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Le baril de pétrole a frôlé les 120 dollars jeudi: Pressions sur l'Opep

par Moncef Wafi

Alors que les cours du pétrole continuent de grimper, malgré les assurances de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, le baril de light sweet crude s'échangeait à 92,92 dollars, un niveau record depuis 2008, alors que celui du Brent de la mer du Nord s'affichait en hausse de 1,06 dollar, à 106,80 dollars. Jeudi matin, le baril de pétrole Brent de la mer du Nord, pour livraison en avril, a frôlé les 120 dollars, à 119,79 dollars, avant de se replier.

 Cette évolution dans les prix est due principalement aux événements en Libye, où l'arrêt d'une grande partie de la production est ressenti durement par les raffineurs européens, qui se voient contraints de payer le prix fort pour trouver du brut de qualité, facile à raffiner. Pourtant, l'Opep ne prévoit pas pour l'heure d'accroître sa production en l'absence d'une quelconque pénurie sur les marchés. Se voulant rassurante, l'Organisation a fait savoir, par la voix du ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaimi, qu'elle serait prête à augmenter sa production en cas de pénurie. Traçant un parallèle avec la situation en 2008 qui a vu les prix du baril s'affoler, le ministre saoudien affirmera que «l'offre et la demande sont à égalité, les capacités de production excédentaires sont importantes, et la volatilité que nous voyons résulte de troubles temporaires». Pourtant, ces propos ne rassurent pas trop les pays consommateurs qui suivent de près les évolutions de la production pétrolière libyenne. Ainsi, Repsol, dont la production nette atteignait 34.777 barils de pétrole par jour en Libye en 2009, a déjà annoncé qu'il suspendait son activité. ENI, qui produit 244.000 barils équivalents pétrole et gaz par jour en Libye, soit environ un quart des exportations libyennes, a pris la même décision. Total, pour sa part, a commencé à suspendre certaines capacités de production en Libye, et l'Iran a également annoncé l'arrêt de ses activités pétrolières dans le pays.

 Ces suspensions de production interviennent également sur fond d'incertitudes sur la capacité des ports libyens d'assurer le transport des hydrocarbures. Devant ces incertitudes, les gros clients de la Libye, dont l'Europe, qui importent environ 80% du 1,3 million de barils/jour exportés par la Jamahiriya, se tournent vers d'éventuels fournisseurs alternatifs pour faire tourner leurs raffineries. Ainsi, l'Arabie Saoudite, premier producteur mondial de pétrole avec 12,5 millions de barils/jour, a dit être en «discussions actives» avec des raffineurs européens dépendant de l'approvisionnement en brut libyen, en leur demandant «quelle quantité et quelle qualité de pétrole ils souhaitaient».

 Le Nigeria et l'Algérie sont également cités par les analystes comme pouvant combler le déficit libyen : mais si pour le premier pays, sa situation de crise pourrait le disqualifier, la solution Algérie pourrait être la bonne si l'OPEP décidait d'augmenter sa production. Rappelons que l'Algérie dépasse déjà son objectif de production fixé par l'Opep à 1,2 million de bpj, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), une organisation qui représente les intérêts des pays consommateurs. «S'il y a avait une diminution de l'offre en raison de perturbations dans des pays producteurs, les pays de l'Opep, comme l'Arabie Saoudite, accroîtront leur production», a assuré Ali al-Nouaimi à l'issue de la dernière réunion ministérielle du Forum international de l'énergie (IEF), rassemblant les principaux pays consommateurs et producteurs de la planète.

 Dans ce contexte, les appels à une hausse de la production se multiplient. «L'Opep semble ne pas être consciente du fait que les prix élevés du pétrole risquent de faire dérailler la reprise économique mondiale et de saper la demande future pour son propre or noir», déplorait le Centre for Global Energy Studies. Or, les Etats-Unis ont également appelé à une action rapide de l'Opep : «L'accroissement de la production est, on l'a vu dans le passé, une réponse qui permet de corriger une hausse des prix, a expliqué le secrétaire américain adjoint à l'Energie, Daniel Poneman.