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Ethique et tics aux Universités scientifiques algériennes

par Ali Derbala *

Les Universités scientifiques algériennes dénommées USA vivent un marasme étouffé par une administration universitaire utilisant les «mass medias» publics lourds, tels les radios locales ou nationales et les chaînes de télévisions terrestre et parabolique.

Les USA ont lancé des appels aux réunions pour discuter d'un projet de «Charte d'éthique et de déontologie universitaires «. Un avant-projet a même été tiré et des copies de ce document ont été distribuées aux enseignants de notre faculté. Cette charte a été promulguée en Avril 2010 et est disponible sur le site du MESRS, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. L'opinion public algérienne est concernée et doit s'impliquer dans ce débat. Nous rappelons que « déontologie « (du grec deon, deontos, ce qu'il faut faire, et logos, discours) est définie selon le dictionnaire Larousse 2007 comme un ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le public. L'Ethique signifie (du grec èthicos, moral) l'étude des fondements de la morale. La « Commission de déontologie « installée par le ministre actuel de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique est présidée par un ancien ministre de l'enseignement supérieur. Pour être plus crédible, ce poste devait revenir à une éminente personnalité scientifique qui n'a pas occupé de poste politique. Ceci nous rappelle étrangement le slogan d'un parti politique algérien inscrit sur les frontons des mairies, que je translaterais en : MIN EL MESRS ILLA MESRS! A la lecture de ce document, nous avons déterminé et relevé ses points faibles.

dans le premier paragraphe intitulé, i. principes fondamentaux de la charte d'ethique et de deontologie universitaires : du point 3. la responsabilité et la compétence, il est écrit que : ?.elles se développent grâce à une gestion démocratique et éthique de l'institution universitaire qui garantit un bon équilibre ?..

Or, ni les recteurs, ni les vice-recteurs, ni les doyens des facultés, ni les vice-doyens de faculté, ni les chefs de départements ne sont nommés démocratiquement par leurs pairs. Les responsables actuels sont tous nommés sans « appel à candidature «, dans le flou absolu, et généralement ils ne sont pas les meilleurs. Certains, n'avaient pas l'alibi de la compétence. La majorité de ces responsables d'universités scientifiques sont de même affinité ou spécialité que le Ministre actuel.

Certains vice-recteurs n'étaient pas et ne sont pas des enseignants justifiant du grade de professeur ou, à défaut, celui de maître de conférences-A ou Docent comme stipulé dans l'article 29 et l'article 52, de la section3 du Décret exécutif n°03-279 du 23 Août 2003 qui fixe les missions et les règles particulières d'organisation et de fonctionnement de l'université. Ils n'étaient que des chargés de cours ou ne sont qu'au plus récemment nommés Maître de Conférences-B.

Du point 5. L'exigence de vérité et l'esprit critique. Il est écrit dans le document que :

La quête et la possibilité de l'interrogation des savoirs que l'université transmet et produit ont pour principes fondamentaux la recherche de la vérité et l'esprit critique?? La recherche scientifique doit être fondée sur l'intégrité académique.

De nos jours, il existe des logiciels de détection de plagiat chez beaucoup d'éditeurs de livres et de journaux scientifiques européens et américains. En digitalisant les articles envoyés pour publication ou des thèses de doctorats et en les faisant passer par ce logiciel, le mal du plagiat est disons le « circonscrit « et ne peut se développer que dans les pays sous développés. Une fraude beaucoup « pernicieuse « que le plagiat s'est répandue à l'université scientifique, les articles achetés ou articles de journaux payants [01]. C'est comme le gaz, l'article acheté, même s'il est écrit avec « des pieds « (avec un grand respect pour un jeune algérien handicapé de ses mains et qui le seul, écrit avec ses pieds), il est indécelable, incolore, inodore mais tueur de la science et de la recherche. Selon l'éminent professeur et auteur Ahmed Rouadjia[02], sociologue et historien de l'université de M'sila, un cas pathologique, maladif de plagiat s'est révélé même au siège de notre ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le MESRS. Un haut cadre de ce département « a piqué « la thèse de doctorat en sociologie de son collègue et meilleur ami de surcroît.

 dans le paragraphe ii. droits et obligations. ii-1 les droits et obligations de l'enseignant-chercheur. il est écrit aussi que : ?l'état, en leur permettant d'assumer leurs missions, doit les mettre à l'abri des besoins?.

