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Le droit de veto, une douce cigüe démocratique

par Farouk Zahi

« Je suis citoyen du monde. En tous lieux où la vie abonde, le sol m'est doux et l'homme cher: mon compatriote, c'est l'homme. » - Sully Prudhomme

La cinquantaine, bien moins que l'âge de la «Hagana» ou même de «lrgoun», Susan Elizabeth Rice, spécialiste américaine en politique étrangère, est l'ambassadrice américaine auprès des Nations-Unis depuis janvier 2009. Elle vient, en levant sa seule main en ce fatidique vendredi 22 janvier, de signer la mort d'un énième projet de résolution du Conseil de sécurité sur Jérusalem. Ce véto vient annihiler, sans recours, les velléitaires tentatives des Palestiniens en particulier et des Arabes en général, de stopper la colonisation juive à Jérusalem-Est. M. Obama ne pouvait choisir meilleur moment que celui où, la rue arabe bouillonne, pour torpiller l'initiative de M. Abbas consistant à en référer à l'instance onusienne. L'Europe, par la voix de la baronne Catherine Margaret Ashton, haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, voit ses bons offices prendre de l'eau en dépit de sa participation à l'élaboration du projet de résolution. Elle semblait dire, à travers sa lamentable déclaration, que l'UE voulait bien, mais le « Big Brother » en a décidé autrement. Savez-vous M.Obama que l'arme nucléaire dont vous avez été le premier utilisateur, a scindé le monde en pays dominants et pays dominés ? Et vous le savez mieux que quiconque ! Elle continue, par ses effets dissuasifs à irradier des peuplements spoliés de leur droit à l'autodétermination idéologique ; et même politique, dès lors qu'il existe encore des territoires sous domination coloniale. Homéopathique, la domination économique, est, quant à elle prodiguée, par des méthodes douces et insidieuses. La politique de globalisation commerciale imposée par l'OMC a laissé beaucoup d'économies traditionnelles en rade et a crée les émeutes de la faim. Pour une population mondiale de 6 milliards 600 millions d'individus en 2007, le G8 en comptait seulement 868 millions soit 13,1% mais détenait, à lui seul, 31.500 milliards d'US dollars sur un PIB mondial de 54.347 soit 57,8%. Dans certains pays africains, des familles vivent de moins de 2 USD par jour.

A peine sortie d'une bipolarité stratégique, la planète est replongée dans la bipolarité économique que vous impose « l'empire du Milieu ». Votre hargne à vouloir tout conquérir, vous fera perdre, en cours de route, toutes vos alliances les plus fidèles qui se plaignent déjà de votre autoritarisme.

Vos renchérissements sur les marchés du blé en général et des produits alimentaires de base ont le double objectif de réduire toute tentative de libération de votre giron et toute ébauche critique de votre libéralisme sauvage. M. Chavez, restera-t-il, et pour longtemps, cette brebis égarée ? Vous avez développé, chez beaucoup de nations le syndrome de Stockholm, propension d'empathie, voire de sympathie de l'otage vis-à-vis de son ravisseur. Cette contamination qui n'a rien, pour l'heure, d'une irradiation atomique, n'en porte moins les germes de l'oppression du plus fort. Ce véto meurtrier, achèvera à petit feu les droits légitimes de peuples qui aspirent à la dignité humaine. Pendant que vous vous offusquez des méthodes musclées des régimes autoritaires qui briment la parole libre, vous bâillonnez par le véto, Ghaza et El Ayoun. A ce propos, justement, qu'est-il advenu des rapports Baker et Ross dont on ne peut dire qu'ils sont entachés de subjectivisme et qu'en est-il des nombreuses résolutions de l'ONU sur le Sahara occidental ? Vos déclarations d'intention concernant le strict respect de l'intégrité territoriale des Etats ne sont que factices. Et c'est sous votre conduite que le Soudan est dépecé, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Pour ce faire, Omar El Béchir président d'un pays souverain, est menacé de TPI et sa tête « mise à prix ». Fragilisé, il ne pouvait qu'accepter la partition du plus grand pays d'Afrique. Et ce ne sera pas votre dernière Croisade en terre d'Islam. Imaginez un seul instant, qu'une nouvelle superpuissance aidée par un « machin », viennent vous contraindre à revenir à l'ancienne frontière imposée par la Guerre de Sécession ? Là vous serez bien embarrassés, parce que les Abraham Lincoln, ils ne sont générés qu'une seule et unique fois dans l'histoire. La politique de « deux poids-deux mesures » s'est tellement banalisée dans vos mœurs diplomatiques qu'elle en devient le trait dominant. Pendant que la cinquième flotte mouille en mer d'Oman, loin très loin de la base marine de Norfolk, il n'est pas permis à deux anciens rafiots iraniens de traverser le canal de Suez. Israël, en acariâtre vieille fille de l'Occident, s'en effarouche et crie à la provocation. Maintenant que « l'Axe du mal » est amputé de l'Irak « démocratisé » est-ce autour de la Syrie de remplir ce rôle peu envieux ? En ce qui concerne ce dernier pays, une digression mérite le détour, entendu sur un plateau de télévision française. Yves Calvi dont l'incontournable expert du Monde arabe, ne rate presque, jamais, l'une de ses émissions en l'occurrence Antoine Sfeir, posait à ce dernier la question sur la popularité de Bachar El Assad. Celui-ci répliquait d'un aveu que seuls, les polit- saltimbanques en sont capables : « Je dois avouer, que même si çà m'écorche la langue, ce monsieur est aimé par son peuple ». Après avoir soutenu le régime tunisien dans son livre « Tunisie, terre de paradoxes » paru en 2006, il se rétracte après le 14 janvier 2011 pour dire : « je me suis trompé lourdement sur la Tunisie. ». Mais pas seulement M. Sfeir, la sentence attribuée à Napoléon : « en politique, l'absurdité n'est pas un obstacle », conforte vos propos et c'est ce que vous démontrez lamentablement.

 Pour revenir à cet inique droit de véto, les USA ne l'ont utilisé qu'une seule fois en 1970, lors de la crise de Rhodésie (Zimbabwe), soit plus de vingt cinq ans après la naissance de l'ONU. Depuis 1972, ils sont devenus le plus important utilisateur du véto, principalement contre les résolutions critiquant la politique d'Israël, soit 11 fois sur 13 entre 1989 et 2004. Ne trouvez vous pas que l'arbitraire n'a que trop duré ? Votre discours du Caire à l'adresse des musulmans augurait d'un jour nouveau, mais à l'exercice, il n'est, en toute apparence, qu'un leurre. L'on est, présentement, en droit de se demander si vos directives pour la démocratisation « Now » du monde arabo-musulman n'est pas un rideau de fumée pour acter, honteusement, la judaïsation d'El Qods, l'éternelle cité des apôtres. Quant au « Patriot Act », loi antiterroriste, grande œuvre de Bush votée en 2001 pour une période de 4 ans et reconduite depuis lors, celle ci est passée, au fil du temps d'état d'urgence à un état d'exception. Apeurée et vulnérabilisée par les faiseurs d'opinion, la société américaine, jadis ouverte aux vents de liberté, se cloitre dans son bunker législatif pour mieux nourrir le déni. Le déluge de feu qui s'est abattu sur Gaza en décembre 2008, de loin plus meurtrier que l'attaque des tours jumelles, était suivi, sans doute, comme un distrayant feu de Bengale. Thomas Jefferson, père de la Déclaration d'indépendance connu pour être le chantre des droits humains, doit s'en retourner dans sa tombe.