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Chine, Algérie et ploutocratie

par Akram Belkaid, Paris

Cela ne surprendra pas grand-monde. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement chinois met tout en œuvre pour limiter l’impact des révolutions arabes sur son opinion publique. Sur Internet, la censure fait son œuvre tandis que les médias officiels insistent sur le chaos libyen pour prouver le caractère dangereux des révoltes populaires. Ainsi, la Chine cherche plus que jamais à faire figure de contre-exemple, voire de contre-modèle démocratique, ce dernier continuant d’inspirer de nombreux dirigeants de pays du Sud qui refusent toute ouverture politique.

La Chine: un modèle peu égalé

Cela vaut pour l’Algérie. Il existe d’ailleurs de nombreux points communs entre ce pays et l’Empire du milieu. Dans les deux cas, le discours officiel est pétri d’autosatisfaction et rejette la moindre critique, fût-elle constructive. Mais attention aux comparaisons hâtives ! Si l’on prend le cas chinois, on doit admettre qu’il y a de quoi être impressionné. Le bilan du XIe plan quinquennal (2006-2010) est édifiant : une croissance moyenne de 11,2% par an, près de 60 millions d’emplois urbains créés et autant de Chinois qui sont sortis de la pauvreté.

A cela s’ajoutent des percées notables dans le secteur de l’aéronautique, de l’aérospatiale et des énergies renouvelables. N’oublions pas non plus l’explosion des réserves de change qui s’approchent tranquillement des 3.000 milliards de dollars !

Côté algérien, on ne peut absolument pas accorder pareil satisfecit. Certes, la croissance reste supérieure à 3% tandis que les réserves de change atteignent des niveaux record. Mais on est bien en peine d’avancer la moindre information positive sur les créations d’emplois ou sur le développement industriel du pays. Contrairement à ses voisins marocain et tunisien qui ont réussi à capter des niches de sous-traitance dans des secteurs de pointe (électronique, automobile, aéronautique et technologies de l’information), l’industrie algérienne est toujours dans l’attente d’un plan stratégique de modernisation et de relance.

Tout cela pour dire que la comparaison Chine - Algérie n’est pertinente que sur le plan du verrouillage politique mais certainement pas sur le plan économique. Et pour en être convaincu, il suffit de se référer aux ambitions du XIIe plan quinquennal chinois (2011-2015), où Pékin veut arriver à atteindre « une société moyennement prospère » par le développement de l’éducation, la montée en gamme industrielle, l’innovation et la création de marques chinoises (terme préféré à celui de champions nationaux). Autant d’objectifs que l’Algérie ne semble guère capable d’atteindre faute de vision claire et de politique économique digne de ce nom.

Corruption et ploutocratie

Mais avec le verrouillage politique, il y a une autre ressemblance entre la Chine et l’Algérie. Il s’agit de l’explosion de la corruption, laquelle - on ne le répétera jamais assez - n’est que la conséquence de systèmes judiciaires aux ordres et d’absence de liberté d’expression. Une statistique en dit long sur le sujet. En Chine, les 70 membres les plus riches de l’Assemblée nationale populaire représentent un patrimoine total de 75 milliards de dollars.

Un record mondial. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, un pays régulièrement critiqué pour le poids de l’argent dans la vie politique, les 70 membres les plus riches du Congrès cumulent des avoirs d’un montant « d’à peine » 5 milliards de dollars. A l’heure où des chiffres invérifiables circulent en Algérie et sur Internet à propos des fortunes du personnel politique, on réalise que le modèle chinois ne s’exporte finalement que via deux axes particuliers : l’absence de libertés politiques et l’évolution vers une ploutocratie qui ne dit pas encore son nom…