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Le chant révolutionnaire et la valse des empereurs

par Kamal Guerroua

Suite et fin

La réponse ne pourrait se nicher, semble-t-il, que dans cette autre triste image du Rais égyptien, couché sur une civière, à l'article de la mort et à l'intérieur d'une cage de coupables. Inénarrable parcours d'un usurpateur des consciences, livré en direct à la vindicte populaire et accusé du meurtre prémédité de son peuple (plus de 800 morts à la place Al-Tahrir). Que veulent donc les leaders arabes? La honte, la mort, et le mépris ou les grandeurs, la dignité et le prestige? Loin s'en faut, la donne actuelle nous renseigne amplement sur le parodie de l'histoire. Allié stratégique indéfectible et de longue date des américains et ami apprivoisé de la puissance sioniste, Moubarak a mis son pays en coupe réglée et opté pour une normalisation forcée mais consentie avec lui en s'auto-instituant empereur pharaonique à part entière sur des populations ravagées par la précarisation sociale lorsque le destin l'a rattrapé et acculé à la résignation face à la déferlante revendicative du Caire «Quand le peuple aspire à la vie, le destin devrait y répondre» résonnent les premiers strophes de l'hymne national tunisien, en voici le secret de la réussite du printemps des peuples. De son côté, le tyran Khadhafi, constitue un motif de préoccupation régionale. S'étant senti visé par les américains, il a joué comme un saltimbanque depuis le début des années 2000 sur la corde sensible de la conciliation alors qu'il a instauré les conditions spartiates pour le verrouillage de toute la société libyenne. Aujourd'hui, il est en agonie car d'une part, les insurgés ont mis main basse sur les villes stratégiques de Zawiyah, Sorman et Gharyane, distantes à moins de 100 kilomètres de Tripoli. D'autre part, son proche collaborateur «Nasr Mabrouk», ancien ministre de l'Intérieur a fait défection alors que les pourparlers pour une probable issue politique de la crise ont commencé à la ville tunisienne Djerba.

 Il est certain que les despotes prennent souvent garde à ce que leur image soit ennoblie à l'extérieur de leurs frontières. Néanmoins, l'exigence de démocratisation en a décidé autrement et les stratégies despotiques sont mises à nu par cette spirale vertigineuse de l'insurrection qui a donné du relief aux ambitions citoyennes. Le carnage de la ville de «Hama» en Syrie et la répression féroce de la ville de «Benghazi» a donné le là à un enracinement de la culture de la haine dans l'esprit des populations. Pour preuve, le président yéménite a décidé de s'installer définitivement à «Djedda» de peur de se voir accorder sur un plateau de poison le même destin que son compère Moubarak. Apparemment, la discordance des temps est devenue concordance des espaces: Djedda s'est transformée en un asile par excellence des corrompus du monde arabe «...et ces dictateurs qui naguère étaient juchés là-haut sur des fauteuils confortables sont aimantés vers le bas, vers le sol, vers la déchéance, vers la crasse et la puanteur, ce qui va leur permettre de voir le visage du petit peuple, un visage meurtri, non par la faim ou par le manque, non par la maladie ou par l'usure naturelle, mais par le mépris et l'injustice»(3). C'est pourquoi, il est, de nos jours, plus légitime de dire que ni la théorie du complot dont a parlé, il y quelque temps, «Thierry Meyssan», dans son ouvrage «l'effroyable imposture», ni cette étrange idée de manipulation occidentale ne tiennent vraiment la route dans ce qui se passe à l'heure présente dans le monde arabe. Cependant, une seule chose est certaine: les masses populaires n'ont plus besoin de la valse des nouveaux empereurs ni de leur forfanterie mais de la constance des vrais constructeurs. Un message qui, s'il ne vient pas à être décrypté à temps risquerait de provoquer un hiver...mondial !!!

Note : (3)Voir l'excellent article de Bouchetta Essette, On naît pas dictateur, on le devient in www. divergences. Net