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L’Union monétaire du Golfe : toujours d’actualité

par Akram Belkaid, Paris

Il fut un temps où il était de mise, au Maghreb en général et en Algérie en particulier, de moquer les pays du Golfe en mettant l’accent sur leur retard économique, social et même culturel. Bien entendu, les choses ont changé. Malgré ses déboires récents, l’émirat de Dubaï fait toujours figure de modèle à suivre en terme de diversification économique tandis que le flux d’informations économiques en provenance de cette région démontre l’existence d’un dynamisme que l’on serait bien incapable de revendiquer dans un Maghreb bel et bien en panne par la faute de ses dirigeants.

La monnaie unique avance

On en veut pour preuve le projet de monnaie unique des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Mercredi dernier, les représentants d’Arabie Saoudite, de Bahreïn, du Qatar et du Koweït, ont tenu la première réunion du Conseil monétaire commun désormais présidé par le Saoudien Muhammad Al-Jasser. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le processus de création d’une monnaie unique pour ces quatre pays. Rappelons que feu l’Union du Maghreb arabe (UMA) était aussi porteuse d’un tel projet mais il est inutile de se demander où est passé le carton qui le contenait…
Certes, ce n’est pas demain la veille que les quatre pays concernés auront une devise commune. Les obstacles restent en effet nombreux. D’abord, il n’y a pas de calendrier officiel ni de date butoir. Prévue pour cette année, la monnaie unique du Golfe ne devrait pas être disponible avant 2015. Ensuite, il y a le fait que deux pays manquent à l’appel et qu’il faudra tôt ou tard qu’ils soient de la partie pour que la devise commune soit crédible. Il s’agit des Emirats arabes unis (EUA) et du Sultanat d’Oman. L’absence du premier pays relève de sa volonté de ne pas dépendre d’un processus monétaire qui serait contrôlé par l’Arabie Saoudite tandis que celle du second s’explique par une prudence vis-à-vis de ce que pourraient être les règles futures en matière de politiques financières et monétaires communes.
D’autres questions, plus techniques, restent à régler. La future monnaie sera-t-elle liée au dollar comme c’est le cas pour le rial saoudien ? Le lien sera-t-il fixe (peg) ou plus souple ? Quid alors du lien qui existe actuellement entre le dinar koweïtien et un panier dollar-euro ? Tout cela est en discussion et c’est bien là l’un des premiers intérêts de la démarche. Ce dossier mobilise les chercheurs et les universitaires, il oblige les uns et les autres à réfléchir et à faire des propositions. En un mot, il s’agit d’un projet qui draine de la matière grise et qui permet de dessiner des perspectives à moyen terme.
Rien ne dit que le processus va aboutir mais il pousse les pays de la région à évaluer les conséquences d’une indépendance monétaire vis-à-vis du dollar et, ce faisant, à passer au crible les politiques monétaires des uns et des autres. De plus, l’union monétaire étant assujettie à une convergence économique, cela va tôt ou tard obliger des pays qui font cavalier seul en matière de stratégie de développement – ils ont tendance à se copier et donc à se concurrencer – à se coordonner.

L’exemple grec

Et les déboires de la Grèce font aussi office d’enseignements à tirer. On sait désormais que des critères de convergence trop stricts risquent tôt ou tard de faire déraper le processus d’union monétaire. On sait aussi que des appareils statistiques modernes, fiables et transparents sont une nécessité incontournable. De cela, les économistes du Golfe sont convaincus et cela alimente leur réflexion et leurs travaux. On aimerait aussi que le Maghreb soit traversé par une dynamique intellectuelle comparable…