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Après les BRIC, les CIVETS et les VILAIN

par Akram Belkaid, Paris

 Le 30 novembre 2001, un article publié par le Département de la recherche de la banque Goldmann Sachs vantait les mérites de quatre pays appelés à concurrencer les poids lourds de l’économie planétaire. Il s’agissait, c’est bien connu aujourd’hui, du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. Depuis, l’acronyme qui les rassemble (BRIC) est désormais célèbre dans le monde entier.

 Rien de mieux en effet que ces quatre lettres accolées pour résumer la montée en force des pays émergents et de leur capacité à concurrencer, voire à supplanter, des puissances industrielles telles que les Etats-Unis, le Japon ou l’Europe.
 
L’émergence attendue de nouvelles puissances conomiques

C’est peu dire que le concept de BRIC a renforcé la renommée des économistes de Goldmann Sachs. Ils ont été les premiers à l’imaginer et ils en tirent un prestige certain. On ne s’étonnera donc pas en apprenant que d’autres acronymes sont régulièrement proposés avec plus ou moins de succès. L’un des procédés les plus usités est rallonger celui des BRIC en le transformant par exemple en BRICS pour y inclure l’Afrique du Sud (South Africa). De même, les économistes qui pensent que la Turquie sera la grande puissance émergente de cette décennie n’hésitent pas à parler de BRICT alors que ceux qui appellent à ne pas oublier la Corée du Sud utilisent plutôt l’acronyme de BRICK (K pour Korea). On le devine, toutes les combinaisons sont possibles même si le terme BRIC reste omniprésent. Toutefois, un autre acronyme est en train de pointer le bout de son nez.

 Lancé en avril dernier par Michael Geoghegan, le directeur général de la banque HSBC, il concerne des pays émergents de taille moyenne susceptibles de rejoindre dans les dix années à venir le quatuor des BRIC. Connu sous l’appellation de CIVETS, il désigne la Colombie, l’Indonésie, le Vietnam, l’Egypte, la Turquie et l’Afrique du Sud (*). Les CIVETS sont donc des « pré-BRIC » dont la croissance devrait exploser et atteindre des niveaux comparables à ceux de la Chine (9%), du Brésil (7%) ou de l’Inde (6%). Certes, d’autres pays affichent déjà pareilles performances mais les CIVETS présentent, selon HSBC, des caractéristiques qui les rendent très attractifs pour les investisseurs à la recherche de gros potentiels de croissance.

 Tous ces pays ont une population importante ce qui garantit, en cas de renforcement des classes moyennes, l’existence à terme d’une forte demande intérieure. De même, les économies des CIVETS sont plutôt diversifiées et ne dépendent pas uniquement des exportations de matières premières ou autres produits de base. Enfin, sans être des havres de paix civile, ces pays, qui disposent de réserves de change conséquentes, sont considérés comme plutôt stables sur le plan politique même si l’Egypte inquiète un peu en raison des incertitudes autour de la succession du président Moubarak. Dernière précision, le terme CIVETS est à prendre au sens anglais, c’est-à-dire celui qui désigne un petit mammifère à la fois carnivore et très accrocheur. Tout un programme qui n’a rien à voir avec un quelconque ragoût de lapin ou de lièvre…
 
Et l’Algérie dans tout ça ?

L’absence de l’Algérie parmi les CIVETS ne surprendra personne. Ce pays ne fait d’ailleurs partie d’aucun acronyme à la mode et le moins que l’on puisse dire c’est que la grande majorité des économistes qui suivent les marchés émergents n’en attendent pas grand-chose. L’incertitude politique, l’aléa législatif et l’immense dépendance à l’égard des exportations d’hydrocarbures font donc que l’Algérie ne peut même pas prétendre à faire partie des pays pré-émergents. Mais comme la mode est aux sigles, on peut tout de même dire qu’elle est membre de droit du club des VILAIN. Cet acronyme, inventé pour les besoins de la présente chronique, comprend le Venezuela, l’Irak, la Libye, l’Algérie, l’Iran et le Nigeria.

 En clair, des pays incapables de se diversifier sur le plan économique et dont on se demande quel sera leur avenir le jour où ils n’auront plus d’hydrocarbures à exporter…

(*) After BRICs, look to CIVETS for growth, Reuters, 27 avril 2010.