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FRANCE : LE PERIL BANQUES

par Akram Belkaid, Paris

Les banques françaises vont-elles tenir le coup ? C’est la question récurrente que se posent nombre d’observateurs, à propos de la Société Générale, de BNP Paribas et du Crédit Agricole. En trois mois, ces établissements ont pratiquement perdu la moitié de leur valeur boursière (ce qui en fait des cibles potentielles pour une OPA) et doivent faire face à de multiples rumeurs déstabilisantes. Des manœuvres souvent spéculatives qui obligent leurs dirigeants à sans cesse démentir l’existence de risques de faillite ou de graves difficultés financières. Pour autant, aucun expert ne se risque aujourd’hui à accorder un blanc-seing à ces banques tant leur situation paraît difficile.
Une forte exposition au risque grec
Il y a d’abord le fait qu’elles sont très exposées aux conséquences de la crise de la dette européenne car elles ont acheté beaucoup d’obligations d’Etat grecques, italiennes ou espagnoles. Ces acquisitions se sont faites de manière directe sur les marchés ou bien encore de manière indirecte par le biais de la prise de contrôle de banques locales, elles-mêmes détentrices d’obligations comme c’est le cas du Crédit Agricole en Grèce. Les risques de faillite ou de défaut de ce pays – situation qui occasionnera des pertes aux banques françaises quelle que soit la manière dont Athènes va organiser le non-remboursement d’une partie de ses créances – est une hypothèse retenue par les marchés, ce qui accroît la défiance des investisseurs. On comprendra aisément pourquoi cette incertitude rend difficile le refinancement de ces banques qu’elles s’adressent aux marchés financiers ou au marché interbancaire.
Ensuite, il y a le fait que Société Générale comme BNP Paribas ou Crédit Agricole sont des banques dites universelles, c’est-à-dire qu’elles allient des activités de détail avec celles d’investissement. Du coup, ce qui était un atout, lors de la période faste du crédit facile, c’est-à-dire jusqu’en 2008, paraît désormais être un handicap car leurs fragilités sont jugées nombreuses. Cela concerne notamment l’activité liée aux marchés financiers. Dans une conjoncture baissière, marquée par une déprime générale des grandes Bourses, la banque d’investissement paraît soudainement plus risquée qu’il y a quelques années ce qui pousse nombre d’investisseurs à se détourner des titres bancaires. Et le mécanisme qui s’engage est d’autant plus vicieux que l’affaire Kerviel, du nom de ce trader responsable d’une grosse perte de la Société Générale, est encore dans toutes les mémoires.
Une recapitalisation incertaine
Face à cette situation, les paris sont ouverts quant à une recapitalisation des trois banques par l’Etat français. La presse française évoque une enveloppe de 10 à 30 milliards dont l’existence a été démentie par Paris. C’est que, dans l’affaire, le gouvernement français n’a pas une grosse marge de manœuvre, le problème étant qu’il lui faudra s’endetter pour mobiliser cet argent avec ce que cela comporte pour lui comme risques de perdre sa note de triple A (et de voir le coût de ses emprunts augmenter). De même, il ne semble pas que les banques concernées soient favorables à cette solution. En effet, leur recapitalisation pourrait signifier l’entrée de l’Etat français dans leur capital et donc dans leur Conseil d’administration. C’est du moins ce que réclament nombre de contribuables et d’hommes politiques français et le gouvernement Fillon aura du mal à justifier une aide financière sans contrepartie capitalistique (ce qui fut pourtant le cas lors de la crise de 2008).
Les prochaines semaines vont donc être cruciales. Pour l’heure, les déposants français ne semblent pas inquiets d’autant que le gouvernement rappelle, de manière régulière, qu’il existe des mécanismes de remboursement des particuliers en cas de faillite bancaire. Ce qui n’empêche pas les autorités de faire pression sur les banques pour qu’elles renforcent leurs fonds propres afin de parer à toute éventualité. D’ici le 1er janvier 2013, ces établissements devront ainsi les avoir multiplié par quatre. Reste à savoir si elles auront le temps de le faire…