c'est archi-faux. Nous luttons que pour notre survie?. La situation financière du directeur de laboratoire algérien que je suis était humiliante. Je l'ai écrit [03] : En ce début d'année 2010, à 53 ans, avec mon titre de Docteur d'état en mathématiques et mon grade de maître de Conférences-A, je ne disposais que de 1700 DA et 2600 DA respectivement dans mes comptes bancaire et postal. Les enseignants ont suspendu leur grève depuis Octobre 2006. A cette date d'Août 2010, les pouvoirs publics ou le gouvernement n'a pas pu élaborer un « petit régime indemnitaire » pour les enseignant-chercheurs. Ce régime indemnitaire n'est pas encore établi et aucune indemnité ne nous est encore attribuée. Ils accusent un retard de deux années et demi à l'ère de la mondialisation, de l'Internet, des TIC, du e-gouvernement, etc. A mon avis, il ne fallait pas reconduire ce gouvernement mais le démissionner. dans ce même paragraphe, on trouve le point 2. les obligations de l'enseignant- chercheur où il est fait mention d'une batterie de textes de répression de l'enseignant-chercheur du type : « En cas de faute professionnelle de l'enseignant-chercheur et de comparution devant les instances disciplinaires habilitées ; celles-ci peuvent, selon le degré de gravité de la faute, et dans le respect des procédures disciplinaires prévue par la réglementation en vigueur, proposer des sanctions pouvant aller jusqu'à sa déchéance de la qualité d'enseignant universitaire. La responsabilité principale de l'enseignant-chercheur est d'assurer pleinement ses fonctions universitaires d'enseignant-chercheur. ».

 Mais on ne souffle aucun mot sur les dépassements des responsables et de la non application des textes promulgués qui régissent l'université. En effet :

 Eu égard, au Décret exécutif n° 03-279 du 23 Août 2003, fixant les missions et les règles particulières d'organisation et de fonctionnement de l'université, du Titre III:

De l'organisation et du fonctionnement, du chapitre 3 : De la faculté, de la Section 1 : Du conseil de faculté, dans son Article 38 composé de neuf points, il est stipulé que le conseil de faculté émet des avis et recommandations sur : du cinquième point, le projet de budget de la faculté, du huitième point, la gestion de la faculté etc. Ce conseil de faculté n'a jamais été installé dans notre faculté et cela depuis la parution de ce texte en Août 2003. Notre faculté, normalement indépendante financièrement de l'université est gérée par le seul « doyen».

Eu égard au Décret exécutif n° 03-279 du 23 Août 2003, fixant les missions et les règles particulières d'organisation et de fonctionnement de l'université, du Titre III: De l'organisation et du fonctionnement, du chapitre 3 : De la faculté, de la Section 3 :

Du doyen de la faculté, dans l'Art. 56, il est stipulé que :

Art. 56. ?.Le chef de département est nommé, pour une période de trois(3) ans, parmi les enseignants justifiant du grade le plus élevé, par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur sur proposition du doyen et après avis du recteur?.

Certains chefs de départements «ont quadruplé « leur mandat. Ils ont une présence de douze années en cette qualité alors que nos étudiants ne sont pas autorisés « à tripler «la classe. Ils ne sont pas de rang magistral comme le stipule le texte qui régit les postes de responsabilité. Beaucoup ne sont que des maîtres-assistant-A. Sur le site WEB de l'université, notre chef de département s'affiche avec un grade de Professeur alors qu'il n'est qu'un maître-assistant-A. C'est de l'usurpation de titres !

Les conseils scientifiques des facultés, dans leur majorité, n'appliquent pas les textes récents qui les régissent depuis Octobre 2006. L'absence de ces membres lors de plusieurs réunions sans possibilité de les changer par des enseignants suppléants, le nombre des membres de chaque corps n'est pas actualisé à celui imposé dans le texte de 2006, ?constituent les anomalies. Ces conseils scientifiques sont devenus administratifs, représentés par des membres de droits tels le doyen, les vices-doyen, les chefs de départements et les directeurs de laboratoires. Les enseignants de rang magistral, les scientifiques et chercheurs se font élire alors que c'est eux qui doivent être membres de droits !

Selon ce qu'a écrit la professeure Emérite Nacira Zellal, de l'université de Bouzaréah, un cas d'éthique se présente sous la forme de permission à des élèves de juger la qualité de leur maître et d'outrepasser leur domaine de compétence au point où un psychologue ou un sociologue juge une neuroscientifique. Elle soulève la question de l'absence de transparence au sein des commissions d'Experts (CSP, CUN, CSD, CSF, CRC, Commissions d'Habilitation) : les noms, les spécialités et les CV des experts sont maintenus cachés, ce qui permet toutes sortes de dérives. Un expert dont le nom, la spécialité et le CV sont portés, comme cela se fait dans toutes les universités du monde, à la connaissance du public est condamné à être honnête.

Un autre cas d'éthique et de déontologie. Certains responsables des universités nomment des chefs de département parmi des enseignants qui ont échoué dans leur formation à l'étranger, bien qu'ils fussent détendeurs de bourses.

Les responsables des universités ont établi des traditions de type « Sunna Hamida».

