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LE FMI APRES DSK

par Akram Belkaid, Paris

L’affaire Dominique Strauss-Kahn ne concerne pas uniquement l’avenir de l’homme politique français ou le résultat des primaires socialistes ou bien encore l’élection présidentielle hexagonale de 2012. Dès l’annonce de l’inculpation de DSK, diverses stratégies se sont mises en branle pour anticiper l’inéluctable démission, forcée ou non, de celui qui était le Directeur général du Fonds monétaire international (FMI) depuis 2007. D’ores et déjà, l’institution financière a annoncé que John Lipsky, nommé Premier directeur général adjoint en 2006, assurerait l’intérim. Notons au passage que le FMI n’a guère semblé s’émouvoir de ce qui arrivait à son Directeur général, se contentant d’un service minimum en matière de communication.

La question de la succession est posée

Concernant l’avenir, John Lipsky ne peut être le successeur de Strauss-Kahn. D’une part, parce qu’il a annoncé il y a quelques jours sa décision de quitter le FMI au moins d’août prochain et, d’autre part, parce ce que ce banquier de profession - il a notamment travaillé chez JPMorgan -, n’a pas l’envergure politique pour cela. Dès lors, un bras de fer va certainement s’engager entre l’Europe et les Etats-Unis pour la désignation du successeur de DSK. Rappelons que, traditionnellement, la direction du FMI est toujours revenue à un Européen tandis que celle de la Banque mondiale a toujours été attribuée à un Etasunien. Mais ce partage des rôles est remis en cause par les pays émergents qui estiment que la mainmise des Etats-Unis et de l’Europe sur les institutions internationales n’a plus aucune raison d’exister.
Intervenant quelques heures à peine après l’arrestation de DSK, le ministre des Finances Belge Didier Reynders a tout de même estimé que l’Europe devait continuer à diriger le FMI et de préférence « pour un mandat complet ». Il n’est pas sûr que la Chine, le Brésil, l’Inde et même le Japon l’entendent de cette façon. Quant aux Etats-Unis, ils préféraient que la direction du Fonds aille à un représentant des pays émergents, ce qui donnerait satisfaction à ces derniers tout en les dissuadant de revendiquer la tête de la Banque mondiale, poste actuellement occupé par Robert Zoelick.
Dans une conjoncture internationale marquée par la gravité de la crise de l’endettement sur le vieux-continent, il est évident que la nomination d’un patron non-européen à la tête du FMI pourrait avoir de graves conséquences pour l’Europe. Jusqu’à présent, DSK a pesé de toutes ses forces pour que l’institution soit présente auprès de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande. Certes, on voit mal un successeur non-européen négliger ces dossiers épineux mais il pourrait faire preuve de plus de fermeté là où Strauss-Kahn était plutôt enclin à arrondir les angles.
De même, le futur Directeur général du FMI devra aussi poursuivre la modernisation de l’institution ainsi que la réduction de ses effectifs, chantier qui a valu à DSK l’hostilité de nombre de fonctionnaires. Enfin, la question des droits de vote au sein du Fonds fait partie de ces dossiers délicats qui divisent Etats-Unis et Européens d’un côté et pays émergents de l’autre. Là aussi, Chine, Inde et Brésil estiment que leurs droits de vote ne reflètent pas leur puissance économique retrouvée.

Une réforme à mener

En 2006, nombre d’observateurs se demandaient à quoi pouvait bien encore servir le FMI, ce dernier étant souvent comparé à « une banque sans clients ». En effet, exceptions faites de trois ou quatre pays dont la Turquie et la République du Congo, le Fonds n’était engagé dans aucun grand dossier. La crise de 2008 - qu’il n’avait pas vu venir-lui a redonné une nouvelle raison d’exister. A ce jour, une trentaine de pays ont fait appel au FMI et cela devrait persister encore durant les prochaines années. Pour autant, cela ne règle pas le problème de son utilité à long terme. L’institution internationale devra donc se réformer tôt ou tard et redéfinir ses missions dans un monde de plus en plus globalisé. Une chose paraît toutefois certaine, cela se fera sans Dominique Strauss-Kahn.