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Une inquiétude sino-indienne

par Akram Belkaid, Paris

C’est le genre de réunion qui passe pratiquement inaperçue dans les médias occidentaux alors qu’elle est représentative de la modification croissante de l’ordre économique mondial. La semaine dernière, s’est ainsi tenue la quatrième session du «dialogue financier» entre l’Inde et la Chine. Ces deux poids lourds du désormais très célèbre quatuor des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) étaient représentés par Zhu Guangyao, vice-ministre chinois des Finances et Ashok Chawla, secrétaire indien aux Finances. Et le message délivré par les deux hommes mérite l’attention car il reflète une inquiétude grandissante parmi les pays émergents.

Vers une nouvelle crise asiatique ?

Les craintes concernent la menace d’une nouvelle crise financière en Asie laquelle serait provoquée, comme au milieu des années 1990, par un désordre monétaire de grande ampleur et par une interruption des flux de capitaux à destination de la région. Il faut dire que les amplitudes actuelles sur le marché des changes ne sont pas faites pour rassurer. En moins d’un an, l’euro a perdu 10% de sa valeur vis-à-vis du dollar tandis que le yen progressait de 10%, toujours par rapport au billet vert. Des évolutions qui pénalisent les exportateurs asiatiques obligés de composer sans cesse avec des risques de change de moins en moins prévisibles et maîtrisables.

 Cette volatilité de la devise américaine n’est pas une nouveauté. Mais la Chine comme l’Inde ne peuvent ignorer les signaux d’alerte qui leur proviennent des quatre coins du continent asiatique. L’inflation engendrée par les plans de relance destinés à amortir le ralentissement économique mondial est en nette hausse (ce qui est mauvais pour attirer des flux de capitaux) tandis que les agences de notation s’inquiètent de la santé de plusieurs banques de la région. Autant d’ingrédients qui pourraient provoquer un assèchement des flux de capitaux et une nouvelle crise de liquidités. Certes, avec 2.450 milliards de dollars de réserves, la Chine a de quoi voir venir même si l’instabilité du dollar pourrait réduire la valeur de cette cagnotte. Mais il est évident que le gouvernement de Pékin n’a pas du tout l’intention de jouer le rôle de banquier de service et de prêteur en dernier recours en cas de crise. C’est pourquoi les dirigeants chinois exhortent les pays asiatiques à être plus vigilants en matière de politique des changes et à ajuster leurs politiques monétaires accommodantes de façon à lutter contre l’inflation. De même, Pékin n’a pas renoncé à convaincre ses voisins de créer un fonds monétaire régional qui serait capable de se porter au secours d’un pays ayant des difficultés financières.

Une rivalité qui n’exclut pas la coopération

L’autre élément à retenir de cette réunion est plutôt d’ordre géopolitique. Souvent présentés comme rivaux voire comme des ennemis, la Chine et l’Inde démontrent leur volonté de dialoguer et de diminuer les contentieux. C’est déjà le cas pour les hydrocarbures où les deux pays cherchent à éviter d’être en concurrence permanente pour l’obtention de contrats d’approvisionnement à l’étranger. Ce genre de rencontre est donc loin d’être anodin. A deux mois de la réunion du G20 à Séoul, cela démontre une nouvelle fois la montée en puissance des pays émergents et leur volonté de coordonner leurs positions face aux pays industrialisés du G7.