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TRISTE ANNIVERSAIRE POUR L’EURO

par Akram Belkaid, Paris

L’euro est-il condamné ? Va-t-il disparaître ? Va-t-il s’effondrer face au dollar ou aux autres devises (yen, won ou même yuan) ? Dix ans après la mise en circulation, sous forme fiduciaire de la monnaie unique européenne (elle était en usage dès janvier 1999, notamment sur les marchés financiers), ces questions sont plus que jamais d’actualité. Certes, les dirigeants européens adoptent un discours rassurant et mettent en avant les efforts diplomatiques et institutionnels, déployés depuis plusieurs mois pour faire sortir l’Europe de la crise. Il n’empêche, ce qui se joue actuellement n’est ni plus ni moins que la survie de cette devise, confrontée à la défiance des marchés, dans une conjoncture marquée par une grave crise de la dette des Etats.

LA CHUTE DE L’EURO SEMBLE INELUCTABLE

Un indicateur résume à lui seul l’état d’esprit des investisseurs. Selon la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’instance de marché aux Etats-Unis qui régule les marchés dérivés, le nombre de contrats « shortant » l’euro, c’est-à-dire pariant sur sa baisse par rapport au dollar, a atteint un record (au 27 décembre 2011) de 127.900. La CFTC ne supervise qu’une part infime des flux sur le marché euro-dollar (ce dernier représente le tiers des transactions mondiales sur les devises) mais ses données sont un excellent indicateur, sur la tendance globale des marchés de change. Ces derniers connaissent donc une défiance de plus en plus grande, des fonds spéculatifs (ou hedge funds), à l’égard de l’euro. Il faut rappeler que ces fonds ont perdu beaucoup d’argent en 2011, en pariant (en vain) sur la chute de la monnaie unique. Le fait qu’ils maintiennent leurs positions courtes démontre qu’ils restent persuadés que la devise européenne va dévisser en 2012.
Plusieurs facteurs pourraient leur donner raison. Il y a d’abord la persistance de la crise grecque. De nombreux économistes sont désormais convaincus qu’Athènes va faire défaut sur sa dette, au premier semestre 2012. En annonçant son incapacité à faire face à ses échéances de remboursement, le gouvernement grec pourrait ainsi allumer un incendie qui se propagerait aux quatre coins de la zone euro. Une autre menace sur l’euro est la situation des finances publiques espagnoles. Madrid vient en effet, d’annoncer que son déficit public pour cette année sera de 8% du Produit intérieur brut (PIB) et non pas de 6%. En clair, cela veut dire que l’Espagne va devoir emprunter plus que prévu et à des taux plus élevés. Le troisième nuage sur l’euro est l’Italie, pays qui n’est toujours pas tiré d’affaire et qui va devoir mobiliser 430 milliards d’euros en 2012, dans un contexte marqué par une entrée en récession de son économie.
C’est donc un bien sombre anniversaire que les Européens ont célébré le 1er janvier dernier. A bien des égards, la crise de la dette semble hors de contrôle puisque le dernier chiffre des besoins des pays de la zone euro atteint désormais 900 milliards de dollars soit deux fois plus que ce que peut mobiliser le Fonds européen de stabilisation financière. De fait, chaque jour qui passe augmente les besoins de financement des pays européens ce qui met leur devise sous pression au point que de nombreux experts se demandent si la meilleure solution n’est pas tout simplement de revenir aux monnaies nationales (lesquelles seraient, pensent-ils, soumises à moins de contraintes, en matière de finances publiques).

L’ECHEC DES EUROCRATES

Cette crise de l’euro marque donc l’échec des politiciens et des experts qui pensaient que la création d’une monnaie unique pouvait être exemptée d’une réflexion sur les convergences fiscales et sociales en Europe. Faute d’avoir mis en place une politique économique commune, adossée à des règles fiscales partagées par tous ses membres, la zone euro est désormais en danger. Bien sûr, l’euro peut encore résister durant des années, ne serait-ce que parce que l’Allemagne continue de le défendre. Pourtant, les doutes entourant sa viabilité vont perdurer ce qui va aggraver les difficultés de financement des pays européens. Or, c’est bien pour l’inverse que l’euro a été créé. D’atout, la devise européenne est en train de se transformer en handicap.