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LA GRECE N’EST PAS TIREE D’AFFAIRE

par Akram Belkaid, Paris

La crise financière qui a débuté en 2008 est loin d’être terminée, comme le prouvent les difficultés budgétaires auxquelles continuent d’être confrontés la Grèce et, à un degré moindre, l’Irlande et le Portugal. Lundi 9 mai, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a abaissé de deux crans la note à long terme de la Grèce de « BB » à « B ». Concrètement, cela signifie que ce pays fait désormais partie, selon S&P, des emprunteurs peu fiables et susceptibles de ne pas tenir leurs engagements. A titre d’exemple, l’Argentine et le Liban sont aussi notés « B » par l’agence de notation qui a précisé qu’elle maintenait la note grecque sous surveillance négative (ce qui signifie qu’une autre dégradation est possible à court terme).
Le plan de sauvetage a échoué
Cette dégradation de la note souveraine grecque par S&P n’est pas une surprise. En effet, plus personne ne nie que le plan de sauvetage de 110 milliards d’euros consentis par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) est d’ores et déjà un échec puisqu’il ne permettra pas à la Grèce de sortir la tête de l’eau. Son économie plongée dans la récession, quasiment interdit d’emprunt sur les marchés obligataires (ou alors à des taux frôlant l’usure), ce pays est confronté à une dette de 350 milliards de dollars, soit l’équivalent d’une fois et demi son PIB. Et le constat est simple : Athènes n’a pas les moyens de rembourser ses dettes et de couvrir ses besoins de financement après 2012.
C’est cette situation qui a poussé six ministres des Finances de la zone euro à tenir une réunion d’urgence vendredi 6 mai. Cette rencontre secrète dont les médias ont finalement eu vent a examiné la perspective d’une nouvelle aide européenne à la Grèce d’ici la fin de l’année. Le montant de cette nouvelle rallonge n’a pas été confirmé officiellement mais il atteindrait 30 milliards d’euros. De quoi aider la Grèce à surmonter ses difficultés de financement en 2012 mais sans pour autant la tirer complètement d’affaire. Malgré les plans d’austérité mis en place depuis l’année dernière, le gouvernement grec a du mal à faire entrer de l’argent dans les caisses et s’avère impuissant à juguler la fraude fiscale qui lui fait perdre une bonne partie de ses recettes.
Du coup, les marchés demeurent convaincus qu’Athènes va tôt ou tard demander la restructuration de sa dette (ce qui explique la dégradation de sa note par S&P). Dans les faits, cette restructuration peut se traduire par une décote sur le capital, par un allongement de la durée de remboursement ou bien encore par une modification des taux d’intérêts exigés. A l’heure actuelle, toute la question est de savoir qui en sera pour ses frais. Les Etats européens qui détiennent de la dette grecque ? Les banques à qui l’on doit la crise de 2008 mais qui ont gagné beaucoup d’argent en prêtant à la Grèce à des taux élevés ? Les contribuables européens à qui l’on va demander un effort fiscal supplémentaire pour porter secours aux finances grecques ? Rien n’est encore tranché mais une chose est sûre, la Grèce a un besoin urgent d’argent.
La sortie de la zone euro toujours dans les têtes
Reste une autre hypothèse que les marchés n’ont jamais écartée. Il s’agit de la sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro. Pour l’heure, les six ministres des Finances qui se sont réunis à Luxembourg ont vigoureusement écarté ce scénario, estimant qu’il serait préjudiciable à la zone euro tout entière. Il est vrai qu’une telle éventualité déclencherait une attaque spéculative contre la devise européenne et mettrait l’Irlande et le Portugal sous pression. A cela s’ajouterait une panique bancaire car la sortie de la zone euro mettrait à mal les banques grecques, lesquelles doivent beaucoup d’argent à leurs homologues européennes. Pour autant, rien n’est encore réglé et la Grèce va devoir continuer à convaincre qu’elle n’en arrivera pas à ces deux extrémités : un défaut brutal sur sa dette et une sortie de la zone euro.