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Un émissaire de l'ONU à Tripoli en attendant le CNT

par Yazid Alilat

Les nouveaux maîtres de la Libye, au lendemain de la réunion de Paris qui leur a confirmé le soutien des grandes puissances, vont déménager leur gouvernement de Benghazi à Tripoli dans ce qui s'apparente à une réelle prise de pouvoir, six mois après le début de l'insurrection armée contre le régime de Kadhafi. Hier samedi, des membres du Conseil national de transition (CNT) ont annoncé qu'ils vont s'installer prochainement à Tripoli et entamer la phase de reconstruction du pays. A Paris, les insurgés ont recueilli jeudi 15 milliards de dollars des avoirs libyens gelés pour reconstruire le pays et mettre sur pied une nouvelle armée nationale, alors que Mouammar Kadhafi reste toujours introuvable et ses forces continuent de résister dans quelques bastions.

Le rétablissement de la situation a commencé à Tripoli où le CNT a demandé à ses combattants, venus de province et encore présents dans la ville, de rentrer chez eux, assurant que ceux de la capitale étaient désormais en mesure de la protéger, avec l'aide des forces de sécurité et des policiers qui devaient reprendre le travail hier. Le responsable des affaires militaires au sein du CNT, Omar Al-Hariri, a de son côté indiqué que l'armée nationale libyenne était en train d'être reconstruite en tant que principal garant de la sécurité dans le pays. «Nous avons commencé la création d'une nouvelle armée nationale pour protéger la démocratie, les institutions et les civils innocents», a-t-il affirmé. «Nous voulons prouver au monde (...) que nous sommes très capables de reconstruire notre pays», a indiqué un autre responsable Abdel Razaq Moukhtar. Sur le plan politique, le représentant du CNT au Royaume-Uni, Guma al-Gamaty, a évoqué un calendrier pour la transition prévoyant des élections générales dans 20 mois.

La vie reprend progressivement à Tripoli

«Leurs investissements sont encore là et nous respectons les contrats passés», a affirmé le ministre de l'Economie du CNT, Abdallah Shamiyya. Autre signe de normalisation, les banques ont rouvert et aucun tir d'armes n'a été entendu hier matin à Tripoli, où certains barrages ont été démantelés et la circulation a repris avec de nombreux embouteillages. Certains commerces ont rouvert, et les queues s'allongeaient devant les boulangeries. Par ailleurs, un émissaire spécial du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, Ian Martin, est arrivé hier à Tripoli pour s'enquérir des besoins du CNT afin de l'aider à rétablir la stabilité et la sécurité en Libye. La France, la Grande-Bretagne et l'Otan ont affirmé que les opérations militaires internationales se poursuivraient tant que Mouammar Kadhafi représenterait une menace. L'Otan a d'ailleurs annoncé des frappes vendredi contre les environs de Syrte et de Bani Walid, plus au sud, deux des derniers bastions pro-Kadhafi. Hier, quelque 200 véhicules de combat pro-CNT ont avancé en direction de Bani Walid, où pourraient se cacher Mouammar Kadhafi et certains de ses fils.

Chute de Bani Walid ?

Dans l'après-midi de la même journée, des informations ont circulé sur la chute de Bani Walid. «Le conseil militaire de Tripoli vient de m'apprendre, il y a quelques minutes, qu'il est possible que Bani Walid rejoigne les révolutionnaires et qu'elle soit sous leur contrôle», a déclaré Ali Tarhouni, ministre du Pétrole au sein du CNT, lors d'une conférence de presse.    Une source libyenne en contact avec les habitants de cette localité située dans le désert, à 150 km au sud-ouest de la capitale, a fait savoir vendredi que des chefs de tribus locaux souhaitaient négocier pour éviter une confrontation armée. Sans préciser ce qui aurait amené les forces fidèles au CNT à prendre la ville, Ali Tarhouni a ajouté qu'aucun combat n'avait eu lieu à Bani Walid. «En ce qui concerne Kadhafi lui-même, nous savons où il se trouve», a-t-il ajouté. D'autre part, Seïf al Islam Kadhafi se trouverait à proximité de Tripoli où il discute avec des chefs tribaux et prépare une contre-offensive dans la capitale libyenne, a affirmé son porte-parole. « Le conseil de transition et les bandes armées ne contrôlent pas notre pays. Notre armée contrôle encore de nombreuses régions de Libye. Nous serons à même de reprendre Tripoli et bien d'autres villes dans un proche avenir », a assuré Moussa Ibrahim, selon lequel « la lutte est très, très loin d'être terminée ».         

 Sur le front diplomatique, les choses évoluent également vite. La Russie, qui a fini par reconnaître le CNT, a invité les nouveaux dirigeants libyens à discuter à Moscou notamment, des questions d'énergie, a déclaré samedi à Douchanbé, le chef de la diplomatie russe Sergueï         Lavrov. «Ils ont suggéré d'avoir des entretiens. A leur demande, nous avons invité leurs représentants à Moscou. Nous discuterons de tout cela avec eux», a indiqué M. Lavrov. Quant à la Chine, seul membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU à ne pas avoir reconnu officiellement la rébellion libyenne, «respecte le rôle important du CNT en Libye, avec lequel elle est prête à maintenir des contacts étroits, afin de promouvoir des relations sino-libyennes amicales», a affirmé vendredi à Paris, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Zhai Jun, au Premier ministre du CNT, Mahmoud Jibril.