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La Douane accède à la recherche scientifique

par El Yazid Dib

Cicéron avait dit un jour en riposte à un acte gestuel et banal exécuté par un agent des douanes : « Depuis quand les douaniers fouillent non seulement les princes étrangers mais encore les généraux romains ? ». Éberlué, le serviteur aux frontières de l'époque laissait faire le prince étranger, laissait passer le général? Depuis ce temps, beaucoup de temps et d'encre ont coulé.

L'acte de fouiller un cabas ou un container va devenir dorénavant un acte scientifique. Le Droit douanier régalien dans son emprise va aussi se soumettre aux dures et fines épreuves des laboratoires scientifiques. Ainsi, une convention d'aide et d'assistance vient d'être cosignée par la Direction générale des Douanes et le Centre de recherche de l'économie appliquée et développement (CREAD). Le but étant de rendre « la connaissance comme un catalyseur de l'excellence douanière ». Ce défi est un signe synoptique d'actions lancées par l'Organisation mondiale des douanes (OMD) à Bruxelles. L'Algérie, voulant renforcer les capacités de son management, reçut en toute netteté ce message international. Ainsi, cette corporation d'essence fiscale ira creuser dans les manuels, autres que ceux utilisés jusqu'ici, toute la substantialité qui devait régénérer son moteur. Les douaniers sont à présent appelés à faire outre la recherche de la fraude, la recherche scientifique. Il existe au travers des projections qui se sont déroulées, un bon panel de chercheurs douaniers. Le paradoxe viendrait cependant de cette sentence proférée, ailleurs et dans d'autres circonstances, par un professeur dont on tairait le nom de par ses fonctions prospectives et statistiques, affirmant à ce propos thématique : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche ».

L'université ira ainsi, en vertu de cette convention, explorer un peu les dépôts, magasins et aires temporaires mis sous surveillance douanière. Elle aura, au moyen d'outils purement scientifiques, à ausculter, examiner, sous tous les régimes douaniers, le cheminement d'une déclaration ou le chemin menant à l'enlèvement des marchandises. Elle aura la latitude de mettre sous un endoscope à fibre de verre, typiquement optique ou oculaire, tout le circuit qu'emprunte un bateau, une cargaison ou un aéronef. Elle devrait, pour l'humanité, regarder un peu, moins académiquement peut-être, du côté de la garderie. Enfin, vers ceux qui sont censés produire l'effet scientifique à l'acte séculaire pratiqué par des générations de gabelous, de gapiâns, de fermiers généraux, de travailleurs sgt, de fonctionnaires et ce, depuis Saint Mathieu, lequel officiait en qualité de percepteur douanier à Capharnaüm.

 La Direction Générale des Douanes a donc signé, le 21 mars 2011, un accord de coopération scientifique avec le Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD), mettant ainsi à profit l'opportunité qu'offrait l'organisation d'un séminaire Douane ? CREAD. «La connaissance, catalyseur de l'excellence douanière », est l'intitulé du thème choisi par l'Organisation Mondiale des Douanes pour l'année 2011 en commémoration de la Journée Internationale des Douanes (26 janvier). Cette convention s'inscrit droitement dans le cadre des objectifs visés par la nouvelle stratégie d'appui à la modernisation douanière (2011/2015) et la mise en œuvre des programmes nationaux de recherche (P.N.R) consacrés par le programme de développement quinquennal 2010/2014. La coopération scientifique entre les deux institutions porte sur la recherche, la veille informationnelle, notamment l'évolution de l'intelligence économique, la formation et l'organisation de manifestations scientifiques. L'apport mutuel est d'une grande importance.

 Les deux parties ont prévu par conséquent de lancer toute une multitude de projets : allant de la méthodologie d'échange et de réflexion, la mise en place du Centre Douanier de Recherche et de Documentation jusqu'à la création d'un master douane ? logistique avec une reconnaissance internationale de l'Organisation Mondiale des Douanes.

 Dans son effort de modernisation, l'Administration des Douanes, qui place l'entreprise et le consommateur au cœur de sa stratégie, prévoit, dans ce partenariat scientifique, un projet de recherche (PNR) sur la relation Douane ? usagers et les conditions d'amélioration de la qualité de service.

A cet effet, le groupe de travail composé de cadres des Douanes et de chercheurs du CREAD a été mis en place pour identifier les besoins des usagers et consacrer le droit à l'information comme objectif principal de la politique de communication initiée par la Direction Générale des Douanes. Ce déficit étant déjà comblé par la mise en place d'une direction centrale chargée des relations publiques et de l'information lors du dernier remaniement organique de la direction générale.

Il y a lieu de signaler que cette institution a entamé, dans le cadre de son programme de modernisation 2007 ? 2010, une vaste opération de mise à niveau en matière de formation. La formation initiale est passée de 500 à 1600 nouveaux candidats par année et 10 183 agents en exercice ont bénéficié de formation de mise à niveau entre 2007 et 2010 pour un budget de 60 millions de dinars. En matière d'infrastructures de formation, l'Administration des Douanes dispose actuellement de sept (07) écoles et deux autres écoles en projet implantées à Blida et Batna.

