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La crise irlandaise et le spectre de la contagion

par Akram Belkaid, Paris

Après la Grèce, au tour de l’Irlande, donc. Annoncée depuis plusieurs semaines, la décision de l’Etat irlandais de faire appel à l’Union européenne (UE) pour renflouer ses caisses n’a surpris personne. De nombreux observateurs regrettent toutefois les tergiversations nationalistes de Dublin, une majorité d’Irlandais - et on les comprend - voyant d’un mauvais œil la perspective d’être sous surveillance de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI). En effet, ces hésitations ont fait perdre un temps précieux à l’Europe et ont contribué à l’agitation des marchés que l’on dit désormais rassurés. Pour autant, la messe est loin d’être dite.

D’autres crises à venir

Sans même connaître le détail du plan de sauvetage irlandais, les économistes annoncent déjà les prochaines victimes de la défiance des marchés à l’égard des dettes souveraines européennes. Une méfiance qui se traduit par le fait que les Etats concernés se retrouvent obligés d’emprunter à des taux de plus en plus élevés pour se financer mais aussi pour rembourser les intérêts de dettes antérieures. Le Portugal et l’Espagne, les deux autres «PIGS», sont clairement dans cette situation et, à Bruxelles, des experts anticipent déjà d’éventuelles solutions pour empêcher que ces deux pays ne fassent faillite.

 Certes, nombre de responsables européens affirment à qui veut les entendre que le risque de contagion est minime mais c’est le même discours qui était tenu après la déconfiture grecque. Plus important encore, l’idée d’une transmission de la crise d’un pays à l’autre commence à être intégrée au discours officiel même si cela est accompagné par des propos rassurants sur la capacité de l’Europe à se porter au secours des prochains pays en difficulté. Selon le dernier chiffre qui circule, les Européens seraient capables de mobiliser 565 milliards d’euros. Un montant impressionnant qui englobe les 80 à 100 milliards d’euros dont a besoin l’Irlande mais aussi les 35 et 260 milliards d’euros que vont tôt ou tard demander le Portugal et l’Espagne.

 En somme, l’Europe a de quoi faire face. Mais que se passera-t-il si la crise s’étend aussi en Italie et, scénario du pire, en France ? Pour l’heure, cette éventualité, surtout concernant le deuxième pays, est écartée. Pourtant, les mécanismes de transmission de la crise sont bel et bien identifiés. Si le Portugal, et plus encore l’Espagne, plonge, l’affaire deviendra suffisamment sérieuse pour que toutes les dettes souveraines européennes - et pas uniquement celles libellées en euro - soient dans le collimateur des marchés et des spéculateurs. En clair, les mois qui viennent risquent d’être riches en surprises sur le front d’une crise qui a débuté il y a maintenant plus de trois ans.

Les banques, encore elles…

On notera d’ailleurs que c’est encore une fois à cause des errements d’un système bancaire et financier que la crise rebondit. Les banques irlandaises ont pris des risques et joué avec les dépôts de leurs clients lesquels - c’est humain - entendent désormais les récupérer (ce qui accentue les risques d’une panique bancaire et d’une crise encore plus grave). Pourtant, il y a fort à parier qu’au final, ces banques vont encore une fois tirer leur épingle du jeu et confirmer la règle qu’aucun acteur économique n’excelle comme elle à privatiser les profits et à mutualiser les risques. De même, Dublin n’a pas l’intention de renoncer à sa fiscalité avantageuse pour les entreprises puisque son taux d’imposition des sociétés devrait se maintenir à 12,5% (contre le double en moyenne pour le reste de l’Europe). En somme, l’argent des Européens va contribuer à sauver l’Irlande sans exiger de ce pays qu’il ne mette fin à une concurrence fiscale que nombre d’entre eux jugent pourtant déloyale !