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Le cas portugais

par Akram Belkaid, Paris

Bien qu’éclipsée par les révolutions arabes et la guerre en Libye, la crise de la dette souveraine en Europe est loin de s’être estompée. Après avoir vu sa note dégradée de trois crans par l’agence de notation Moody’s, le Portugal n’est pas assuré de pouvoir faire face à ses prochains engagements et risque donc de faire appel au Fonds monétaire international (FMI). Ce qui est en train de se passer dans ce pays, pourtant membre de l’Union européenne (UE), a valeur d’exemple. En suivant ses déconvenues répétées, on peut schématiser le cercle vicieux qui mène de la difficulté budgétaire à l’obligation de se soumettre à un plan d’ajustement structurel. 

Cercle vicieux de l’endettement 

Voilà plusieurs mois que le Portugal est coché sur la liste des maillons faibles de l’Europe. On connaît désormais cet acronyme, quelque peu humiliant, qui désigne les pays susceptibles de faire défaut sur leur dette souveraine. Il s’agit des PIGS (cochons en anglais) : Portugal, Irlande, Grèce et Espagne (Spain) auxquels on peut ajouter l’Islande (qui n’est pas membre de l’UE mais candidate à l’adhésion). Comme ses pairs, le Portugal s’est retrouvé obligé d’emprunter pour sauver ses banques et son économie. Le ralentissement de la croissance, la baisse des revenus fiscaux et le caractère incompressible de certaines dépenses budgétaires ont réduit ses marges de manœuvre financières depuis 2009.

Pour faire face à ses échéances de remboursements, le Portugal, comme d’autres pays européens, se retrouve obligé d’emprunter toujours plus sur les marchés financiers. Qui sont les prêteurs ? On trouve de tout. Des fonds souverains, des Banques centrales de pays à la santé financière plus florissante, d’autres pays européens, des assureurs, des investisseurs institutionnels, des gérants de fonds et même, parfois, des particuliers qui agissent via des structures dédiées. Le problème, c’est que ces emprunts sont conditionnés à la notation du Portugal. Que cette dernière soit dégradée, et les taux d’intérêts augmentent. Exemple : le 2 mars dernier, le Portugal emprunte 1 milliard d’euros à un an avec un taux de 4,057 %. Quinze jours plus tard et après la dégradation de sa note par Moody’s, Lisbonne doit emprunter à 4,331% dans un contexte où les prêteurs ne se bousculent pas au portillon. La différence peut paraître infime mais les montants en jeu sont importants pour un Etat dont les caisses sont vides.

Ce renchérissement des taux d’intérêts place ainsi le Portugal dans une situation difficile ce qui, tôt ou tard, va pousser les agences de notation à aller plus loin dans la dégradation de la note souveraine. Les raisons qui seront invoquées concerneront vraisemblablement le fait que les perspectives de croissance ne sont pas suffisantes même si le Portugal fait des efforts douloureux en matière d’austérité (hausse des impôts, baisses des pensions et des dépenses de santé…). Du coup, les taux d’intérêts se tendent encore. Sur les titres à dix ans - l’un des endettements parmi les plus utilisés par les Etats -, ils menacent même d’atteindre 8% contre 7% il y a quelques semaines. Résultat, le Portugal pourrait faire défaut sur une échéance de 9 milliards de dollars en juin prochain. D’où la perspective de faire appel au FMI, surtout si le quatrième plan d’austérité est rejeté par le Parlement (ce rejet provoquera certainement une nouvelle dégradation de la note souveraine du Portugal).

Appartenir à la zone euro a un prix 

Le cercle vicieux imposé par le couple notation (ou rating) et taux d’intérêts n’est pas le seul dans lequel s’empêtrent le Portugal ou les autres PIIGS. Il y a aussi le fait que son appartenance à la zone euro présente un avantage et un inconvénient. L’avantage, c’est que cela limite - durant un temps - les taux d’intérêts qu’exigent les investisseurs pour lui prêter de l’argent. L’inconvénient, c’est que cela lui impose une stricte discipline budgétaire. Que cette dernière soit mal respectée, et le marché va immédiatement spéculer sur une sortie de la zone euro, ce qui se traduira par une hausse des taux et un manque d’empressement des investisseurs (pourquoi prêter à 7% quand, demain, ils pourraient le faire à 8% ?). Le Portugal se retrouve alors obligé de promettre la lune - comme lorsqu’il s’engage à ramener le déficit public à 4,6% du PIB en 2011 - sous fond de grave crise politique et de menace d’élections anticipées. Ce n’est certes pas la situation libyenne mais, en d’autres temps, le cas portugais aurait mobilisé l’attention et l’inquiétude de toute l’Europe.