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Les guerres humanitaires

par Matari Abdelouahab*

Il n'est nullement dans mes intentions de disculper les dirigeants fascistes qui ont conduit leurs pays vers le désastre et la désolation, au point où ils ont permis aux forces occidentales de venir s'installer durablement dans leurs pays respectifs, du fait de leurs entêtements

et de leurs penchants schizophréniques pour le pouvoir.

On essaiera d'analyser le problème des guerres humanitaires en s'appuyant sur des informations journalistiques fiables pour dénoncer ce qui s'apparente à une idéologie nouvelle de colonisation savamment étudiée dans des centres de recherches des différents pays de la coalition Américano-Européenne. La liberté tant recherchée et arrachée au prix de sacrifices énormes risque d'être confisquée au profit des lobbys banquiers et autre complexe militaro-financier. La réflexion théorique aux Etats-Unis change d'approche, elle a tendance à s'éloigner de «l'ingérence directe» (Afghanistan, Irak), pour s'orienter vers une «ingérence influente». Apparemment ce que les «Républicains» Américains ont mal compris, les «Démocrates» l'ont si bien assimilé : Ce n'est plus la force qui fait «tomber» le régime politique d'un pays, mais c'est bien l'idée pragmatique qui le détruit. La première idée fatale c'est de s'appuyer sur les dysfonctionnements et allégations de la justice internationale ; à partir de ce constat de fait, l'occident se projette dans une optique «d'ingérence influente» pour détruire l'Autre avec comme argument mensonger la protection des civils au nom de la défense des droits de l'homme.

La question des guerres dites Humanitaires est centrale dans notre monde contemporain. A la fin de la seconde guerre mondiale, l'organisation des Nations Unies a été fondée avec l'idée qu'elle pouvait garantir la paix internationale, cette idée juste sur le plan théorique s'avère destructrice sur le plan pratique ; car elle favorisera l'hégémonie des puissances occidentales via le conseil de sécurité des Nations-Unies. Cette vision géopolitique Etats-unienne s'identifie à celle des «Démocrates» qui entendent utiliser les droits de l'homme et la démocratie comme prétexte à la guerre. Ce sera Obama contre Bush, le deuxième a failli mettre «à mort» le complexe militaro- industriel- financier, le premier le sauvera avec la complicité des monarchies du Golf. La guerre en Libye, peut donc apparaître comme le point d'orgue de cette nouvelle idéologie guerrière, parce qu'elle a démontré de façon quasi- définitive, que l'organisation des Nations Unies est bien un instrument de domination des Etats-Unis et de leurs alliés ; ce qui a pour conséquence directe l'installation d'un monde unipolaire, et de facto le reniement du droit inaliénable des peuples à disposer de leurs propres choix.

Le processus des guerres humanitaires est redoutable et efficace en vue d'institutionnaliser les conflits (Libye, Syrie et à l'avenir l'Algérie).En premier lieu la Ligue Arabe s'appuie sur des déclarations et informations puisées auprès des secrétaires des Ligues des droits de l'homme et qui eux-mêmes ont des attaches avec la NED (National Edowment for Democracy), une organisation qui se présente comme une ONG officiellement dédiée à la croissance et au renforcement des institutions démocratiques dans le monde, mais en réalité il s'agit d'un organisme financé à hauteur de 95 °/ par le Gongres des Etats-Unis. C'est sous l'administration de Reagan que sa création fut officialisée en 1982. La nature de la NED a conduit de nombreux intellectuels et chercheurs contemporains à la décrire comme une officine permettant aux services secrets américains de renverser les régimes qui ne conviennent pas au Département d'Etat américain, et la question qui pose débat pourquoi subitement le Département d'Etat lâche les dictateurs qu'il a soutenu pendant des décennies ; pour nous, la réponse s'inscrit dans une logique pragmatique (apparemment les responsables américains ont bien assimilé la philosophie pragmatique de Peirce, Dewey et William James), ces familles régnantes, qui au nom du nationalisme et de la défense des intérêts stratégiques des Arabes ne faisaient que s'enrichir par famille entière et ne faisaient rien pour en faire profiter les autres (Sarkozy a du en faire l'expérience lorsqu'il avait besoin d'argent pour soutenir sa campagne présidentielle, il en a pris mais pas beaucoup), et le deuxième point, et c'est le plus important, c'est que les régimes arabes en place pratiquaient une politique versatile vis-à-vis du terrorisme, d'un côté ils soutenaient les réseaux terroristes et de l'autre ils faisaient semblant de les combattre; cela a conduit directement à leurs ruines.

