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Mohammed Arkoun, philosophe algérien

par Mourad Benachenhou

Suite et fin

Arkoun et le drame du peuple palestinien

Rien des évènements politiques actuels qui interpellent les Arabes et les Musulmans n'est étranger à Arkoun. Il n'est nullement insensible au drame du peuple palestinien qui constitue un démenti cinglant à toutes les proclamations de progrès de l'Humanité vers un Humanisme qui reconnait à tous le droit de vivre leur vie individuelle et dans leur communauté, selon les valeurs qui leurs sont propres. Il est particulièrement dur à l'égard des puissances occidentales qui ont contribué au déclenchement de ce drame et sont impuissants, ou peu disposés, à y trouver une solution. Voici ce qu'il écrit à ce sujet:

J'ose à peine évoquer la tragédie israolopalestinienne si lourde de sang versé et d'injustices accumulées depuis 1916. Ce conflit incarne à lui seul les échecs de tous les héritages religieux et philosophiques dont se réclament les protagonistes du conflit et davantage les démocraties modernes qui, par leur gestion du problème juif, et des peuples arabes colonisés ont programmé juridiquement, socialement, culturellement l'antihumanisme radical, les mythoidéologies, les mythohistoires intériorisées par les mémoires collectives, les imaginaires sociaux, les cœurs individuels ; p.38

En conclusion

1) Mohammed Arkoun est un homme de pensée, un philosophe dont la richesse de la pensée ne peut se contenir dans le terme «d'islamologue» qui lui a été collé par tous les commentateurs ayant écrit sur lui ou l'ont jugé digne de recevoir leur hommage lors de l'annonce de son décès ;

2) Loin d'être un iconoclaste ou un hérétique de l'Islam, Arkoun peut être considéré comme un de ses rénovateurs les plus originaux, quoique-il faut le reconnaitre- son approche a été souvent mal comprise et mal appréciée par ceux sur l'esprit desquels pèse le lourd poids de la tradition ;

3) Il était profondément imbu des œuvres philosophiques de l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane, et il en tire la substance de ses appels à casser le poids des traditions ;

4) La foi musulmane de Arkoun, comme son attachement à la culture à la fois arabe et berbère- son compagnonnage avec Mouloud Mammeri est là pour le prouver- ne peuvent souffrir d'aucune réserve;

5) Il était profondément attaché à l'Islam et a œuvré pour redonner un souffle nouveau à la pensée musulmane, tout en étendant ses analyses au-delà de la simple revivification de la philosophie et de la théologie musulmane par le retour à une méthode de commentaire du Saint Coran, utilisant tout les atouts de la pensée moderne ;

6) Il reste conscient de la supériorité de l'Islam, comme religion, bien qu'il ait été élevé dans un contexte scolaire peu propice à la religion musulmane ;

7) Il s'est voulu un éducateur attentionné, et un homme de son siècle, observateur et analyste des drames qui touchent plus spécifiquement les pays arabo-musulmans ;

8) Voici, en dernier mot, ce qu'il écrit sur l'Islam

La civilisation de l'islam vise l'émanci pation de l'âme et sa libération des entraves des passions et des appétits en sorte qu'elle ait dieu pour but, qu'elle soit emprunte d'humanité, qu'elle travaille pour Dieu, et fasse le bien pour tout le monde. (op. cit. p. 43)

9) Arkoun a beaucoup donné à l'Islam et à son pays d'origine, qu'il n'a jamais renié. Ce dont précieux d'idées et d'engagement qu'il a offert par une vie consacrée à l'étude et à la réflexion va-t-il un jour lui être retourné sur la forme d'un hommage national ? C'est là une question pour laquelle on attend avec curiosité et impatience la réponse.