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Le protectionnisme : un danger ?

par Akram Belkaid, Paris

C’est le pendant logique du discours actuel sur les menaces de guerre monétaire à laquelle risque d’être confrontée la planète. Pour bien enfoncer le clou, plusieurs grands de ce monde ne cessent de mettre en garde contre les dangers d’une résurgence du protectionnisme que pourrait provoquer cette course à la dévaluation masquée (laquelle peut être aussi considérée comme un acte protectionniste). Et là aussi, tout comme le nécessaire rééquilibrage de l’économie mondiale évoqué la semaine dernière, il est certain que le sujet des possibles entraves au commerce international sera abordé lors du prochain G20 de Séoul.

Des partisans qui font entendre leur voix

Mais qu’en est-il en réalité ? Dans un récent rapport, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) livre un diagnostic plutôt mitigé qui ne verse guère dans l’alarmisme. Certes, relève la gardienne du temple du libre-échange, certains pays, et non des moindres, semblent tentés de protéger leur économie par des barrières plus ou moins avouées. Mais nous sommes très loin de la situation qui a prévalu après la crise de 1929 lorsque le chacun pour soi est devenu la règle de base pour des Etats soucieux de préserver leur appareil productif. Il est vrai aussi que certains signes de fermeture en provenance de pays développés, effrayés par la montée en puissance des multinationales des pays émergents, peuvent donner à penser que le commerce mondial va tôt ou tard subir un ralentissement. Lequel ne serait pas causé par la crise économique mais par des mesures protectionnistes.

Mais une question mérite d’être posée. Le protectionnisme est-il vraiment un danger ? Et pour qui ? Si l’on se limite au discours convenu des grandes institutions internationales, c’est le crime absolu. Ce serait une régression dramatique qui sonnerait le glas de la mondialisation. Pourtant, une musique différente se fait entendre, y compris – certains diront surtout - dans les pays développés. En Europe, par exemple, les tenants de la préférence communautaire disent clairement qu’il faudrait mieux protéger le «made in EU». D’autres vont plus loin, qui estiment qu’il est temps que l’Union européenne défende ses emplois industriels en taxant les productions venues d’Asie ou d’ailleurs.

Petit à petit, des voix d’économistes respectables se font entendre, qui remettent en cause le dogme des bienfaits du libre-échange et qui plaident pour des accords douaniers régionaux plus stricts. De cela, nombre de pays exportateurs comme la Chine ou l’Allemagne ne veulent pas mais la tendance ne peut être ignorée.

Dans le même temps, il faut savoir que le commerce international est âprement défendu par les multinationales car ce sont elles qui font l’essentiel des échanges mondiaux, le plus souvent entre leurs propres filiales. Ces échanges intra-transnationales ne sont pas uniquement fondés sur les arbitrages compétitifs en matière de coût du travail. Ils servent aussi à «optimiser» les bénéfices en privilégiant les filiales installées dans les pays les plus accueillants sur le plan fiscal. Que vienne à s’étendre une fièvre protectionniste et c’est tout le mécanisme de ces transferts qui sera grippé.

Et l’Algérie ?

On peut se demander, à l’aune de cette problématique, ce que l’Algérie aurait à gagner d’une adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Bien sûr, ce serait une forme de reconnaissance internationale, le signe que le pays fait bel et bien partie de la communauté internationale et que le temps où il était mis au piquet est révolu. De même, il s’agit d’un préalable pour attirer d’éventuels investisseurs étrangers désireux d’installer des activités exportatrices en Algérie.

Pour autant, il faudrait d’abord prouver que cette adhésion ne va pas finir par achever ce qui reste de l’industrie algérienne. Il est, en effet, une loi simple qui veut que toute activité économique a besoin de protection pour se développer avant d’être brutalement confortée à la concurrence internationale. Une loi qu’il est nécessaire de se remémorer de temps à autre.