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De la Russie et l’OMC

par Akram Belkaid, Paris

L’année 2011 verra-t-elle la Russie faire enfin son entrée au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Même si rien n’est inscrit dans le marbre, cette adhésion semble désormais acquise. Dernière grande puissance à ne pas faire partie de cette institution internationale créée en 1995 pour réglementer - et libéraliser - les échanges mondiaux, la Russie devait d’abord obtenir le feu vert des principaux acteurs du commerce planétaire. Ce fut chose faite en octobre par les Etats-Unis puis, le 7 décembre dernier, par l’Union européenne (UE). En signant un accord bilatéral avec l’UE, Moscou a donc levé le dernier obstacle à son adhésion sachant que cette dernière est soutenue par la Chine.

Gain politique…

Pour les dirigeants russes, la non-entrée de leur pays à l’OMC a été vécue comme une insupportable mesure d’ostracisme. Qu’il s’agisse de Vladimir Poutine ou de Dmitri Medvedev, les conditions posées par Bruxelles et Washington étaient dénoncées comme étant un chantage politique inadmissible qui niait la qualité de grand acteur global de la Russie. Il faut dire que les bras de fer à répétition entre Moscou et Kiev à propos des approvisionnements en gaz naturel et le conflit en Géorgie durant l’été 2008 n’ont pas arrangé les choses. Au contraire, ces tensions ainsi que l’absence de lois efficaces pour la protection de la propriété intellectuelle en Russie, ont toujours conforté les Etats-Unis et l’Europe dans leur volonté de geler une candidature qui remonte pourtant au milieu des années 1990.

Mais il semble que tout cela appartienne au passé d’autant qu’Américains et Européens semblent avoir compris qu’ils ont besoin de la Russie pour contrebalancer le poids croissant des pays émergents dans les discussions - toujours en panne - à propos de la libéralisation du commerce international. Bien entendu, Moscou a bien été obligé de faire quelques concessions à l’Europe notamment sur les questions d’importations du bois, mais, de façon générale, c’est une véritable victoire politique que vient de remporter le gouvernement russe en ouvrant la voie à cette adhésion. Avec son entrée dans l’OMC, la Russie obtiendra une reconnaissance internationale après laquelle elle court depuis longtemps. Dans le même temps, elle émettra un signal rassurant à l’égard des investisseurs étrangers qui critiquent régulièrement la désorganisation et le protectionnisme de son environnement des affaires.

… incertitude économique

Cette prochaine adhésion offre d’ailleurs quelques enseignements à tous ceux qui s’interrogent sur la pertinence d’une entrée de l’Algérie à OMC. De fait, il faut relever que nombre d’acteurs économiques russes sont très réservés car ils estiment que cela aboutirait à privilégier les importations au détriment de la production locale. Plusieurs économistes craignent même que des pans entiers de l’industrie légère russe, à peine embryonnaire car née des restructurations massives des années 1990, ne soient balayés par les produits étrangers devenus moins chers après la baisse des tarifs douaniers. A cela s’ajoute aussi le fait que même les partisans de l’adhésion sont bien incapables de chiffrer le bénéfice d’une telle opération se contentant simplement d’affirmer que ses effets seraient « positifs à long terme ». Le parallèle avec l’Algérie est évident.

De plus, ni l’Europe, et encore moins les Etats-Unis, n’ont accepté que l’adhésion de la Russie à l’OMC ne s’accompagne de la suppression des visas qu’ils imposent aux ressortissants russes. La règle est claire et bien connue : liberté de mouvement pour les marchandises et les flux de capitaux mais pas pour les êtres humains. L’avenir dira donc comment l’Algérie va traiter la question de la libre circulation des Algériens dans l’optique de son adhésion à l’OMC...