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Sahel, Al Qaïda, Tunisie: La lettre d'Obama à Bouteflika

par Ghania Oukazi

«Nous n'arrêterons pas de coopérer étroitement avec l'Algérie et les pays de la région jusqu'à ce qu'El Qaïda soit détruite », a affirmé le conseiller principal d'Obama pour les affaires sécuritaires, John Brennan ou J.O.B comme présenté à l'ambassade des Etats-Unis à Alger.

C'est avec un « Sbah El khir » à l'algérienne que le conseiller principal du président américain pour la lutte antiterroriste a débuté hier sa conférence à l'ambassade américaine en présence de la presse nationale et de représentants des agences étrangères accréditées à Alger. Même s'il est avancé qu'elle était programmée depuis longtemps, la visite de cet important représentant de la sécurité dans l'administration Obama semble marquée du sceau de l'urgence en raison des bouleversements que connaît la région, notamment pour ce qui se passe dans le Sahel et au Soudan. Les derniers événements vécus par la Tunisie ont certainement confirmé cette urgence. Les deux heures d'entretien que le Président de la République lui a accordées dimanche ainsi que sa rencontre le même jour avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines montrent, si besoin est, l'importance accordée par les Etats-Unis à ce qui se passe dans le continent africain. John Brennan le soulignera d'ailleurs clairement en déclarant que «le continent africain compte à nos yeux ainsi que l'Algérie et les pays du Sahel. Il est essentiel pour que ces pays travaillent ensemble ». Il fera savoir à propos de ses entretiens avec les responsables algériens que « nous avons discuté des questions sur la région et aussi sur ce qui se passe en Tunisie». Tout en rappelant le message d'Obama au lendemain de la chute de Ben Ali, Brennan a fait aussi savoir que « le Président Bouteflika a dit qu'il travaillerait avec le gouvernement tunisien et qu'il aiderait le peuple tunisien à retrouver son calme et à tenir des élections dans les 60 jours à venir. Nous sommes d'accord avec lui». A propos d'une éventuelle élection présidentielle d'un candidat islamiste, le responsable américain dira : «Je ne me lancerai pas dans des hypothèses d'école (?). Nous souhaitons que la prochaine génération des dirigeants tunisiens mène des réformes économiques et politiques qui répondent aux aspirations du peuple tunisien. (?). Notre rôle est de prévenir et d'éviter qu'il y ait encore un cycle de violence. Nous accordons la priorité au dialogue et à la concertation entre les différentes parties. »

 John Brennan articulera tout le reste de ses propos expressément sur la situation sécuritaire dans la région et la lutte menée contre El Qaïda. «C'est ma première visite en Algérie, j'ai eu plaisir à rencontrer le Président Bouteflika et le ministre des Affaires étrangères. Je suis ici pour renforcer les importantes relations qui existent entre l'Algérie et les Etats-Unis. J'ai remis une lettre du Président Obama au Président Bouteflika dans laquelle il lui fait part de sa sincère gratitude et de son engagement à édifier de fortes relations entre les deux pays et les deux peuples », a-t-il déclaré.

«La France a le droit de protéger ses ressortissants»

