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La burqa, le fichu de la politique mondiale

par Cherif Aissat

Du pagne d'Eve aux voiles, tchadors et burqas de quelques femmes, ces objets de dissimulation d'une partie de leur corps n'ont pas parcouru une longue distance durant tout ce temps qui sépare la Première et les femmes actuelles, alors que les raisons culturelles, cultuelles et politiques ont subi maintes tornades et même un Déluge. Entre l'épée de Damoclès et la guillotine de Hume, le choix sans le mériter ne peut être que cornélien. Si nous ajoutons une certaine littérature qui relève plus de la «fécalité», c'est la bouillabaisse.

Les considérations entourant le port de la burqa sont adossées à des façades sécuritariste et égalitariste exacerbées par un affrontement entre deux camps politiques rarement cités dans ces joutes oratoires ou écrites, l'un dit exécuter une guerre juste et l'autre une guerre sainte. Et le premier problème est là : avec des sens humains «normaux» qui doivent intégrer naturellement ces deux fondements, il est raisonnablement impossible de choisir un camp et en éliminer un autre ; et nous nous retrouvons manipulés, intoxiqués, divisés par ceux qui ont réussi la prouesse abjecte d'allumer un incendie entre le Juste et le Sacré. Bonjour la méfiance et bienvenue à son corollaire la stigmatisation.

Pour le camp des «pour l'interdiction», l'argutie tient à un nivellement des apparences vestimentaires, en faisant d'un faciès visible un symbole de liberté; et c'est cette dernière qui est avancée justement par le camp d'en face «pour son porter» et c'est tout le concept des libertés qui se trouve malaxé. Les belligérants lancent, au nom de cette liberté, des encan pour qui aura la prégnance sur et dans l'espace public, objet par le passé d'une grosse bagarre d'accaparement entre les politiques et les citoyens. Faut-il rappeler que cet espace est l'endroit désigné justement pour organiser la contestation des pratiques politiques. Il serait dangereux pour ceux qui en bénéficient et jouissent de son utilisation de le restituer aux différents pouvoirs. D'autres précisent que c'est le bénéfice des services publics qui posent problème. Est-ce ce bout de tissu qui va créer de nouveaux collèges de citoyens, faire des droits à plusieurs rapports de vitesse alors que la science a fait des progrès «terrifiants» qui ont rendu l'identification un jeu d'enfants? Quel fichu !

Cette confrontation produit un retour de balancier violent. Elle est l'os jeté par des politiques qui ne veulent pas révéler leurs arrière-pensées pour l'imposition d'une nouvelle morphologie des rapports internationaux et qui préfigurent une métamorphose radicale des libertés. Pour preuve, la Déclaration universelle des droits de l'Homme est devenue plus un objet de décoration qu'un sacerdoce. Ce sont justement ces libertés qui nous intéressent à ce niveau. Un mot sur ce «machin qu'est la burqa» : si c'est un signe religieux, tous les signes doivent être regardés avec la même critique et subir le même traitement. S'il est autre chose, autant ne pas faire un plat. Si comme certains le disent, il est symbole d'avilissement et autres abjections, il n'est pas pire avilissement que de priver une personne d'une liberté qu'elle s'est choisie. Nous éviterons de tomber dans les non-sens quantitatifs du style toutes bon nombre de femmes car nous ne les avons pas comptées et éviter de dire aussi que ce sont les hommes qui l'imposent.

L'adage dit que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Une intention généreuse qui cache mal toute la «saloperie» du monde. Il est temps de le changer pour dire que la liberté des uns ne doit pas s'arrêter tant qu'il y a UNE personne qui en est privée d'au moins UNE LIBERTE et la solution n'est pas dans les guerres qui s'arrêtent, comme par enchantement, dès que des richesses sont découvertes et l'Afghanistan en est un exemple. C'est un idéal inatteignable diront certains. Pour des raisons de neutralité, disons les libertés telles qu'elles sont codifiées dans la constitution de la Suède. Que les sceptiques ne prennent pas peur : il y aura toujours des façonneurs de violences pour maintenir le monde dans une agitation permanente. A défaut, ce sera la physique des quantas qui s'en chargera.

