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Ces ministres que l'on tance, en France

par Abdelkader Leklek

La panique gagne les couloirs, les antichambres et les cabinets du pouvoir en France, dès qu'un ministre dépasse les lignes rouges, tracées par l'Elysée et Matignon. Cependant, les traitements administrés, dès l'affolement, ne sont toujours pas les mêmes pour tous.

Les thérapeutiques sont prescrites à la tête du ministre gaffeur, selon son origine et selon son identité culturelle d'extraction. Face au branle-bas, les principes de la république, Liberté, Egalité, Fraternité, sont vite remisés. Aux uns, des admonestations publiques, aux autres des portes de sortie quasiment honorable. La dernière à faire les frais de ce système discriminatoire, fut Jeannette Bougrab la secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à la vie associative auprès du ministre français de l'Education Nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, Luc Chatel. Cela s'est passé au début du mois de décembre 2011. Le premier ministre de France chargea son directeur de cabinet pour lui remonter les bretelles. Pourquoi cela ? La secrétaire d'Etat d'origine algérienne avait déclaré, suite à la victoire des partis islamistes en Tunisie, au Maroc et en Égypte, et même en Libye, cela :«Je ne connais pas d'islamisme modéré ». Et avait aussi dit :«Il n'y a pas de charia light». Le quai d'Orsay et son locateur Alain Juppé, n'avaient pas apprécié cette sortie, qui les mettrait désormais, en délicatesse avec les nouveaux régimes qui gouvernent au maghréb, depuis les révoltes, que l'occident avait baptisées, le printemps arabe. Madame Bougrab, n'est pas à première réprimande. Elle avait déjà en janvier 2011, estimé que Hosni Moubarak devait partir, et avait, pour cela évoqué l'usure du président égyptien, confronté à d'importantes manifestations de rue, violentes. Concours de circonstances, ou bien coup calculé, à la même période, le premier ministre de France, fut confronté à des difficultés politiques, car il avait passé des vacances de fin d'année 2010, sur le Nil, aux frais de l'Etat égyptien.

A l'époque et avant que l'hebdomadaire parisien, le canard enchaîné, ne publie des informations sur le sujet, monsieur Fillon devançant le scoop du journal satirique, et à travers un communiqué diffusé par Matignon, reconnaissait avoir été hébergé lors de ce séjour par les autorités égyptiennes. Et aussi qu'à l'invitation des autorités égyptiennes, il avait utilisé un avion de la flotte gouvernementale égyptienne pour se rendre d'Assouan à Abou Simmel où il avait visité le temple. Et qu'il avait également effectué une sortie en bateau sur le Nil dans les mêmes conditions, c'est à dire aux frais de Moubarak. Fillon fut-il tancé pour cela ? Oui. Mais par les députés de l'opposition de gauche, lors des questions orales au gouvernement. Ils sont plusieurs, ces ministres que l'on tance, parce qu'ils ne sont tout simplement pas gaulois. Et sans refaire l'histoire de France,ces dernières années le premier à subir les foudres, fut l'écrivain et sociologue,qui est né en France, Azzouz Beggag, qui avait été ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances de 2005 à 2007 dans le gouvernement Dominique de Villepin.      Il est également parrain de l'ONG Bibliothèques Sans Frontières qui œuvre pour l'accès au savoir et l'appui aux bibliothèques en France et à travers le monde.       Le premier clash l'opposa à l'étoile montante de l'époque, le ministre de l'intérieur, l'actuel président français, Nicolas Sarkozy.         Il avait osé qualifier d'«amalgame indécent» la proposition de Nicolas Sarkozy, concernant la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale.