Pour leur responsabilité, ils sont payés trimestriellement en heures de vacations, rubis sur l'ongle, chose qui est illégale. C'est aussi de l'éthique. La vacation est l'acte de dispense de cours, TD ou TP. Des enseignants ont produit des polycopes de cours et TD qui les ont distribués aux étudiants au début de l'année universitaire 2009-2010, ce qui est mon cas, payés en heures de vacation selon les textes en vigueur, ne sont pas encore payés et ils n'ont pas reçu leur « dû ».

Les responsables partaient en stage sans faire de demande au conseil scientifique du département ou de la faculté (CSD ou CSF). Les vrais chercheurs se font imposer des conditions de demande de stage au CSD ou au CSF, de fourniture d'une lettre d'invitation récente et actualisée, du plan de travail signé par le directeur de thèse et le co-directeur de thèse s'il est étranger ou aussi le directeur du laboratoire d'accueil à l'étranger. De retour à l'université, ils doivent fournir un rapport de stage. Il me semble que ces responsables ne sont pas tenus de remettre un rapport ou au moins je n'ai jamais lu le rapport de stage d'un responsable. Avec les sites WEB, pour plus de transparence et pour que les gens n'abusent pas de ces stages, les rapports doivent être publiés sur le site de l'université.

Beaucoup d'enseignants ont bénéficié des stages pendant des années mais ils n'ont fait aucun effort de persister à chercher et rechercher pour obtenir leur doctorat. Ils ont abandonné leur parcours scientifique. C'est aussi un cas d'éthique, soit il faut les relancer à poursuivre leur recherche ou éventuellement à rembourser ce qu'ils ont pris comme devises sans contrepartie scientifique. Parmi ces enseignants, beaucoup se procuraient chaque année des lettres d'invitation à l'étranger, en général en France. Ils obtiennent des sommes conséquentes et ne font que descendre à Roissy et revenir au pays quelques jours après, les poches pleines de devises. Ils n'ont jamais pu communiquer dans des conférences ou faire des articles, mais chaque année ils sont en stage. Sans production scientifique, l'université ne doit pas leur offrir les services d'un office de tourisme.

Le MESRS décerne de « faux-vrais diplômes «. Il décerne des diplômes de Doctorat d'Etat où le nom Doctorat est imprimé en caractère d'imprimerie sur le diplôme et le nom « d'Etat » est rajouté au « stylo à feutre «. Ces diplômes sont signés conjointement par les actuels recteur de l'USTHB et le MESRS. C'est une négligence caractérisée et une porte grande ouverte à la falsification et à la fraude.

Conclusion : Au niveau de l'université, comment faire pour que les textes de lois promulguées soient appliqués à la lettre ? Qui va inciter les recteurs et les doyens à appliquer les textes qui régissent l'université ou la faculté ? Cette fameuse commission de déontologie, la Police, la Gendarmerie, un Procureur, un Juge, un Tribunal, la cour suprême, le DRS ? Ou bien comme l'a bien remarqué le sociologue algérien Lahouari Addi [04] : la raison est peut être que, dans l'Etat (à fortiori à l'Université), il y a des catégories de cadres sur lesquels l'autorité de la police ou de la gendarmerie ne s'exerce pas. S'il y a fraude (Un conditionnel, ce temps est celui du vœu, du souhait, de la recommandation), un des cas de déontologie et d'éthique, en général elle ne peut être qu'administrative, réalisée par des administrateurs, des responsables enseignants à l'origine. Les enseignants « pédagogues « ne délivrent aucun document administratif, même pas les attestations de réussite des étudiants. Bien que, c'est eux qui déclarent les étudiants admis ou échoués par procès verbal, dénommé PV. Une situation administrative qualifiée d'utopique et de paradoxale. On a un besoin urgent d'un audit dans tous les paliers de l'éducation, du primaire au supérieur. Une participation des coopérants techniques dans le cursus pédagogique et scientifique est indispensable. Seuls, entre algériens, sans références externes, sans repères ou témoins étrangers, nous avons faibli et sommes devenus médiocres.

* Universitaire

Références :

1 Ali Derbala. La formation doctorale dans un laboratoire de recherche. El Watan, Mardi 26 Janvier 2010, Rubrique: Idées-Débats, p21.

2 Ahmed Rouadjia. Les dérives de l'université algérienne, mythes ou réalités ? 2 e partie et fin, El Watan, Mardi 02 Février 2010, p. 21.

3 Ali Derbala. La désillusion sociale des enseignants ?chercheurs. Le Quotidien d'Oran, Jeudi 05 Août 2010, Rubrique: L'actualité Autrement vue, p. 10.

4 Lahouari Addi. Corruption, politique, Economie et Société, Le Quotidien d'Oran, 28 Janvier 2010, p.07.