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L’or blanc flambe

par Akram Belkaid, Paris

Les matières premières flambent de nouveau. C’est le cas du pétrole dont de nombreuses prévisions annoncent qu’il atteindra 100 dollars le baril d’ici quelques mois voire quelques semaines. Cela vaut aussi pour les produits agricoles et la tendance s’est accélérée depuis la publication, le 8 octobre dernier, du rapport mensuel du Département américain de l’agriculture. Toujours très attendu par les experts, ce document a annoncé une baisse de la récolte de maïs aux Etats-Unis pour la saison 2010-2011 et mis en exergue les risques de pénurie pour de nombreuses autres commodités agricoles dont le coton. Une perspective qui affole les marchés.

Le facteur chinois

A New York, la livre « d’or blanc » flirte ainsi avec les 1,2 dollar soit le niveau le plus élevé depuis 1995. On est certes loin du prix record de 1,89 dollar atteint lors de la guerre de Sécession, mais les cours sont suffisamment élevés pour provoquer l’inquiétude de l’industrie textile mondiale qui se voit confrontée à l’habituel effet ciseau. D’un côté, il y a une offre qui faiblit et, de l’autre, une demande pour la fibre naturelle qui ne cesse d’augmenter depuis douze ans et la libéralisation du marché mondial du textile. Pour ce qui est de l’offre, les aléas climatiques sont responsables de la chute de la production : sécheresse au Brésil et en Afrique subsaharienne, inondations en Inde et au Pakistan ont limité les récoltes. A cela s’ajoute les prix peu élevés de ces dernières années qui ont poussé nombre de producteurs à opter pour d’autres cultures. Côté demande, c’est encore une fois le dynamisme asiatique qui influe sur l’évolution des prix. Comme c’est le cas depuis le milieu des années 1990, la Chine, premier importateur mondial de coton, et ses achats massifs sont le paramètre essentiel du marché. On parle souvent de la soif chinoise pour l’or noir - et de la rivalité que cela implique avec les Etats-Unis - mais on ignore souvent que pour Pékin, l’accès à l’or blanc est tout aussi important sinon stratégique.

Qu’on en juge. L’industrie textile chinoise représente plus de vingt millions d’emplois directs et deux fois plus de manière indirecte. C’est aussi une activité qui contribue chaque année au cinquième des recettes en devises étrangères. En clair, les exportations chinoises dont on parle tant ne sont pas uniquement constituées d’électronique et d’autres produits de grande consommation. Le textile y tient une place primordiale d’où l’importance névralgique de l’or blanc pour Pékin. Problème : l’industrie chinoise de la fibre a des marges très réduites ce qui la rend vulnérable aux évolutions mondiales des cours. Certes, la Chine dispose de stocks stratégiques de coton - tout aussi importants en valeur que ceux du pétrole - mais cela ne suffit pas à amortir la flambée actuelle des prix.

Vers un achat de terres étrangères?

Cette situation pourrait donc amener la Chine à rechercher un contrôle plus en amont de ses approvisionnements en or blanc et, donc, à envisager l’achat de terres cotonnières à l’étranger. L’idée n’est pas nouvelle puisque des entreprises chinoises ont déjà acquis des terres africaines pour se garantir un approvisionnement en denrées alimentaires ou en métaux rares. Mais cela serait une première pour le coton.

 Des plantations d’Afrique subsaharienne seraient d’ores et déjà dans le viseur de Pékin. Si ce type d’achat venait à se réaliser, il ne fait nul doute que cela relancerait le débat sur l’achat de terres arables africaines par les pays émergents.