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Combats dans la capitale libyenne: La bataille de Tripoli a commencé

par Yazid Alilat

La rébellion libyenne a porté au cours des dernières vingt-quatre heures les combats jusque dans la capitale, et des accrochages violents se sont déroulés dans plusieurs quartiers de Tripoli dans la nuit de samedi à dimanche.

Selon le commandement de la rébellion, basé à Benghazi, seconde ville du pays, l'opération ?'SIRÈNE» a été lancée pour chasser Kahdafi de son fief à Tripoli. Depuis samedi soir, des combats font rage à Tripoli entre rebelles et forces loyales à Mouammar Kadhafi. Selon Ahmed Jibril, porte-parole du Conseil national de transition (CNT), il s'agit là des prémices d'une offensive visant à faire tomber le colonel Kadhafi, après six mois de guerre dans le pays. «L'»Opération sirène» se déroule en coordination entre le CNT et les combattants rebelles dans et autour de Tripoli. L'OTAN est également impliquée dans l'opération», a précisé M. Jibril. «Nous estimons que cette opération devrait durer encore plusieurs jours jusqu'à ce que Kadhafi soit assiégé», a-t-il expliqué. «Nous prévoyons deux scénarios : qu'il se rende, ou qu'il s'échappe de la ville. Au cas où il exprime son souhait de quitter la Libye, nous accueillerons positivement cette proposition''.

«Soulèvement» à Tripoli

Pour la première fois depuis le début du conflit en Libye, des foules d'opposants au dirigeant Mouammar Kadhafi ont manifesté dans les rues de la capitale Tripoli tard dans la soirée de samedi, où des coups de feu pouvaient être entendus à partir d'emplacements multiples, selon des témoignages d'habitants. Des affrontements entre des insurgés et les pro-Kadhafi ont été signalés par des habitants en début de soirée dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment dans la banlieue Est, où des cris d'Allah Akbar étaient diffusés par les haut-parleurs des mosquées. Peu après 04h00, quatre puissantes explosions ont secoué la ville, survolée par des avions. L'Otan bombarde quasi-quotidiennement des objectifs à Tripoli. Le porte-parole du gouvernement, Moussa Ibrahim, a simplement confirmé des «petits affrontements» avec de petits groupes dans des quartiers comme Tajoura, Soug Jomaa ou Ben Achour. Selon lui, les forces loyalistes sont venues à bout des insurgés et les affrontements n'ont duré qu'une demi-heure. «La situation est désormais sous contrôle», a-t-il affirmé dans des déclarations diffusées par la télévision officielle. Toutefois, des tirs nourris et des explosions retentissaient toujours dans la capitale vers 0430. Un porte-parole local de la rébellion a affirmé à l'AFP que des rebelles libyens, venus par la mer de l'enclave côtière de Misrata ont infiltré la capitale et participent aux combats qui s'y déroulent actuellement. «Des éléments avancés des rebelles de Misrata ont atteint Tripoli ce matin par la mer», a indiqué Abdoullah Melitan, du Centre des médias du conseil militaire de Misrata. «Ils ont rejoint les rebelles sur place et combattent actuellement à leurs côtés», a affirmé M. Melitan, dont les déclarations n'ont pas été confirmées de source indépendante. «Ils sont au nombre d'environ 200 combattants, ils ont été déployés dans la zone Souk Jomaa où ils ont fait la jonction avec des rebelles sur place», a précisé cette source. «Nous allons leur envoyer des renforts» depuis Misrata, a ajouté le porte-parole.

A Sabratah, à 50 km à l'ouest de Tripoli, la population, massée autour des téléviseurs, manifestait sa joie dans les rues, jugeant que la fin du régime était proche. A Benghazi, «capitale» des rebelles dans l'est de la Libye, des milliers de personnes en liesse se sont rassemblées samedi soir pour soutenir le «soulèvement» à Tripoli. «Au revoir Kadhafi!», «Dieu est grand!» scandaient les manifestants. Plus tôt samedi, le chef de la rébellion, Moustapha Abdeljalil, avait affirmé que la fin du colonel Kadhafi était «très proche». «Nous avons des contacts avec le premier cercle du colonel Kadhafi (...), tout montre que la fin est très proche», a déclaré M. Abdeljalil, lors d'une conférence de presse à Benghazi. «Je m'attends à une fin catastrophique pour lui et les siens. Je m'attends aussi à ce qu'il crée une situation d'anarchie dans Tripoli. J'espère que je me trompe», a-t-il ajouté. Par ailleurs, les combattants de la rébellion ont été repoussés de la ville pétrolière de Brega. Après avoir annoncé s'être emparés vendredi de l'ensemble de la ville, les rebelles ont reconnu avoir été repoussés de la zone pétrolière par des tirs d'artillerie. Vendredi, la rébellion avait annoncé avoir pris Zliten et Zawiyah. Des correspondants de presse sur place ont confirmé les progrès à Zawiyah, à 40 km à l'ouest de Tripoli, mais il n'a pas été possible d'obtenir d'information indépendante sur Zliten. A Zawiyah, la ville est «libérée», ont déclaré d'autres rebelles tout en prenant possession de l'hôpital, dernier grand bâtiment tenu par les pro-Kadhafi.

Kadhafi : mettre fin à «la mascarade»

Evoquant l'offensive rebelle, le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim affirme pour sa part que les volontaires et les forces libyennes sont venus à bout des insurgés qui s'étaient ?'infiltrés'' dans la capitale. Le ?'Guide'' est également intervenu dans un message sonore diffusé à la télévision pour se féliciter de l'échec de l'attaque des insurgés. «Ces rats (...) ont été attaqués par la population cette nuit et nous les avons éliminés», a-t-il déclaré. Quant aux frappes aériennes opérées par l'OTAN, il a estimé que «le bruit des feux d'artifice est plus fort que celui des bombes lancées par l'aviation». Il faut mettre fin à cette mascarade. Vous devez marcher par millions pour libérer les villes détruites» par la rébellion, a encore dit le Colonel à ses troupes. Auparavant, la télévision libyenne avait diffusé des images de la place verte de Tripoli, où étaient rassemblés des dizaines de personnes brandissant le drapeau vert libyen et des photos du colonel Kadhafi. D'autre part, les défections continuent dans les rangs du régime. Dans une déclaration diffusée hier dimanche par la chaîne Al-Jazira, l'ancien numéro deux du régime libyen Abdessalem Jalloud a appelé la tribu du colonel Mouammar Kadhafi à le renier. ?'Reniez ce tyran car il va partir et vous aurez à supporter son héritage'' a-t-il déclaré à l'adresse de la tribu des Guedadfa avant d'appeler les habitants de Tripoli à se joindre à la rébellion. Abdessalem Jalloud, ancien proche compagnon du colonel Kadhafi tombé en disgrâce au milieu des années 1990, est arrivé avec sa famille en Tunisie dans la nuit de vendredi à samedi avant de la quitter pour l'Italie, selon des sources officielles tunisiennes. Enfin, la Libye a invité le secrétaire général de l'Onu Ban Ki Moon à former une commission de haut niveau pour trouver une issue à la guerre civile et enquêter sur d'éventuelles atteintes au droit international de la part de l'Otan, indique l'agence de presse libyenne Jana. Le Premier ministre libyen a eu un entretien téléphonique à ce sujet avec Ban Ki-moon, qui lui a promis d'étudier sa requête, précise-t-elle.