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Les choix de l’Allemagne

par Akram Belkaid, Paris

Quel sera le prochain épisode de la crise de l’euro ? Cette question est sur toutes les lèvres. Hommes politiques, banquiers, économistes et journalistes savent désormais que tout est possible y compris une implosion à terme de l’Union monétaire européenne (UME). Ils savent aussi que la nécessité d’anticiper le «sauvetage» de l’Espagne puis de l’Italie voire même aussi de la France, est une évidence. Plus personne ne doute que la crise qui frappe l’Europe suit son chemin et risque de durer plusieurs années à l’image de celle de 1929 qui s’est terminée en 1939 avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
 
Le rôle pivot de l’Allemagne
 
Et encore une fois, sans faire de comparaisons abusives ou mal placées, l’avenir de l’Europe dépend du choix que va faire l’Allemagne. Cette dernière est actuellement le dernier rempart contre la disparition de l’UME et du naufrage de l’euro. C’est elle qui dispose des finances nécessaires pour contrer les spéculateurs qui testent la capacité des Etats à rembourser leur dette. Surtout, c’est le seul grand pays européen qui jouit encore d’une crédibilité. La France, quoi qu’en disent ses autorités, est hors du jeu en raison de son déficit abyssal et de l’atonie de sa croissance. Quant à l’Italie, il est inutile d’insister sur les dégâts occasionnés par les frasques berlusconiennes.

Or donc, l’Allemagne a deux choix. Il y a celui de payer une nouvelle fois de sa poche la stabilité de la zone euro quitte à ce que le contribuable allemand le fasse chèrement payer au gouvernement Merkel. Cela signifierait que Berlin accepte d’être en première ligne dans la défense de l’euro et dans le soutien financier à ses partenaires européens étranglés par les marchés. L’une des conséquences de ce choix serait de conforter le leadership allemand en Europe. Il n’est pas sûr que les autres capitales, notamment Paris, l’acceptent de gaieté de cœur…

Le second choix possible est celui de l’égoïsme. On sent bien que les Allemands sont tentés par le repli sur soi. L’idée de créer une zone monétaire réduite avec les Pays-Bas et les pays scandinaves (mais sans la France…) est sans cesse citée dans la presse germanique. En un mot, cela signifierait que l’Allemagne estime que l’Union monétaire européenne est un projet voué à l’échec, notamment en l’absence d’Union politique dont n’ont voulu ni les Britanniques ni même - et cela n’est pas suffisamment rappelé - les Français. En s’affranchissant de la solidarité communautaire, l’Allemagne retrouverait là aussi un rôle de grand leader d’Europe (et non européen, la nuance est de taille). Là aussi, cette perspective ne peut que déplaire à ses voisins.
 
La paix menacée ?
 
La comparaison avec la crise de 1929 pousse de nombreux commentateurs à évoquer le spectre d’un conflit majeur. Pour l’heure, il s’agit plutôt de catastrophisme. Même si la zone euro implose et qu’elle vienne à être remplacée par de petites unions monétaires, on voit mal les Européens en venir aux armes ne serait-ce que parce que l’Union européenne existe bel et bien et qu’elle est la plus grande assurance contre l’irréparable. Mais cela ne signifie pas que les tensions induites par la crise vont disparaître d’elles-mêmes. Comme l’eau qui s’infiltre, elles peuvent gravement endommager la cohésion européenne. Mais elles peuvent pousser aussi l’Europe à chercher à exporter ces tensions ailleurs notamment dans son voisinage immédiat constitué par l’Est (Ukraine, Russie,…) ou le Sud (Maghreb, Turquie,…).