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BRUXELLES FACE AUX BANQUES, LA MENACE MOLLE

par Akram Belkaid, Paris

Est-ce un réveil sincère ou bien une simple manœuvre tacticienne dictée par les événements du moment ? Toujours est-il que la Commission européenne veut faire croire qu’elle est décidée à durcir les sanctions contre la finance internationale et ses comportements délictuels. Ces derniers jours, José-Manuel Durao Barroso, le président de la Commission européenne, a multiplié les déclarations pour dénoncer «la nature criminelle de certains comportements dans le secteur financier». Et d’annoncer que la Commission va élaborer des textes pour punir plus durement la manipulation des cours boursiers ou les délits d’initiés. De même, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, a déclaré que le secteur financier devait aussi payer sa quote-part en matière de coût de la crise.
LA REVOLTE GRONDE
Ce n’est pas la première fois que la Commission européenne menace le monde de la finance d’une plus grande sévérité. Cela a été le cas à chaque grande crise, comme par exemple après l’éclatement de la bulle Internet, où il s’est avéré que les grandes banques d’affaires recommandaient à leurs clients des titres de sociétés n’ayant en réalité aucune valeur. L’instance bruxelloise a aussi montré les crocs en 2008, lors de la crise des subprimes, et a même semblé vouloir mettre au pas les agences de notation. Mais, à chaque fois, ce ne fut qu’agitations velléitaires, le secteur bancaire et financier continuant de dicter sa loi à Bruxelles.
Il faut savoir que ce dernier représente l’un des lobbys parmi les plus puissants dans la capitale européenne. Avocats, consultants, lobbyistes activent en permanence pour défendre des législations encore plus libérales et maintenir la déréglementation des marchés financiers telle qu’elle est mise en application depuis le milieu des années 1970. S’il existe un secteur démontrant l’emprise des idées néolibérales à la Commission européenne, c’est bien la finance et la banque. Voilà pourquoi les rodomontades de Barroso sont à prendre avec des pincettes et pourquoi il faut avoir en tête les enjeux du moment.
Il faut dire que l’ambiance en Europe est quasiment pré-insurrectionnelle. De Madrid à Londres, en passant par Rome (sans oublier New York), le mouvement des Indignés est en train de faire tache d’huile. Partout, la même révolte gronde contre les excès de la finance et, surtout, son impunité. Une lame de fond sociale menace les ordres établis et s’en prend aux potions habituelles de la Commission et des institutions internationales, à savoir toujours plus de déréglementation et toujours moins d’Etat et de protection sociale pour les citoyens européens. Dès lors, on comprend pourquoi la Commission, qui porte une grande responsabilité dans la situation actuelle, fait mine d’adopter une nouvelle ligne.
LE CAS GREC
Mais les faux-semblants ne dureront pas. La crise et bien là et la situation d’un pays comme la Grèce est en train de dégénérer à grande vitesse. Grève générale, manifestations de rue, refus d’une grande partie de la population, militaires et policiers compris, de la cure d’austérité imposée par l’Europe et le Fonds monétaire international (FMI) : les Grecs sont en train de faire dérailler le plan de sauvetage de la zone euro. Pour les convaincre de faire des sacrifices, eux et les autres peuples européens, à commencer par les Espagnols et les Portugais, la Commission fait mine de devenir intransigeante avec les banques. Une manœuvre opportuniste qui risque de ne tromper personne.