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Bientôt la Banque méditerranéenne?

par Akram Belkaid, Paris

 L’idée date du début des années 1990 mais elle a souvent été remisée dans les placards de la géopolitique et des rivalités régionales. Il s’agit de la création d’une Banque pour le développement en Méditerranée. Il est en effet singulier de noter que l’espace euro-méditerranéen dont on parle régulièrement, notamment à travers les péripéties de l’Union pour la Méditerranée (UPM), ne dispose pas à ce jour d’un outil de financement multilatéral, non exclusivement européen, qui permettrait de répondre au défi majeur du financement des investissements.
 
Mobiliser l’épargne régionale

 Mais l’idée avance. Mandatée par la co-présidence française de l’UPM, une Commission présidée par Charles Milhaud, ancien président du directoire de la Caisse nationale des Caisses d’épargne françaises, vient de rendre son rapport sur le sujet. Et il semble bien que l’on se dirige vers la création d’une Banque méditerranéenne dont le capital – évalué à 10 milliards d’euros - serait détenu en grande partie par la Banque européenne d’investissement (BEI) et par des partenaires publics et privés du nord et du sud de la Méditerranée ainsi que du Golfe. L’avantage de la présence de la BEI dans le tour de table est évident. Outre le fait qu’il s’agit d’une institution très présente dans le financement de projets en Méditerranée, cela garantirait une notation triple-A (AAA) pour le futur établissement ce qui signifie que ce dernier n’aura pas de mal à lever des capitaux sur le marchés et à financer les projets régionaux.

 Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Contrairement à une idée répandue, l’argent existe dans l’espace méditerranéen notamment celui des migrants. Les flux financiers, officiels ou informels (cette dernière catégorie ne signifiant pas qu’ils sont forcément illégaux), sont permanents entre les deux rives de Mare Nostrum. Mais le problème est que les systèmes financiers du Sud sont incapables de transformer cette épargne en placements à long terme afin de financer les projets économiques dont les infrastructures. Pour avoir une idée des enjeux, il faut savoir que les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Psem) ont besoin de mobiliser 400 milliards d’euros dans les dix années à venir pour moderniser et développer leurs secteurs énergétiques. La création de cette banque permettra aussi de démontrer que le Maghreb n’a nul besoin de l’aide financière européenne pour se développer. On peut même affirmer que cela remettrait en cause les idées reçues à propos du caractère incontournable des investissements directs étrangers (IDE). Bien au contraire, en mobilisant les immenses gisements d’épargne locale, la future Banque méditerranéenne constituera à terme un excellent outil pour libérer les énergies et encourager les entrepreneurs méditerranéens qui ne cessent de se heurter à l’archaïsme d’un secteur bancaire incapable de jouer son rôle, c’est-à-dire de financer l’économie.
 
Si l’Allemagne le veut bien
 
 Pour autant, rien n’est encore joué puisque la création d’une Banque méditerranéenne dépend toujours de facteurs politiques. L’initiative française doit tôt ou tard recevoir l’aval des autres pays européens ne serait-ce que parce que la BEI sera lourdement impliquée dans le projet. La question est de savoir si un pays comme l’Allemagne va donner son approbation alors que ses représentants ont été systématiquement tenus à l’écart de la réflexion autour de la Banque méditerranéenne. On se souvient que la naissance de l’UPM avait donné lieu à d’importantes tensions entre Paris et Berlin. Il est fort possible que celle de cette future banque en fasse de même…