Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Démondialisation

par Akram Belkaid, Paris

 Les conséquences de la récession actuelle ont fait apparaître un nouveau terme de plus en plus prisé par les commentateurs de l’actualité économique. Il s’agit de la «démondialisation», soit l’arrêt, plus ou moins brutal et plus ou moins temporaire, du processus d’interconnexion des économies de la planète. Après avoir vu les frontières, notamment douanières, s’abattre les unes après les autres, ce qui a permis ce que d’aucuns appellent l’émergence d’un village global, on assisterait, crise oblige, à un renversement de tendance.

Le commerce mondial bien atteint

 A l’appui de cette constatation, on peut se référer aux dernières statistiques de l’Organisation du commerce international (OMC). Dans ses perspectives pour le commerce mondial de 2010 publiées vendredi dernier, l’organisation dirigée par Pascal Lamy a confirmé que les échanges internationaux ont chuté en 2009 de 12,9% en volume ou encore, et c’est bien plus impressionnant, de 23% en valeur (en dollars courants). C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale que le commerce mondial est ainsi atteint. De fait, les exemples de replis des échanges mondiaux enregistrés depuis 1945 sont peu nombreux: -0,2% en 2001 (attentats du 11 Septembre et explosion de la bulle internet), -7% en 1982 (crise de la dette en Amérique latine) et -7% en 1975 (choc pétrolier). Contrairement à une idée reçue, les raisons de cette contraction en 2009 n’ont rien à voir avec des mesures protectionnistes que les Etats auraient prises ici et là pour défendre leurs économies et les emplois. C’est d’abord parce que la demande mondiale a baissé que le commerce planétaire a ralenti. Et si cette tendance persiste, cela signifie que, fatalement, la mondialisation telle qu’on l’a connue depuis 1990 va à la fois changer de rythme mais aussi de visage. Déjà, plusieurs économistes prédisent que nous allons assister au cours des prochaines années à une relocalisation des activités. En effet, une délocalisation n’a de sens que si elle offre des avantages compétitifs sur un large marché. Si ce dernier est saturé ou moins dynamique, le recentrage sur les marchés nationaux ou régionaux est une option pertinente. Le thème de la régionalisation risque donc d’accompagner celui de démondialisation surtout si les Etats y ajoutent leur grain de sel en cédant aux sirènes protectionnistes que l’on entend régulièrement retentir en Occident. Cette régionalisation signifierait la fin des délocalisations à outrance et un retour à des coopérations industrielles de voisinage. Cela commence déjà à être le cas en Asie où les dirigeants chinois ont plus que jamais compris la nécessité d’aider au renforcement des marchés intérieurs de leurs voisins. En Europe, des voix se font entendre pour que l’Union européenne opte pour un protectionnisme «intelligent» qui favoriserait ses membres et, peut-être, ses voisins immédiats dont ceux des rives Sud et Est de la Méditerranée.

Un brin d’optimisme

 Mais rien n’est joué. Pour Pascal Lamy, le commerce mondial va reprendre sa marche en avant en 2010 et progresser de 9,5% en volume. Cela signifierait que la démondialisation n’aura été qu’une crainte passagère et que le monde continuera à être de plus en plus plat pour reprendre l’expression du journaliste et écrivain Thomas Friedman (*). Mais il est encore difficile d’avoir une idée définitive. Dans les mois qui viennent, il faudra analyser de près les rapports sur les investissements directs étrangers pour savoir si la démondialisation est une réalité et si la régionalisation l’accompagne.
(*) La terre est plate, une brève histoire du XXIe siècle (the world is flat), Saint-Simon