 La Direction Générale des Douanes projette de passer à la formation d'élites. Objectif auquel le ministère de l'Enseignement supérieur et ses différents instituts et écoles de recherche ont positivement contribué. En effet, la Direction Générale des Douanes compte 73 douaniers inscrits en post-graduation (magistère et doctorat) dont 21 doctorants en phase de finalisation et 10 potentiellement inscrits en thèse de doctorat. La collaboration entre la Direction Générale des Douanes et le CREAD intervient en soutien au programme de modernisation 2011-2015 qui vient en appui aux réalisations obtenues lors du premier programme de modernisation 2007-2010.

L'année 2010 aurait été, en finalité pour les douanes algériennes, une étape de pré-évaluation de tout un programme. Initié sur un quinquennat, ce programme venait répondre en profondeur à des exigences incontournables. Les alternatives que devait subir le secteur rendaient les situations fortement complexes. L'urgence suppléait le temps imparti. La didactique, l'approche managériale, le cadre concertationnel et la conviction de tout un chacun laissaient choir le dilemme et l'équivoque. Les mesures ainsi prises défiaient les objectifs et se discernaient déjà vers un horizon radieux et rassurant.

Aujourd'hui, dans un contexte de globalisation où les systèmes économiques mondiaux connaissent des changements importants, les Douanes algériennes doivent, plus que jamais, se hisser au niveau des grandes institutions. Le programme de modernisation entrepris par les responsables de l'administration, qui passe nécessairement par une formation de qualité au niveau des différentes écoles, et une adaptation des structures et des moyens aux missions dévolues, ne peut à lui seul répondre aux exigences de l'évolution environnementale. Il s'agit, en fait, dans ce contexte, et il est primordial de le signaler, d'accorder une importance capitale à l'élément humain, non seulement par sa formation qui demeure indispensable, mais aussi par la mise à sa disposition de moyens matériels pédagogiques modernes et sophistiqués. Les écoles des douanes, du moins certaines d?entre elles, à leur apparence, sont toujours dans un état quasi pauvre. Une autorisation de programme spécial-école, nous disent les gestionnaires, est plus que nécessaire. Elle permettra d'apporter une nette mise à niveau infrastructurelle, de maintien, de fonctionnement et de bon suivi. Les écoles ont besoin d'un lifting, de matériel didactique et d'une bonne attention directoriale.

Monsieur Z.H., enseignant permanent à l'école de Batna, nous confie en aparté: « Toute l'approche moderniste engagée reste tributaire, pour l'agent, à son élévation à un très haut niveau d'éthique et de moralité, et une prise en charge socioprofessionnelle énergique et suffisante qui le mettra à l'abri des tentations qui l'entourent. » Les nouveaux statuts en voie d'application auront-ils à réaliser cet espoir tant escompté ? L'avenir nous le dira.

 L'importance d'une œuvre ne se confine pas uniquement dans son échéance, mais bel et bien dans l'étendue et la pérennisation de son effet. Maintenant que l'entreprise est au cœur du l'univers, tel que rappelé plus haut, le métier au cœur du professionnalisme, l'homme au cœur de la préoccupation, l'administration des Douanes se doit de se consigner dans une obligation sans réserve, d'aller vers un esprit d'ouverture, de transparence, d'assistance et d'accompagnement. La rentabilité par ce critère entrepreneurial est la seule condition de performance, tant de l'institution, de l'usager, du professionnel que celle de tout opérateur.

Les années à venir, selon les responsables douaniers, seraient dédiées à entériner les résultats, conforter l'impact positif et apporter les substances correctives qui s'imposent face à un monde en mouvement permanent. Une projection d'avenir donc, pour un plan d'affermissement et d'appui, se propulse davantage dans une trajectoire paisible et de qualité. L'horizon 2015 est une autre échéance d'un lendemain tout proche.

Les sommations implicites pour une normalisation et universalisation de gestion et de conduite seront toujours là. D'autant que la Douane ne peut plus agir seule, étant membre de l'Organisation mondiale des douanes. Le secrétaire général de cette organisation préconisait, à juste titre, à propos de « l'universalité », qu'il est impératif pour les administrations membres « d'exploiter au maximum la connaissance et son pouvoir qui allait permettre d'agir de manière visionnaire, pertinente et indispensable » et de continuer : « C'est cette connaissance qui doit devenir un catalyseur de l'excellence douanière ». Des pas sont franchis, il en reste beaucoup. L'avenir demeure aléatoirement complexe pour cette institution républicaine, infiniment mise en face de défis continuels.

Ainsi Cicéron, l'élu de Marsala, front dégarni, œil vif, accorda la plénitude des circonstances atténuantes au gabelou lui faisant face, quand il le vit lui faire scanner son attirail. Il se tut et perdit tout son don oratoire. Là, le questeur, l'édile, le préteur, le proconsul sut que les Douanes allaient, deux mille ans après, accéder à la recherche scientifique.