La NED finance les partis d'opposition dans de nombreux pays et prête assistance aux exilés et opposants des régimes visés par le Département d'Etat US, et notamment les opposants libyens et syriens qui travaillent en étroite collaboration avec la chaîne satellitaire El Jazeera; leur temps d'écoute à l'antenne n'est point restreint, comme ils profitent des avantages pécuniaires, comme c'est le cas des autres personnalités qui prêtent assistance et couverture aux révoltes, l'une religieuse et l'autre intellectuelle : El-Qardaoui et Azmi Bechara ; et lorsqu'on sait qu'El Jazeera fut la création de Robert Ménard fondateur de RSF (Reporter Sans Frontière), qui lui-même a de fortes relations de travail avec la NED, la toile de déstabilisation géopolitique est vite tissée !!! Sans oublier l'artisan- concepteur de la guerre humanitaire libyenne, le secrétaire de la ligue libyenne des Droits de l'Homme, le docteur Slimane Bouchiguir (il occupe maintenant le poste d'ambassadeur de la Libye en Suisse), son rôle fut déterminant afin d'institutionnaliser le conflit libyen et pour mettre en contact les ONG (organisations non gouvernementales) entre elles, il se trouve des ONG chapeautées par la FIDH (Fédération des Ligues des Droits de l'Homme) qui peuvent déclencher des guerres humanitaires via le système d'accréditation des ONG au Conseil des droits de l'Homme. Les ONG peuvent se révéler être de redoutables outils de déstabilisation, tout en bénéficiant d'une image prétendument neutre voué à la défense et la protection des civils, tout en pratiquant la politique de deux poids deux mesures, car ce qu'il ont réservé à Sadam Hussein et El Gaddafi et prochainement El Assad n'est pas le même sort que connaît Salah du Yémen qui est sous la protection de l'Arabie Saoudite et le prince du Bahreïn protégé par le CCG (conseil de coopération du Golf). Il existe par ailleurs de fortes similitudes entre le processus de la guerre humanitaire en libye et celui qui est en cours d'élaboration à l'encontre de la Syrie.Le directeur du Centre de Damas des Droits de l'Homme, Radwan Ziadeh, démontre son engagement en faveur de la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen Orient. Il est en effet l'artisan acharné de la demande d'institutionnaliser la révolte du peuple syrien (bientôt il sera nommé ambassadeur en Suisse comme ce fut le cas pour Slimane Bouchiguir). Il a déjà lancé plusieurs pétitions à l'encontre du régime policier de Bachar El Assad, avec la bénédiction de la Ligue Arabe, et l'appui logistique de la base américaine implantée au Qatar, et les chaînes satellitaire El Jazeera et El Arabia, sans oublier le rôle de la Turquie dans la région, et toute la propagande destabilisatrice relayée par les officines des ministères des Affaires étrangères françaises et anglaises.

Même si on reconnaît le caractère abject des dictatures libyenne et syrienne, on ne fait que dénoncer ces procédures d'une nouvelle approche d'expansion coloniale menée sous couvert de l'humanitaire, et qui a pour finalité la création de zones de conflits ethno-confessionnelle-tribale, et avec en fond de toile favoriser l'islam politique pour mieux le discréditer par la suite. En conclusion, on remarque que l'Algerie n'est pas loin d'une guerre humanitaire, chose que les dirigeants politiques doivent méditer longuement. C'est la théorie des dominos, nul ne peut échapper à la vague déferlante des guerres humanitaires, d'autant plus que pas mal «d'ingrédients» comme argument humanitaire font partie de la réalité algérienne. Ils doivent entamer au plus vite les réformes sans ambiguïté et ruse machiavélique, s'ils veulent éviter les souffrances au peuple dont il n'a plus besoin, et de ce fait ils sortiront par la plus grande porte de l'histoire, dans le cas contraire?

* Université Alger 2