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LA GUERRE DES MONNAIES EST POUR BIENTOT

par Akram Belkaid, Paris

Et voilà que l’on reparle de la sous-évaluation du yuan et d’un possible bras de fer monétaire entre les Etats-Unis et la Chine…Comme c’est presque toujours le cas, l’offensive est venue de Washington. La semaine dernière, les sénateurs américains ont ainsi voté à une large majorité (79 voix contre 19) l’ouverture d’un débat à propos d’un texte de loi visant à pénaliser tous les pays qui entretiendraient une faiblesse artificielle de leur monnaie pour doper leurs exportations. Bien entendu, cette initiative vise avant tout la Chine, régulièrement accusée de fausser la compétition commerciale en maintenant le renminbi (autre nom du yuan) à au moins 40% au-dessous de sa valeur réelle (le yuan n’a augmenté que de 3% par rapport au dollar depuis le début de l’année).
LE TON MONTE ENTRE WASHINGTON ET PEKIN
Comme on peut s’en douter, les autorités chinoises n’ont guère apprécié cette attaque frontale. Signe de la colère de Pékin, trois réactions officielles distinctes ont mis en cause la démarche du Sénat. Le ministère des Affaires étrangères, la Banque centrale et le ministère du Commerce, ont tous dénoncé avec fermeté, pour ne pas dire avec virulence, un «acte contraire aux règles de l’Organisation mondiale du Commerce». Plusieurs responsables chinois n’ont pas hésité à parler de risque de «guerre de monnaies» et ont mis en garde le Sénat étasunien contre le vote d’un texte qui prévoit des pénalités financières contre les produits des pays mis en cause. Côté américain, ce n’est pas la première fois que le Sénat a des velléités de croiser le fer avec la Chine à propos du yuan. Cette fois-ci, c’est en ayant en tête les élections de novembre 2012 – dans une conjoncture où le taux de chômage flirte avec les 10% de la population active – que les élus du Capitole vont débattre de cette question. Et, dans l’affaire, ils viennent de recevoir un soutien de poids de la part de Bern Bernanke, le président de la Réserve Fédérale (Fed). Pour ce dernier, la sous-évaluation du yuan «menace la reprise mondiale car elle empêche le rééquilibrage de la demande globale vers les pays émergents».
En clair, ce que reprochent les autorités américaines à leurs homologues chinoises c’est de ne pas importer suffisamment de produits étrangers au détriment, entre autres, des exportateurs étasuniens. Même le président Barack Obama s’est mêlé de la partie en déclarant, jeudi 6 octobre, que «la Chine a été offensive pour fausser le système des échanges commerciaux à son avantage». Pour autant, la Maison-Blanche reste réservée, pour ne pas dire hostile, au projet de texte de loi du Sénat. C’est aussi la position, pour le moment, de la Chambre des représentants
VERS UN RETOUR DU PROTECTIONNISME ?
Outre les questions de la dette des Etats européens et de la santé fragile du système financier international, il est évident que le thème des monnaies fera partie de l’agenda du G20 du mois prochain à Paris. Mais il n’est pas sûr que la Chine soit la seule à être mise en accusation. En effet, de nombreux pays émergents, dont le Brésil, n’apprécient guère la faiblesse actuelle du dollar car, exception faite du yuan, le billet vert a baissé par rapport à toutes les autres grandes monnaies dont l’euro. Du coup, le risque d’une «guerre des monnaies» n’est pas à exclure pour les prochains mois. Une évolution qui ne ferait que renforcer la montée en puissance du protectionnisme.