Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Monde arabe : La fin d'un cycle

par Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med

Les révoltes des peuples arabes ne sont pas le fruit du hasard. Elles s'inscrivent dans une logique historique inévitable.

Après la chute des dictatures en Tunisie et en Egypte, la poursuite des révoltes populaires dans les autres contrées arabes, montrent qu'elles aspirent au bouleversement des régimes politiques admis, jusqu'alors, comme mode de vie et de gouvernance. C'est en cela que ces révoltes accèdent, aujourd'hui, au stade de «Révolution». Elles prennent une tournure historique poussant les peuples arabes à rejoindre, le train de la modernité. Tellement sous-estimée par ses voisins occidentaux, la rue arabe a été longtemps considérée comme inerte, sans ambition, répugnant la modernité, hostile aux libertés, nostalgique de sa civilisation : les peuples arabes ne pouvaient (ne peuvent ?) se libérer de leur archaïsme, ni intégrer la marche du siècle présent, faite de conquêtes scientifiques et de rationalité philosophique. D'où le cliché que les Arabes n'ont d'autres références historiques et philosophiques que l'Islam qui les a rendus maître du monde, durant sept siècles, sans qu'ils puissent s'en extraire à ce jour. Ils vivent sur leurs certitudes du passé. Ce raisonnement des Occidentaux a fini par les convaincre que l'Islam n'est pas soluble avec la démocratie et se manifeste par la violence lorsqu'il y est confronté. C'est aussi l'une des raisons pour laquelle les gouvernants occidentaux, Europe et USA principalement, n'arrivent pas à se prononcer, ouvertement, sur l'issue de ces révolutions. Ils suivent les événements au jour le jour, abondent dans des déclarations de principes pour condamner les réponses violentes des régimes politiques arabes à leurs peuples et mobilisent leurs analystes et experts pour préparer les formes de coopérations futures qui préserveront leurs intérêts.

 Les gouvernants occidentaux sont surpris par le soulèvement des sociétés arabes. Pouvaient-ils le savoir et le prévoir, eux qui ont toujours traité avec les régimes politiques arabes en place, leur apportant caution et soutien pour autant que leurs intérêts divers fussent préservés ? Il n'est pas question, ici, de faire, aveuglement, le procès des Occidentaux et les rendre coupables de nos retards et tares sur tous les plans. Il s'agit de dire combien «l'Histoire» des sociétés humaines aime à se répéter. Ce n'est pas la première fois que des peuples soumis par la force et la ruse, maintenus dans l'ignorance, se révoltent contre leur condition. La vérité est que c'est toujours, à posteriori, qu'historiens, sociologues et autres chercheurs font le diagnostic du mouvement révolutionnaire, découvrent ses causes profondes, telles celles du bouleversement pour bien des raisons du mode de production par exemple, le théorisent et l'inscrivent comme rupture historique (révolution) dans le calendrier et manuels de l'histoire. Ceci explique aussi «l'embarras et les inquiétudes» qu'éprouvent les dirigeants occidentaux à déchiffrer le sens des révoltes arabes, parce qu'ils sont «inclus» dans ce moment historique et le vivent dans l'immédiat. Ils sont partie prenante, même s'ils le vivent à la périphérie. De leur côté, les promoteurs des systèmes politiques arabes ne mesurent pas encore toute la force qui gronde dans les sociétés pour accoucher d'une nouvelle ère et d'un nouveau mode de gouvernance. Ils s'agrippent, désespérément, au pouvoir croyant à un simple mouvement de colère conjoncturel. Ils sont convaincus qu'une réponse par la force et la violence suffira à remettre les choses dans leur cours naturel.

 Voilà pourtant près de 20 ans que les visionnaires de ce siècle préviennent de la globalisation du monde et de la mondialisation de son économie, mais aussi de la généralisation inévitable des principes communs (universels) à l'homme moderne que sont les droits et libertés. Peu importe quand la «mondialisation» atteindra sa pleine maturité; ce qui est inexorable c'est son avènement. Le mouvement de révoltes dans les pays arabes entre dans cette logique. Toute la question est de savoir quel est le prix à payer et surtout comment tirer profit de la mondialisation, en gardant la diversité des cultures et modes de vie de la mosaïque des peuples. En d'autres termes, comment être acteur actif dans le développement mondial d'aujourd'hui, pour ne pas être sujet, sans identité propre. Comme l'édicte le concept même, la «mondialisation», c'est «tout le monde» qui est concerné.

 La jeunesse arabe l'a compris et se bat pour être acteur de son temps. C'est cela l'espoir de ces révoltes, devenues «révolution». Il se pourrait que des régimes politiques comme ceux de l'Algérie ou du Maroc arrivent à contenir, momentanément, le grondement de leurs peuples en usant de quelques réformes ou en contentant des demandes sociales urgentes, mais ce ne sera qu'une pause sans incidence majeur dans la logique historique. Le pouvoir étant ce qu'il est dans nos pays, une exclusive, il finira toujours par reproduire les mêmes exclusions sociales et politiques, jusqu'à la prochaine révolte. De révolte en révolte, c'est de cela qu'est façonnée l'histoire humaine. Le monde arabe ne fera pas exception.