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Google, Facebook et la Bourse

par Akram Belkaid, Paris

Le vendredi 15 avril, l’action Google a reculé de 8,26% à 530,7 dollars sur le Nasdaq, la Bourse électronique américain où sont cotées la majorité des valeurs technologiques (Microsoft, Apple…). Cette chute est un bon exemple du caractère irrationnel des marchés boursiers ou, du moins, de leur incapacité à voir autre chose que le court terme. Cela montre à quel point les définitions de base sont à revoir comme celle qui prétend que les marchés d’actions reflètent l’avenir en anticipant l’évolution de l’économie réelle. En réalité, rien ne compte plus que l’immédiateté.
 

Des dépenses dictées par la concurrence de Facebook
 

Que s’est-il passé pour que le titre Google soit ainsi puni ? Comme il se doit pour chaque entreprise cotée en Bourse, l’entreprise américaine a présenté ses résultats du premier trimestre 2011. A priori, que du bon. Le chiffre d’affaires a augmenté de 27% à 8,57 milliards de dollars par rapport à la même période en 2010. De même, le résultat net trimestriel, ce que l’on appelle communément le bénéfice, a atteint 2,3 milliards de dollars. En ces temps de crise, on connaît beaucoup d’entreprises qui seraient heureuses d’annoncer de tels résultats. Notons au passage que le béotien qui utilise Google comme moteur de recherche ou comme service de courrier électronique sera étonné par de tels chiffres qui démontrent la vigueur d’une activité (notamment la publicité et le service aux entreprises) qui n’a rien de virtuel.

Mais pourquoi donc le marché a-t-il réagi aussi négativement ? La réponse est simple. Les investisseurs n’ont pas aimé trois choses. D’abord, les investissements en recherche et développement (R&D) sont passés de 818 millions de dollars au premier trimestre 2010 à 1,23 milliard de dollars pour les trois premiers mois de cette année ; ensuite, la firme américaine a consenti 10% d’augmentation à tous ses employés à partir de janvier ; enfin, les effectifs ont augmenté de 8% par rapport à 2010 puisque 2.000 employés ont été recrutés, ce qui porte leur total à plus de 26.000 (on est loin de l’image modeste de la start-up). Le marché n’a donc pas aimé ces dépenses qui, mécaniquement, réduisent les bénéfices et donc la part accordée aux actionnaires sous forme de dividendes.

Le problème dans l’affaire, c’est que le marché semble avoir oublié cette règle majeure qui veut que les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain. Si Google investit autant dans la R&D, c’est parce qu’il lui faut constamment innover et proposer de nouveaux services à ses clients. Plus important encore, il lui faut contrer la concurrence montante de Twitter mais surtout de Facebook dont l’essor attire de nombreux talents y compris parmi les employés de Google. Ceci explique la hausse des salaires et les nouveaux recrutements. Il faut aussi ajouter à cela l’augmentation du budget consacré aux dépenses marketing dans les pays émergents où, là aussi, Google doit affronter la rude concurrence du réseau social Facebook.
 

Le pari de l’innovation
 

Personne ne sait comment va évoluer la compétition entre les deux géants américains. Le lancement probable d’un service de messagerie par Facebook risque de faire beaucoup de mal à Google et c’est ce que retient peut-être le marché. Mais un élément mérite d’être mis en avant. Une entreprise qui dépense 1,23 milliard de dollars en recherche et développement (pour une période de trois mois) prouve qu’elle parie sur l’avenir. Et c’est la grande force de l’économie américaine que de continuer à chercher à innover à l’heure où la crise financière mondiale n’est toujours pas terminée.