Il démissionne ensuite du gouvernement pour, « reprendre sa liberté de parole », selon ses propres déclarations. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le 11 avril 2007, Azouz Begag fait paraître un livre intitulé, « Un mouton dans la baignoire», allusion faite à la façon de faire des musulmans de France de procéder au sacrifice d'Abraham, selon la rumeur française.    Dans ce livre consacré à la politique et aux méthodes de Nicolas Sarkozy, Azouz Begag accusait le futur président de l'avoir insulté et menacé. Selon Begag, Sarkozy, lui aurait dit au téléphone ceci :« Tu es un connard ! Un déloyal, un salaud ! Je vais te casser la gueule ? salaud ! Connard» J'en ai rien à foutre de tes explications ! Tu vas faire une dépêche à l'AFP pour t'excuser, sinon je te casse la gueule''. Bien sûr, s'agissant d'une communication téléphonique, Nicolas Sarkozy, nia toutes ces accusations et affirma même qu'il n'avait jamais rencontré Azouz Begag. Cependant selon plusieurs organes de presse, plusieurs photos prises notamment à l'assemblée nationale, prouvent le contraire.

Par ailleurs Azouz beggag, avait été, en tant que ministre délégué, tarabusté par un contrôleur de train, un dimanche matin. Alors qu'il voyageait en train, il avait été contrôlé. Il présenta son titre de transport gratuit, dont bénéficient tous les membres du gouvernement. Et parce qu'il n'avait pas de pièce d'identité prouvant sa qualité de ministre délégué, il s'était entendu signifier, par ce contrôleur, cette sommation : « Qui me prouve que vous êtes machin».    N'aurait été l'intervention d'un deuxième contrôleur, le ministre délégué de la république française, allait être verbalisé, jugé coupable de délit de faciès par le cheminot zélé. Ensuite, ce fut le tour de Tokia Saïfi, qui est elle aussi née en France, elle fut poussée en douce, hors du gouvernement pour aller voir du coté de Strasbourg, comme députée européenne. Avant cela, elle dirigeait le secrétaire d'État chargée du développement durable de 2002 à 2004, où de l'aveu même de ses adversaires politiques, elle avait fait bouger les choses. Presque le même traitement, fut du lot des déconvenues réservées à Fadéla Amara, elle aussi née en à Clermont-Ferrand. Avant de rejoindre le gouvernement Fillon, elle était présidente de l'association « Ni putes ni soumises ».       Cette association créée en mémoire de Sohane Benziane, qui fut brûlée vive, dans une cave de sa cité, par un garçon, petit caïd, dont elle refusait les avances. Fadéla Amara, qui avec deux autres filles, et deux garçons avait organisé,et conduit une marche de dénonciation des machismes,à travers la France ,fut nommé au gouvernement, et devient alors secrétaire d'État chargée de la politique de la Ville dans le deuxième gouvernement de François Fillon.

Durant sa mission, elle provoqua une polémique en se déclarant contre l'utilisation de tests ADN pour identifier les enfants d'immigrés dans le cadre d'un regroupement familial en France, en qualifiant cette décision de dégueulasse. Elle avait aussi fustigé ce qu'elle considérait, comme une instrumentalisation de l'immigration. La riposte ne se fera attendre. Une rumeur reprise par la presse française révèlera que Fadela Amara prêtait son logement de fonction dans le 7e arrondissement de Paris, à des membres de sa famille. La secrétaire d'Etat reconnaîtra que cela s'est produit occasionnellement, et qu'elle même n'habitait pas ce logement, car elle continuait de vivre dans une habitation à loyer modéré H.L.M.  Mais cela avait suffit pour qu'elle soit déchargée de son ministère et débarquée. La dernière tête de turc d'origine magrébine, c'est Rachida Dati. Toutefois, cette dame, se montre coriace, elle ne s'était pas laissée faire. Elle continue vaille que vaille, de faire de la résistance et de tenir tête à certains ténors de son camp politique, c'est-à-dire ceux et celles de la droite l'U M P. Cette de fille de père marocain et de mère algérienne, est elle aussi née en France à Saint-Rémy en Saône-et-Loire. Parrainée par Alban Chalandon, qu'elle avait su impressionner, quand il était ministre de la justice, garde des Sceaux. Suite à cette rencontre, il lui proposa un déjeuner en tête-à-tête et lui ouvrit les pages de son carnet d'adresses. Rachida Dati en profitera pour étoffer son réseau. D'autre part, Albin Chalandon l'avait fait entrer au service de comptabilité chez Elf Aquitaine. C'est grâce au directeur de communication de cette grande entreprise, un proche d'Albin Chalandon, que Rachida Dati fit son entrée au cabinet de Nicolas Sarkozy en 2002. Mais ce n'est pas tout : Chalandon va également la présenter à Simone Veil, dont l'aura de résistante, facilitera la promotion.

