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YAHOO ! BIENTOT CHINOIS ?

par Akram Belkaid, Paris

C’est une bataille stratégique qui en dit long sur la mutation de l’économie planétaire. De passage à Palo Alto, le berceau californien de l’industrie informatique et technologique, Jack Ma, le patron du groupe chinois Alibaba.com, a rappelé l’intérêt de son groupe pour le rachat intégral de Yahoo!. Il faut savoir que, pour le moment, c’est le groupe Internet américain qui détient 40% de son homologue chinois. Ainsi, ce dernier souhaite passer du statut de filiale à celui de maison mère. Une mutation qui serait d’autant plus spectaculaire que la prise de contrôle d’une entreprise américaine par une société chinoise n’est pas une opération anodine surtout lorsqu’il s’agit d’un secteur aussi stratégique que celui de l’Internet.
VERS UNE OPA ?
De nombreux investisseurs sont persuadés qu’Alibaba.com va, tôt ou tard, lancer une offre de rachat sur le capital de Yahoo. Cela lui permettrait de prendre définitivement pied dans le domaine de l’Internet non chinois et, surtout de disposer d’une marque reconnue sur le plan international. L’opération elle-même aurait la bénédiction des autorités de Pékin qui ont compris tout l’intérêt d’une présence chinoise sur la toile avec ce que cela signifie comme capacité de contrôle, voire de censure des internautes chinois (et autres). Mais pour l’heure on n’en est pas encore là car l’affaire est loin d’être réglée.
Il y a d’abord le fait qu’Alibaba.com doit compter avec d’autres concurrents intéressés par Yahoo!. Parmi eux, le New York Times a avancé le nom des fonds d’investissement Silver Lake Partner et Providence Partners. S’ajoutent aussi Andreesen Horowitz, le fondateur de Netscape, ainsi que Microsoft. Ce dernier cherche en effet à renforcer sa présence sur Internet et l’acquisition de Yahoo! lui donnerait des arguments face à des compétiteurs tels que Google (dont le navigateur Chrome concurrence de plus en plus Internet Explorer) ou Facebook dont l’offre de service s’étoffe de manière régulière.
A l’inverse, les intentions des deux fonds relèveraient plus d’une logique financière qu’industrielle. Ils pourraient ainsi décider de revendre les actifs asiatiques de Yahoo!, qui possède aussi 35% de Yahoo! Japan. Un démantèlement qui risquerait alors de remettre en cause l’existence même du portail américain dont la valorisation, rappelle le site français Agence Option Finance, dépend en grande partie de ces mêmes actifs asiatiques. Il faut dire que sans eux, le groupe américain ne vaudrait pas grand-chose, conséquence d’une stratégique chaotique qui lui a fait perdre beaucoup de terrain par rapport à Google et à Facebook. Le limogeage, en septembre dernier, de sa directrice générale Carole Bartz, a montré la gravité de la situation et convaincu nombre d’experts que l’avenir de Yahoo! passe par la case revente à un tiers.
LE CONGRES EN EMBUSCADE
Il reste aussi à savoir si le rachat de Yahoo! par un groupe chinois sera avalisé par les autorités américaines. Nul besoin en la matière de l’existence d’une législation spécifique pour que des congressmen étasuniens fassent barrage à l’opération au nom des exigences de sécurité nationale. On le sait, la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis est des plus vives et voir passer un fleuron de l’industrie Internet américaine aux mains du rival chinois ne sera pas facilement accepté à Washington. En la matière, ce dossier constitue donc un test majeur. Que Yahoo! devienne chinois et ce sera la preuve que la suprématie économique américaine est vraiment battue en brèche.