Pour le conseiller principal d'Obama, les peuples algérien et américain sont proches l'un de l'autre pour «avoir connu les lâchetés des attaques des terroristes desquelles ils sont sortis encore plus forts.» Ce qui, dit-il « leur permet de partager leurs expériences en vue de renforcer leur lutte contre El Qaïda ». Il estime que «de par sa position géographique et la détermination de ses dirigeants, l'Algérie joue un rôle critique dans cette zone qui lie l'Afrique au Moyen-Orient ». Le Président Obama a salué le Président Bouteflika pour la coopération et les efforts que l'Algérie déploie dans le cadre de la lutte contre El Qaïda». Il fait part de «l'engagement de l'administration américaine et du Président Obama à continuer la coopération sécuritaire et le renforcement des liens entre les institutions du maintien de l'ordre et aussi économiques, politiques et culturelles». Il promet plusieurs fois de suite que «les Américains n'auront de répit que lorsqu'ils détruiront El Qaïda». Le responsable américain a évoqué «l'étroite collaboration des Etats-Unis avec les services algériens dans la lutte contre le terrorisme » et estime qu' «ils font un excellent travail. Je suis venu les féliciter (?). Nous voulons tirer les leçons de l'expérience algérienne qui a su apporter un certain succès dans sa lutte contre El Qaïda qui est constituée d'assassins et de bandits qui ne méritent que le mépris.» John Brennan a affirmé que « nous rejetons catégoriquement le paiement des rançons aux terroristes. Le gouvernement américain est contre toute concession aux terroristes. Nous sommes totalement solidaires avec l'Algérie dans son rejet du paiement des rançons». Il exprimera ainsi sa solidarité avec l'Algérie pour, a-t-il dit, «éviter qu'El Qaïda et les islamistes ne réussissent pas leur dessein».

Il ne se prononcera pas, cependant, sur le rejet par l'Algérie de toute intervention étrangère dans le Sahel. Il estimera par contre que «des ressortissants français ont été ciblés par El Qaïda et brutalement exécutés, hélas ! Le gouvernement français a le droit de protéger ses ressortissants. Nous entretenons un dialogue important avec la France qui a le droit de protéger les siens».

L'assistance américaine au «rôle critique de l'Algérie dans le Sahel »

Le conseiller d'Obama répètera à plusieurs reprises qu'«El Qaïda est une menace transnationale, une menace au-delà des frontières des pays de la région. Les pays doivent tous coopérer entre eux, au plan national et international. C'est une menace sérieuse à l'intérieur du Sahel mais aussi en Algérie, au Niger, en Mauritanie et au Mali, donc pour toute la région». Le responsable américain met à cet effet, en avant, le partage et l'échange de renseignements et d'informations. «Cette coopération doit être multilatérale », recommande-t-il en ajoutant qu'«il ne s'agit pas d'actions unilatérales, nous sommes engagés dans un dialogue actif et nous respectons la souveraineté de l'Algérie et celle des pays du Sahel. Nous leur assurons notre assistance pour faire avorter tout complot d'El Qaïda. Nous nous sommes engagés à travailler avec eux pour trouver les terroristes et les faire juger». Il fera remarquer aux journalistes qu'«intentionnellement, je refuse de ne pas parler d'intervention parce que la lutte antiterroriste doit se faire en partenariat. Je suis venu ici pour ça et pour renforcer le dialogue et le partenariat qui existe déjà avec l'Algérie». C'était aussi sa réponse lorsqu'il sera interrogé sur l'éventualité d'une intervention américaine aux côtés du commandement des pays de la région installé à Tamanrasset. « Nous travaillons avec tous les gouvernements de ces pays pour qu'ils prennent des mesures contre El Qaïda», a-t-il dit par ailleurs. Brennan est convaincu que «les gouvernements du Sahel reconnaissent l'assistance apportée par les Etats-Unis et l'accueillent bien parce qu'elle permet de renforcer leurs capacités de lutte ». Et il précisera aussi que «nous travaillons avec le gouvernement du Mali pour renforcer ses capacités de lutte, mais c'est une question de volonté politique». Ses derniers propos sont liés à l'appel du Mali (et du Niger) à la France pour intervenir militairement sur leurs territoires.

 Interrogé sur le degré d'efficacité de la lutte contre le terrorisme en l'absence d'un règlement des conflits israélo-arabe et sahraoui, John Brennan a répondu : «Les questions de conflits qui n'ont pas trouvé de solution ou de désaccords sur des différends comme au Soudan et au Sahara Occidental ne doivent pas profiter aux islamistes pour s'enraciner dans la région. Les Etats-Unis sont disposés à aider les parties en conflit à trouver des solutions mutuellement acceptées qui assurent la stabilité et la paix ». Il n'inclura pas le conflit israélo-arabe dans son approche sur la résolution des conflits de la région.