D'autre part, Rachida Dati fréquentera les différents cercles du pouvoir et n'hésitera pas à solliciter l'aide ou l'appui de certains de ses protecteurs. Elle séduira Cécilia Sarkozy, et deviendra son amie. On dit qu'elle l'aurait conseillée à propos de ses problèmes conjugaux, qui ne la laissera pas tomber, en reconnaissance. Mais, lorsque le président se marie avec Carla Bruni, la méthode échoue : la nouvelle dame de France n'est guère sensible au charme de la ministre de la Justice. Durant la campagne de Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle française de 2007 dont elle fut porte-parole. Accompagnant le candidat Sarkozy dans une des banlieues parisiennes, elle s'adressa autoritairement à un jeune banlieusard portant casquette, qui interpellait le candidat, en lui disant sèchement :« monsieur, on se découvre quand on s'adresse au président». Et sa côte d'amour auprès du chef et de tout son staff grimpa. Elle sera par deux fois nommée, dans le premier et le deuxième gouvernement Fillon, ministre de la justice, garde des sceaux.       Et ce fut la première fois, dans l'histoire de France, qu'une personnalité politique née de parents émigrés maghrébins, appelée à diriger un ministère de souveraineté, et à assumer des fonctions régaliennes dans un gouvernement français. Mais dès que l'occasion s'était présentée, même après de bons et loyaux services, parfois rendus contre vents et marées et au dépend de sa sécurité, tel que l'accomplissement de la réforme judiciaire. Elle fut débarquée. On lui procura un siège de député européen. Mais tenace elle se défend toujours et s'accroche à son siège de maire du 7èm arrondissement de Paris. Depuis elle répond coup pour coup, et pare à toute tentative de déstabilisation.  

La dernière en date, fut la tentative de parachutage du premier ministre Fillon, dans la deuxième circonscription électorale de Paris, réputée ancrée à droite, pour lui assurer un siège de député, garanti aux prochaines élections législatives. Cette circonscription est également convoitée par Dati, qui revendique un quasi droit de préemption. Cela avait suffit pour que Rachida reçoive des salves alternées de remontrances et autres leçons de discipline de parti. Le premier tir vint de Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Elle lui suggérant de se présenter à Châlon, la ville de Saône-et-Loire où elle a grandi. La deuxième canonnade d'artillerie, mais lourde cette fois-ci, puisqu'elle émane d'un cacique de la droite française, fils de son père, Michel Debré, premier ministre de De Gaule et notoire partisan de l'Algérie française. L'urologue Bernard Debré, et non moins député de Paris depuis 2004.Défendant le premier ministre Fillon, il écrira dans son blog, ceci à madame Dati : «jusque là, je te le signale, tu as été élue sans effort, sans compétition.          

