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La Grèce, point d’entrée chinois en Europe

par Akram Belkaid, Paris

C’est tout un symbole et peut-être même un événement qui fera date dans l’histoire de la mondialisation. En visite en Grèce en début de semaine, le Premier ministre chinois Wen Jiabao a annoncé que des armateurs grecs vont acheter des navires construits par des chantiers navals de son pays. Six bateaux sont déjà en commande, dont deux cargos et un tanker. De plus, Pékin prévoit aussi la création d’un fonds de 5 milliards de dollars pour offrir des facilités de paiement à ces mêmes armateurs. Un contrat comme les autres ? Pas si sûr…
 
Une première qui fera date
 
Pour bien comprendre la portée politique de cet accord commercial, il ne faut pas oublier que la Grèce est loin d’être tirée d’affaire sur le plan financier. Avec une situation budgétaire précaire, un front social tendu en raison de l’austérité imposée par le gouvernement et cela, en plus d’une économie qui tarde à redémarrer, ce pays n’est pas à l’abri de nouvelles difficultés pour rembourser sa dette. Pour de nombreux économistes, la Grèce demeure d’ailleurs le maillon faible de la zone euro, même si l’attention se porte actuellement sur l’Espagne (le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz vient de conseiller au gouvernement Zapatero de préparer la sortie de son pays de l’union monétaire…).

Alors que l’Union européenne continue à faire preuve d’une extrême dureté à l’égard d’Athènes en contrepartie de son aide financière, le geste chinois qui consiste à offrir des crédits pour les armateurs grecs est loin d’être neutre. La Chine se pose ainsi en alternative, voire en ultime recours en matière de financement. Du coup, cela fait même écho aux rumeurs datant du début de cette année qui annonçaient que le gouvernement Papendréou avait lancé un appel d’urgence à Pékin pour obtenir un prêt de plusieurs milliards de dollars afin de pouvoir rembourser sa dette extérieure. On ne sait pas si la Chine va renflouer les caisses grecques mais il est certain que ce pays entend profiter de la situation pour mettre un pied dans un secteur stratégique de la zone euro, à savoir le transport maritime.

Car, pour la Chine, la mondialisation, ce sont aussi des ports et des navires. Là où ses intérêts commerciaux sont en jeu, ce pays met toujours en place une stratégie qui consiste à contrôler des ports afin de veiller à ce que le flux de ses marchandises exportées ou importées ne soit pas perturbé. C’est le cas par exemple dans l’Asie du Sud-est où l’expansion chinoise est allée de pair avec la construction de nouveaux ports ou la modernisation d’installations existantes.

En Grèce, la Chine a déjà obtenu l’exploitation de deux quais du port du Pirée pour une durée de trente-cinq ans. Elle vient maintenant de convaincre les armateurs grecs de lui acheter ses bateaux. La conclusion est évidente : la Grèce sera probablement l’un des points d’entrée maritime chinois en Méditerranée et dans le Sud-est de l’Europe.

Et au sud de la Méditerranée ?
 
On peut se demander quels seront les ports d’Afrique du Nord qui joueront un rôle comparable. Pour mémoire, la Méditerranée n’est qu’une mer de passage pour la presque totalité des bateaux qui transitent par le canal de Suez. Dans ce flux, une place est à prendre pour jouer le rôle de relais et de point de débarquement de marchandises destinées à être transportées par des navires plus petits qui caboteront le long des côtes de la Méditerranée du nord. Dans cette perspective, le port de Tanger marque des points, même si la concurrence d’Algesiras est rude. Quant aux ports algériens, ils demeurent hors course malgré un positionnement régional stratégique.