Les mimétismes politiques internationaux

D'évidence, ces mimétismes ne produiront pas les mêmes effets sur des peuples ayant des anthropologies et ethnologies différentes. L'Amérique du Nord, disposant de plus d'espace moral après une série de forceps, contrairement à l'Europe qui entretient des relations passionnelles avec ses anciennes colonies, en raison de pans historiques communs lesquels sont truffés d'abcès non encore crevés. La France, la Belgique, la Hollande sont citées comme exemples. Ces pays sont empêtrés dans des ambiances politiques fétides particulièrement depuis l'avènement des Droites au pouvoir. La France où des citoyens à part entière, sont stigmatisés pour cause d'origine et de religion dès que des élections sont à l'horizon. L'attentat d'Islamabad, capitale du Pakistan, sur fond d'islamisme radical et par la bouche d'experts en terrorisme, géostratégie, politologie, a alimenté des prises de décisions politiques intérieures d'ostracismes et de stigmatisations, alors que le temps a permis à la vérité de révéler que c'est la corruption liée à un enjeu politique intérieur, dans une affaire économico-commerciale qui en est la cause. Les présentations de l'événement à chaud ont fait leur effet Pavlov. Les mea-culpa, s'ils sont faits, ne peuvent plus rien. Il n'est pas brûlant aussi pour eux de dire que les changements de détenteurs et de nature des pouvoirs en Égypte et Arabie Saoudite, par exemple, sont une partie de la solution, tout comme est devenu un détroit des Bermudes celui d'Ormuz, cette eau agitée par un Nino énergétique. Le drame palestinien étant le conflit central.

A propos de ce mimétisme toujours, la Belgique transformée en une gigantesque frite née d'un racisme intra européen, alimentée par le travail des uns et le bénéfice de la péréquation des autres, entre francophones, germanophones et néerlandophones, qui a fait le lit pour une extrême droite électoraliste qui a permis à la démocratie de la porter au pouvoir qu'elle ne sait pas exercer pendant que la Hollande dans un registre lié beaucoup plus aux comportements individuels, fait des extrémistes de tous bords des incontournables. Ces derniers temps et dans le même sillage, l'Allemagne et l'Angleterre, pour causes de majorités de gouvernement difficilement formables sur fond de choix politico-économiques qui ne font pas l'unanimité, sont en train de faire des religions et des renfermements communautaires, des boucliers électoraux.

Les médias entre effets placebo et nocebo

«Tout le monde» est d'accord sur le poids et l'effet d'une information destinée plus à la consommation qu'à la compréhension. Un produit qui favorise plus la confection d'opinions versatiles qu'une pensée, un mot devenu gros. Si le rôle des télévisions a été résumé par le président de Tf1, en affirmant qu'elles sont faites pour vendre aux entreprises le temps libre des cerveaux usés à la corde, l'effet de la radio est encore plus pernicieux, à partir du moment où elle est appelée à fournir du son et du bruit pour compenser l'absence de l'image et qui restent gravés dans des têtes. La presse écrite «sérieuse», dans une peur noire de disparaître, n'a pas fait encore son aggiornamento: revoir ses codes de couverture d'événements tout en gardant les sacrés de la déontologie: vérité, objectivité et neutralité. S'en tenir aux faits et rien qu'aux faits ne suffit plus. L'usage des encadrés, dans ce qui concerne l'international, doit devenir une règle. Laisser l'opinion et le commentaire uniquement aux chroniqueurs et éditorialistes, les plus cultivés et probes qui soient, ne fournit pas les instruments et moyens suffisants pour une meilleure compréhension des enjeux par le «petit» nombre de lecteurs qui reste.

Le canada et le Québec en particulier, ont tout à perdre en réveillant les démons du racisme et du communautarisme et tout à gagner en favorisant le respect de la dignité humaine, en accueillant plus de souffrants et d'opprimés et en ignorant tous ces néologismes vides de non sensés tels que multi ou interculturalisme, choc des civilisations. Une révision des conditions d'accueil pour une meilleure dilution des immigrés est nécessaire. Et ce n'est pas une patate chaude adressée aux ministères de l'Immigration et du Travail.

 En conclusion, c'est un serpent qui a tenté Ève pour qu'elle découvre sa nudité et mettre le premier pagne, voile. Il faut se méfier de tous ces serpents à sonnettes, à sornettes.