En réalité, tu as été nommée, purement et simplement ! Essaie de conserver un minimum de gratitude». Ce à quoi, toujours debout, rachida droite dans sa circonscription, répliqua : « j'en ai marre des commentaires des héritiers. Moi, je n'ai hérité de rien. Ma vie, c'est du travail ». Et le feuilleton continue. La dernière révoltée de ces amazones, est Mme Ramatoulaye Yade, dite Rama Yade, née au Sénégal, mais française pur sucre, malgré sa belle couleur café au lait. Elle a été nommée secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme de 2007 à 2009, puis secrétaire d'État chargée des Sports jusqu'en 2010.    Alors qu'elle était en charge du portefeuille des droits de l'homme, elle évitera d'accompagner le président Sarkozy en Chine. Pareillement, lors de la visite du colonel Kadhafi en décembre 2010 à Paris, la jeune secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, Rama Yade avait alors 34 ans, avait déclaré que Paris ne devait pas «recevoir le baiser de la mort» de Kadhafi.    En fait en octobre de la même année déjà, elle s'était publiquement démarquée, du fameux discours que Sarkozy avait prononcé le 26 juillet 2007, à l'université de Dakar, qui porte le nom d'un des plus grand, sinon le plus grand historien africain contemporain, Cheikh Anta Diop. Elle avait alors asséné que : « Sarkozy n'est pas un Africain. Moi, je pense que non seulement l'homme africain est entré dans l'histoire, mais il a même été le premier à y entrer, parce que j'en connais la culture». Depuis elle se contente d'un poste de conseillère régionale d'île de France. Et pour l'empêcher de briguer un quelconque mandat électoral une cabale contre elle, a été, ces jours-ci, montée pour l'écarter du paysage politique des Hauts-de-Seine, après l'annonce de sa radiation des les listes électorales de Colombes.

Par contre, certains autres ministres, auteurs de bourdes parfois lourdes de sens et de conséquences, s'en tirent eux, souvent à bon compte. Brice Hortefeux, en déplacement, alors qu'il occupait le poste de ministre de l'intérieur de Sarkozy, vit un jeune militant U M P d'origine maghrébine, venir prendre la pose photo avec lui. Il prononça agacé, mais souriant, cette phrase assassine : «Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes». Cela est passé comme une lettre à la poste sans faire de vagues, ni de remous, ni à l'Elysée, ni à Matignon. Egalement, madame Michèle Alliot Marie, encore une ministre de l'intérieur de Sarkozy, quelques jours après avoir bénéficié de vacances royales aux frais des régents fuyards de Tunisie, Ben Ali et sa femme. Et après avoir profité gratuitement d'un jet privé, appartenant au richissime homme d'affaire et grand soutien de Ben Ali, Azziz Miled, pour ses déplacements en tunisie.       

Avait toute honte bue, dès les premiers soulèvements populaires en Tunisie, qui annonçaient la révolte, et en plein hémicycle, en séance solennelle de l'assemblée nationale, déclaré, que la France était prête pour aider le régime tunisien encore en place, à envoyer ses experts policiers pour aider logistiquement, et offrir leurs expertises et leurs expériences, aux policiers du pouvoir déjà déliquescent et agonisant de Ben Ali. Pour cette dame, également, aucun blâme, ni taillage de short, n'eurent lieu, ni à l'Elysée, ou bien à Matignon.

Bien au contraire depuis deux semaines environ, cette dame revient au devant de la scène politique et médiatique. Elle se préparerait, selon les observateurs, pour faire partie de l'équipe de campagne de Sarkozy à la présidentielle de 2012. Gage pour rebondir et éventuellement décrocher un maroquin.

Des poids et des mesures ? Sûrement. Au pays de la citoyenneté contre le communautarisme. Ces ministres que la France tance, à l'exception de Azouz Beggag, sont toutes des femmes. Elles n'occupent jamais des ministères de souveraineté. Elles sont choisies, bien que toutes compétentes, comme faire valoir, soit disant intégrateur, parce que les médias de France et de Navarre en parlent. D'où une peopolisation à outrance de la vie politique française, qui met de côté, les qualifications et les capacités. Mais au-delà de tout cela, il est loisible d'observer, que les vieux démons, ne meurent jamais. II y a un complexe d'inadaptabilité culturelle, que les gaulois franchouillards, ont beaucoup de mal, à s'en défaire.

Faudrait-il pour cela inventer une révolution culturelle ? Peut-être bien que oui, peut-être que non, comme dirait un breton, de France bien sûr. En attendant, méditons ceci : «les étrangers résidant en France devaient respecter ce qui fait l'art de vivre français, comme les civilités, la politesse, la gentillesse» avait estimé il y a quelques jours, le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, s'adressant au journal, la Libre Belgique. C'est-à-dire, quand on dit à quelqu'un, casse-toi pauv' con, c'est du langage civilisé, poli et gentil, selon Guéant, son maître et tous leurs maître à penser.