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Un baril à cent dollars ou à cent euros ?

par Akram Belkaid, Paris

Après avoir progressé de plus de 12% en 2010, pour un niveau moyen de 80 dollars, le prix du baril de pétrole devrait encore augmenter, en 2011. C’est du moins ce que prédisent nombre d’experts qui mettent en avant deux facteurs essentiels. Il y a d’abord le fait que les pays émergents continuent d’afficher des taux de croissance élevés, ce qui signifie une demande toujours aussi ferme en hydrocarbures. C’est surtout le cas de l’Asie avec les géants chinois et indien, assoiffés d’or noir pour faire tourner leurs économies. Ensuite, il y a le fait que la spéculation financière est de retour sur les marchés pétroliers.
 
Le retour des fonds spéculatifs
 
En effet, il semble bien que nous soyons à la veille de revivre un scénario comparable à celui de 2008 où le baril de brut avait atteint la barre record des 150 dollars. Après avoir délaissé, en 2009, les contrats à terme d’or noir, les fonds spéculatifs déversent actuellement une partie de leurs liquidités sur les places de Londres et de New York. Préférant s’éloigner des marchés de dette souveraine, convaincus que la demande mondiale ne va pas faiblir et que la raréfaction du pétrole est désormais un élément structurel, ces fonds pourraient donc, de nouveau, aggraver une tendance naturellement haussière. C’est, en tous les cas, l’avis de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui estime qu’elle n’a pas intérêt à augmenter sa production - comme le lui demandent nombre de pays consommateurs- pour faire baisser les prix. En clair, cela signifie que le scénario d’un baril au-dessus de 100 dollars est, de plus en plus, probable. Il n’est pas sûr, par contre, que cette hausse soit durable car la moindre mauvaise nouvelle en matière de conjoncture économique mondiale pourrait pousser les fonds spéculatifs à vendre ce qui provoquerait un reflux des cours de l’or noir. On n’entrera pas dans le débat de savoir si un baril au-dessus de 100 dollars est une bonne chose pour l’Algérie. Pour les uns, c’est une bonne nouvelle car cela va augmenter les recettes en devises étrangères tandis que, pour les autres, c’est une catastrophe qui va renforcer les effets pervers de la rente. Par contre, il est peut-être temps de réfléchir à la question de la monnaie de facturation que l’Algérie utilise pour ses ventes d’hydrocarbures. Pour l’heure, ces dernières se font en dollar américain, qui est effectivement la référence mondiale sur les marchés pétroliers.
 
Exporter le pétrole en euros ?
 
Il reste qu’on assiste, un peu partout dans le monde, à des innovations qui remettent en cause le rôle prégnant du billet vert. Des pays importateurs comme la Chine ou l’Inde commencent à proposer des contrats d’achats qui seraient libellés dans leurs monnaies. De son côté, le géant brésilien Petrobras réfléchit, lui aussi, à vendre son or noir en real. Il faut prendre au sérieux cette tendance qui a pour toile de fond la faiblesse continue de la devise américaine et la possibilité de son effondrement, au cours des prochaines décennies. On sait que l’Irak a chèrement payé sa décision de vendre son pétrole en euros plutôt qu’en dollars. Mais la situation n’est pas la même pour l’Algérie. L’équation est simple. Nos exportations sont en dollars (monnaie faible) tandis que nos importations se font essentiellement en euros (monnaie forte). Le manque à gagner est évident. Deux solutions émergent : soit vendre le pétrole en euros ou alors décider de diversifier les sources d’approvisionnement pour importer en dollars. Dans les deux cas, la mesure ne se prendra pas en un jour mais il est peut-être temps de commencer à y penser…