Hongrie vient de constitutionnaliser aux deux tiers de l'Assemblée, un taux d'imposition unique sur le revenu de 16%.

6- Au Portugal, le ministère des Affaires étrangères rapporte qu'au moins 10.000 personnes sont parties pour l'Angola. Au 31 octobre 2011 par exemple, plus de 97.000 citoyens portugais ont été enregistrés dans les consulats des villes de Luanda et Benguela, presque deux fois plus qu'en 2005. Le Guardian note que le Brésil fait aussi partie des destinations préférées des Portugais: alors qu'ils étaient 276.000 en 2010, ils sont maintenant près de 330.000. En Irlande, le bureau central des statistiques estime qu'environ 50.000 personnes quitteront le pays d'ici la fin de l'année 2011, notamment pour chercher du travail en Australie ou aux Etats-Unis, renouant avec de vieux flux qui ont saigné le pays au XIXème siècle et entre les deux dernières guerres. Tandis que le nombre de Grecs qui ont émigré en Allemagne (pays où le taux de chômage de 6.5% est en baisse) a crû de 84% au cours du 1er semestre 2011.

7- Dans Le Monde du samedi 24 août 1996, Rocard protestait - à tort - contre l'incomplétude de la citation qui le faisait passer pour un xénophobe. Soit. Xénophobe, peut-être pas. Opportuniste, peut-être.

8- On se rappelle qu'au référendum d'avril 2004, organisé par les Nations Unies pour la réunification de l'île, ce sont les Chypriote grecs qui ont voté «non», maintenant ainsi sur l'autre partie sous embargo et transformant la «ligne Attila» en frontière européenne qui divise le pays en deux. De cela, il faudra bien que les Européens en rendent compte un jour.

9- Le 11 juillet dernier, l'explosion d'une cargaison d'armes sur une base navale a fait 13 morts et détruit la principale centrale thermique du pays (Vasilikos). Celle-ci produisait 60% de l'électricité de la République de Chypre, qui couvre les deux tiers de l'île. Cet accident a provoqué une crise gouvernementale qui a forcé le président communiste Demetris Christofias à un remaniement complet. Fitch a abaissé la note de Chypre de deux crans à «BBB». Fin juillet, les deux autres grandes agences, Moody's et Standard and Poor's avaient déjà abaissé la note du pays de deux crans à «Baa1» pour la première, et d'un cran à «BBB+» pour la deuxième. Dans les trois cas, la perspective est négative. Et la décision d'importer du Nord l'électricité qui manque tant depuis la destruction de la centrale n'a pas été du goût de tous les Chypriotes-grecs. L'archevêque Chrysostomos II, chef de la puissante Eglise orthodoxe de Chypre, a déclaré qu'il préférait «s'éclairer à la lanterne» plutôt que d'accepter l'électricité du Nord.